Reportage précédentReportage suivantPendant les quarts...

Règle de Cras, compas à pointes sêches
 et carte pour faire le point- Yannick! me chuchote Caroline à l'oreille en me secouant un peu. C'est à toi!
Tandis que je me lève, Caroline vient s'installer dans le lit trop chaud. Il est 1h00. C'est l'heure de prendre mon quart. Jusqu'à 4h, je vais donc être l'oeil du bateau. Bien que nous ne soyons pas ensemble pour les partager, les heures de quart sont de vrais moments de bonheur.
Zen...Seul(e), sous un ciel étoilé rien que pour soi, la nuit semble vous appartenir.
Cette nuit, une brise légère, même pas rafraîchissante nous pousse vers l'ouest à 5,5 nœuds.

Seul(e) maître à bord- tant que Jacques, qui ne dort que d'un œil, ne fait pas une apparition pour calmer son anxiété quasi-constante, nous pouvons enfin 'jouer' avec le bateau. C'est pendant la nuit en effet qu'ont lieu nos TP secrets. La théorie en tête, tels des apprentis marins qui essaient leurs premiers réglages en cachette, nous nous essayons à 'nos' trucs. Et le Pacifique devient alors notre terrain d'essai!
'Alors là, si je reprends un peu de génois, il prendra mieux le vent' ou encore 'Si je reprends 10° sur le pilote automatique, on aura le vent plein arrière et alors là, je pourrai régler 'mes' voiles en ciseaux. Si tout va bien, je peux gagner 1 nœud voire un nœud et demi...'
Et la théorie devient pratique avec le verdict des éléments qui permet d'apprendre, de comprendre et de se poser de nouvelles questions! On prend notre pied comme des gamins!
AVant d'aller dormir...Quand incertaine de sa théorie ou par manque de force physique pour la mettre en œuvre, Caroline vient me réveiller:
- Le bateau gîte trop, tu peux m'aider à réduire la toile?
- Bien mon Capitaine!
Et de retourner me coucher dans un lit plus plat, tandis que Caroline me fait des infidélités avec la voûte céleste où la Croix du sud est sans conteste notre constellation fétiche. Visible seulement de l'hémisphère austral, elle apparaît sur le drapeau australien et néo-zélandais, nos deux prochaines étapes... Si tout va bien...Caroline, de quart

Et puis la nuit est synonyme de silence. Silence relatif certes- quand on sait qu'un bateau glissant sur l'eau n'est jamais muet, loin s'en faut!- mais la nuit, il règne toujours une atmosphère spéciale. Un monde inconnu se met alors en place, plein de poésie, permettant à l'imagination de divaguer.
Seul(e) au milieu de rien. A l'écoute du vent et de la mer, à l'écoute surtout des réactions du bateau. A l'écoute de soi aussi. Trois heures durant. Trois heures pendant lesquelles on se croit le roi du monde et où on sait qu'on est rien face aux éléments.
Petit bouchon au milieu de cette immensité liquide, comme perdu à des dizaines voire des centaines de milles de tout îlot de terre, nous avançons pourtant vers l'ouest. Inexorablement.
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