Originaire
des îles Fidji d'où il aurait été importé,
le kava est devenu LA boisson nationale ni-vanuatu. Alors que l'alcool est très
peu présent, le kava est quant à lui omniprésent dans toutes
les familles et constitue quasiment la seule et unique boisson en dehors de
l'eau.
Non alcoolisée, cette décoction de racines dont il ne faut cependant
pas abuser est dotée de pouvoirs thérapeutiques universels auxquels
la médecine occidentale commencerait à s'intéresser. Boisson
ancestrale autrefois exclusivement réservée aux hommes initiés
dans les cérémonies traditionnelles, le kava s'est peu à
peu démocratisé. Depuis peu, même les femmes sont autorisées
à boire ce breuvage, mais chez elles seulement et jamais en dehors de
leur habitation ni dans les lieux publics.
Relaxant, apaisant et doté de 1000 autres propriétés qui
ne peuvent que vous tenter à l'essayer, c'est chez Camille l'anglophone
de Wala que nous allons voir naître sous nos yeux cette boisson qui ne
se conserve pas et se prépare donc quotidiennement.
De ce petit arbuste mesurant
à peine deux mètres de hauteur, la seule partie intéressante
se trouve sous la terre. C'est en effet à partir des racines que ce breuvage
si populaire ici est obtenu.
Après
avoir lavé à grande eau puis coupé les racines en dés,
la seconde opération est le broyage. Utilisant pour ce faire ce que nous
appelons chez nous un moulin manuel à viande -celui-là même
qui servait autrefois à faire la chair à saucisse- les racines
sont ainsi réduites en purée après deux passages au moulin.
Assez physique -les racines contiennent peu d'eau- nous nous adonnerons à
tour de rôle à quelques tours de manivelles, sous les yeux amusés
de quelques curieux venus assister au spectacle des Blancs faisant le kava.
- Il y a trois sortes de kava, nous informe Pierre, venu nous assister. Le plus
fort était autrefois utilisé par les chefs spirituels pour entrer
en relation avec les esprits. Depuis que nous sommes monothéistes, c'est
une chose du passé, nous précise-t-il. Le deuxième est
moins fort mais garde beaucoup de propriétés. Après deux
ou trois kavas, vous vous sentirez relaxés, détendus... C'est
ça qu'on recherche avec le kava: ses propriétés apaisantes.
Quant au troisième, il n'a aucun intérêt. Il est tellement
dilué qu'il n'a aucun effet. C'est
celui qu'on trouve dans certains nakamals où viennent les touristes!
nous dit-il en souriant. Ce soir, c'est du 2 ème type qu'on prépare...
Alors que le broyage touche à sa fin, le fils de Camille vient d'amener
une grande bassine où il brasse maintenant la purée de racines
avec de l'eau. Immédiatement, l'eau se teinte d'une couleur blanchâtre,
tirant sur le crème et opaque, couleur que gardera la boisson jusqu'à
sa consommation.
Filtrant maintenant ce mélange à l'odeur très particulière,
poivrée et terreuse à la fois, pressé dans un linge, le
kava est maintenant prêt à être servi.
Si habituellement il se consomme dans des demies noix de coco faisant office
de bol, c'est dans de véritables bols que Camille nous servira.
- Ça se boit cul-sec! nous annonce-t-il en présentant un plein
bol à Caroline.
A ce stade, il ne nous reste plus qu'à nous exécuter, sous les
regards des curieux que l'on devine malgré la nuit noire.
Courageux et considérant ce breuvage plus comme un médicament
qu'un plaisir gustatif, nous avalons notre premier kava ni-vanuatu.
- Et alors? nous demandez-vous déjà...
Eh bien, côté goût c'est indescriptible et peu agréable.
Un peu comme si on buvait une solution d'argile ou quelque chose dans le genre.
Pour
ce qui est de l'effet procuré en revanche, une sensation bizarre s'empare
de tout votre être. Immédiatement. Au niveau de la bouche tout
d'abord, l'impression de sortir d'une anesthésie dentaire est sûrement
le sentiment le plus facile à décrire. Ensuite, sans que le kava
soit considéré comme une drogue, il est incontestable qu'il doit
se passer quelque chose tant l'impression d'être totalement vidé
s'empare de vous. On flotte un peu, comme si toutes les tensions intérieures
se volatilisaient immédiatement.
Buvant à leur tour un bol de kava à notre santé, Camille,
Pierre et tous ceux qui nous accompagnent font honneur à cette cuvée
jugée unanimement comme 'bonne'.
Pas assez connaisseurs
pour pouvoir apporter un jugement de 'kavalogues' avertis, nous remercions nos
hôtes et rentrons au bateau, jurant bien de n'en reprendre qu'en cas de
maladie grave!
Sans manger, nous nous couchons comme assommés par ce puissant élixir
qui nous remuera les entrailles jusqu'au lendemain... Alors un conseil: si on
vous prescrit du kava pour ses vertus thérapeutiques... prenez-le en
gélules, ça existe!!
Tenez, rien que de parler de kava à Caroline maintenant lui provoque
des remontées d'estomac! Et si vous voulez ne pas la voir honorer une
invitation, proposez-lui seulement de venir 'prendre un p'tit kava à
la maison'!