En
ne parcourant que 300 milles nautiques en 4 jours, la traversée s'annonce
plus longue que prévu. Les alizés qui devraient nous transporter
gentiment vers l'ouest ne sont malheureusement pas au rendez-vous. Mais que
pouvons-nous faire? Notre skipper commence à bouillir, parle de remettre
le moteur... et finit quand même par le faire tourner quelques heures.
Dans la nuit du 18 au 19 octobre, nous sommes presque à l'arrêt.
0,2, 0,5 nud indique le speedomètre tandis que l'anémomètre
bat lui aussi des records: 3, 4 jusqu'à 5 nuds de vent en rafale!
On est bel et bien plantés!
Heureusement la journée du 20 nous fait basculer dans un autre univers.
Peu à peu, insensiblement, puis beaucoup plus franchement, nos prières
(secrètes) auprès des dieux des vents vont être exaucées.
Et le bateau de se rapprocher à grande vitesse du but fixé. A
plus de 7 nuds de moyenne (12,6 km/h), sous un vent oscillant entre 15
et 20 nuds, nous serons même amenés à réduire
la toile pour ne pas trop faire souffrir le gréement peu habitué
à ce régime de course.
Sans discontinuer maintenant, je reste littéralement 'scotché'
à l'ordinateur qui voit peu à peu la nouvelle version du site
prendre forme. Caroline n'a qu'une chose: arriver en Australie!! Usée
par l'attitude notre capitaine, elle ne lui parle pour ainsi dire plus. Il est
vraiment temps que nous arrivions.
Seules les cannes à pêche nous donnent un peu de distraction et
un sujet de conversation pour quelques heures quand le frein du moulinet s'emballe.
Le 24 octobre, alors que nous ne sommes plus qu'à 150 milles du but,
tandis que le vent est tombé sous les 12 nuds, Jacques décide
de remettre le moteur en marche. Pour la première fois, nous bénissons
le bruit qui résonne dans la coque toute entière: nous savons
maintenant que sauf accident nous serons à Townsville demain.
Les
derniers moments de plaisir nous sont donnés à 6h le matin du
25. Sautant sur la canne bâbord dont le moulinet s'affole, je ramène
la plus belle prise de tout notre parcours. Peu combatif, le tazard rayé
qui est hissé à bord accuse tout de même 1,37 mètre!
Pesant plus de 20 kg -nous l'estimerons à 22 grâce à l'aide
de seaux remplis d'eau!- il arrive malheureusement un peu tard dans le voyage
pour que nous puissions apprécier jusqu'au dernier filet des 15 kg (minimum)
de chair ferme et très goûtée que nous en retirerons. Au
déjeuner pourtant, nous nous régalons de trois filets géants
pesant près de 2 kg au total. Justes poêlés avec un filet
des derniers limes du Vanuatu... Ceci est notre dernier repas sur Mitan.
Après avoir trouvé avec peine l'entrée de la marina où
nous sommes attendus, une fois les contrôles sanitaires et douaniers effectués,
nous faisons nos sacs en un quart d'heure et quittons le bateau sous les yeux
étonnés de notre skipper.
Pour nous qui étions embarqués sur Mitan depuis le 3 août,
le contrat est rempli. Nous voulons enfin nous retrouver seuls, enfin retrouver
notre chère liberté.