Reportage précédentReportage suivantMarin d'eau douce!

Le mal de mer que j'avais presque oublié pendant cette agréable escale de deux jours à Ouvéa, a refait surface.
Allongé dans le carré où sur le lit de notre chambre transformé en plan incliné, je prends mon mal en patience, incapable de quoi que ce soit. Calé comme je peux dans l'angle que fait le lit avec la cloison 'normalement ' verticale , j'attends.
Dans une petite quarantaine d'heures, nous serons à Efate. En 'direct' pourtant, prenant mon courage à une main et mon crayon de l'autre, j'essaie de coucher sur papier mes sentiments nauséeux...


En attendant que ça passe"17 Septembre; 16h30
Fait chier! J'ai le mal de mer! Malade quoi! Allongé dans le carré à ne rien pouvoir faire. Une obsession: cette envie de vomir qui me remonte les entrailles, le sentiment de n'avoir plus qu'un clapet anti-retour dans le fond de la gorge pour empêcher la remontée! Affreux! Pas moyen de s'évader, de prendre l'air, d'aller faire un tour: tout me dégoûte!! (Tiens, même le beau tazard pris l'autre jour me fait plus envie. Caroline l'a fait cuire, mis en bocaux. L'odeur tenace qui emplit le carré malgré les bâtons d'encens me soulève le cœur.) Pour apaiser mon malheur, Caroline nous (m'a!) fait du riz au lait. J'adore ça! Eh bien l'odeur me dégoûte également! 'Fait du bien à un âne...'

J'aimerais mieux me lécher les babines, mais là...l J'ai plutôt un goût amer dans la bouche, les dents serrées, comme pour interdire toute tentative d'évasion: 'Ne sortez pas, tout est fermé!' La vache! Ça me travaille...
- C'est de la navigation musclée, nous dit Jacques.
La seule chose que je vois c'est que nous naviguons au près très serré, le nez complètement face au vent, quoi!
Ah, quand je pense qu'on a attendu un mois sur les pontons de Nouméa, des rêves de traversée épique plein la tête, comme des enfants qui rêvent d'un nouveau jouet et qui sont prêts à tout pour l'obtenir... Eh bien, j'crois qu'j'aime pas mon cadeau!!! Pas du tout même!!

Je me faisais un plaisir d'apprendre la voile, d'avoir du temps pour lire, faire des choses sur le PC, écrire les reportages en retard... J'n'ai envie de rien! Que ça s'arrête seulement. Vivement la terre ferme, le plancher des vaches. J'suis un routard terrien, moi, pas un marin! Help!! Au secours!
Tiens, v'là que je rêve d'une marche de 20 kms avec 20 kgs dans le sac à dos... Même dans le froid, comme au Chili... Ce serait le pied, le bonheur...
Demain on sera au Vanuatu, à Efate, si tout va bien, un paradis à ce qu'il paraît. Mais aujourd'hui, c'est l'enfer! Pour me rassurer, Jacques me dit que ça passera, qu'il faut s'acclimater 2-3 jours... Eh bien, ça va être long! Et c'est même pas sûr que ça va passer!
Moi qui croyait qu'il suffisait de laisser tremper les pieds dans une bassine d'eau de mer pour avoir le pied marin... Raté! La bassine ne sert à rien... quoique.. En cas de coup dus, j'en ai une à portée de main!!

Près de  30° de gite pour MitanAvant de vous quitter, je pense à Renaud qui disait: 'C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme!!' ... Eh bien moi, elle me prend en grippe... Pour vu que ça ne dure pas... Qu'est-ce-que j'ai bien pu faire pour m'attirer le courroux de Poséidon?
Ce soir, ce ne sera pas soir de fête... Demain peut-être...
Nous sommes à 19°46' le latitude Sud et 167°04' de longitude Est. "

Si je suis trop malade pour être de quart, Caroline assume seule la tâche, même si Jacques prend sur lui-même pour quitter le pont, ne serait-ce qu'une heure ou deux, et s'allonger sans dormir sur sa couchette. Malgré une surveillance de tous les instants, le Titanic n'a-t-il pas sombré corps et biens par la faute d'un iceberg isolé?? Bon, il est vrai qu'ici la température de l'eau avoisine 30° mais on ne sait jamais!! et puis laisser une femme aux commandes d'un bateau qui n'est pas le sien, est-ce bien raisonnable??... me chuchote Caroline, le sourire jaune.
Si Jacques fixe lui-même les horaires des quarts, nous expliquant avec force démonstration 'combien il est important de les respecter', 'combien le repos est indispensable pour récupérer et prendre les bonnes décisions', il ne s'y tiendra jamais tant que Caroline sera sur le pont. Un paternaliste:' Il vaut mieux que tu te reposes maintenant, moi, je ne dors pas..." accompagne son renvoi, qu'elle reçoit plutôt comme un 'Va te coucher, bonne à rien!'... ou plutôt à tout faire!...
Sans admettre son attitude, nous comprenons que nous avons entre les mains plus d'un million de francs, économies et rêve d'une vie de travail. Nous nous posons seulement une question :" Sont-ils tous comme ça les capitaines qui prennent des équipiers à bord??"
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