Premiers
milles vers l'Australie
De
retour à Luganville, après une escale d'une nuit à Sola
sur la côte est de Vanua Lava, nous attendons maintenant avec impatience
le départ vers l'Australie. C'est ici que nous faisons la 'clearance'
du bateau, ce qui équivaut à un passage de frontière pour
sortir du territoire. Mille deux cent milles nautiques (soit 2160 kms) nous
séparent encore de l'Australie, notre destination finale.
Il est 12h30 ce 15 octobre comme nous levons l'ancre de ce mouillage sans beaucoup
d'intérêt. A 5 noeuds de moyenne, nous serons à Townsville
dans 10 jours. Avant, si Eole est avec nous; plus tard si nous n'avons pas de
chance....
Grâce à un médicament vraiment magique que je m'étais
refusé (quel imbécile!) à prendre auparavant, le mal de
mer n'est en effet plus qu'un mauvais souvenir. Depuis la mer de corail où
nous naviguons maintenant
depuis deux jours, je bénis, une fois n'est pas coutume , le laboratoire
pharmaceutique Synthélabo qui a inventé Sureptil et mis sur le
marché ce médicament prescrit pour des problèmes d'oreille
interne pour la modique somme de 15,20 frs les 50 comprimés! Grâce
à lui, une vraie résurrection s'empare de moi. Avec Caroline,
nous allons ainsi enfin pouvoir donner un nouvel emballage à notre site
internet qui fête déjà son premier anniversaire. D'essais
en essais, nous finissons par nous mettre d'accord sur une nouvelle charte graphique,
plus claire et agréable à nos yeux. Quoiqu'il en soit, les dés
sont jetés, de notre côté et quelques dizaines d'heures
(qui s'avéreront être 250!) de travail nous séparent encore
de la nouvelle version de yaca.net.
A
bord, nous ne prenons plus notre pied, usés par le comportement de notre
skipper qui depuis quelques jours semble avoir replongé dans un monde
qui n'est pas le nôtre. A force de laisser glisser des attitudes et réactions
que nous avons du mal à supporter en temps normal, nous n'avons maintenant
qu'une hâte: toucher le sol australien. Seule la parole donnée
il y a deux mois et demis nous attache encore au bateau que nous nous sommes
refusés à quitter lors de notre dernière escale. Mais le
coeur n'y est plus.
Recluse aux tâches ménagères, Caroline
n'en peut plus. Le mépris de notre skipper à son égard
et l'ignorance qu'il lui manifeste deviennent insupportables. Avec moi, c'est
différent. Il me demande conseil et m'écoute. Je vérifie
ses calculs et relevés, choisissant preuves à l'appui les options
de navigation à prendre. C'est le monde à l'envers mais il nous
paraît parfois tellement incohérent! Il n'y a qu'une chose qu'il
n'aime pas que je fasse sur le bateau: c'est régler les voiles pour confronter
mes théories à la pratique: ça l'énerve. ( Je dis
'que je fasse' parce qu'en ce qui concerne Caroline, à part le ménage,
la cuisine et la vaisselle, il préfère qu'elle ne touche à
rien. Pas la place d'une femme, sûrement! Ce qui nous fera plaisanter
par la suite en disant qu'après 3 mois de bateau, Caroline se sentirait
plus à l'aise aux côtés de Maïté que d'Isabelle
Autissier!).
Au départ de Nouméa pourtant, ceci faisait partie du contrat:
essayer sans risquer des manuvres dangereuses, se tromper sûrement,
comprendre et recommencer... Mais les règles semblent avoir évolué
de son côté.
- Les réglages ne s'expliquent pas: ça se sent! m'affirme-t-il
alors que je lui reproche de nous confiner dans un rôle d'exécutants
et de copieurs de réglages 'au pif' qui me paraissent perfectibles. A
tort peut-être... mais je ne demande qu'à comprendre!
- Je ne saurai pas t'expliquer! finit-il par m'avouer.
Dès lors, je me réfugie dans le travail sur l'ordinateur, Caroline
dans la lecture et le sommeil. Quinze heures par jour, nous allons ainsi nous
abrutir dans notre monde pour éviter le conflit. Zens, superzens, nous
respirons le nuit, pendant les quarts que nous partageons parfois ensemble.