De retour à MOULI, nous nous arrêtons sur la plage
où une poignée d'enfants jouent au football avec un ballon crevé.
- Bonjour les enfants!
- Bonjour monsieur.
- Monsieur? fais-je, étonné. Y'a pas de monsieur ici! Moi, je
m'appelle Yannick! Et toi? interrogeai-je le premier
- Michel, répond le premier...
- Et toi? ...
Et tous de se présenter, amusés par mes questions.
- Et tu viens de quel pays?
- De France, c'est pour ça que je joue au football comme Zidane!... lançai-je,
un peu provocateur...
- Et moi, j'suis Karembeu! réplique Stéphane, moins timide que
les autres...
- Et moi Quarante-trois! renchérit un deuxième sous les rires
des autres
- Et moi Quarante-quatre... , poursuit un autre qui a compris la blague.
- J'peux jouer avec vous au foot? questionnai-je.
- Oh ouais! ... Yannick, Yannick, tiens le ballon, je suis Barthez...
Et
de me retrouver avec 25 ans de moins à taper dans la balle avec des gamins
dont la technique et la force athlétique me laissent pantois. Qui sais,
peut être ai-je joué aujourd'hui avec le futur Karembeu, originaire
de l'île voisine de Lifou, et idole vivante des gamins kanak... Et celui-ci
s'appellera peut-être Zinedine? En effet, permettez-nous de raconter une
toute petite anecdote au passage. Le soir de la finale de la coupe de monde
de football, le 12 juillet 1998, ici à Mouli, est né au moment
où Zidane marquait son second but contre le Brésil, un petit ...
Zinédine!! Aujourd'hui, bien qu'il soit encore très jeune, les
enfants sont unanimes : c'est lui le meilleur au foot!... Affaire à suivre
donc...
Après un quart d'heure de jeu, Caroline viendra même se joindre
à nous, doublant ainsi la gent féminine des joueurs de foot de
la plage d'Ouvéa.
Les enfants, avec qui le contact se fait pour nous très naturellement
nous ont aussitôt adoptés. Au moment de les quitter en les remerciant,
ils nous donnent rendez-vous demain.
- Non, désolés mais on part demain! répondons-nous.
- Non, faut pas! Demain il y a la fête au village pour les Journées
du Patrimoine. Venez!, insistent-ils. Il y aura du bougna pour les invités
et on danse des danses kanak traditionnelles.
Et une gamine de nous réciter le programme de la journée de festivités
qui s'annoncent.
Convaincus que ne pas prolonger cette escale serait une erreur, nous insisterons
auprès du capitaine pour qu'il nous accorde une journée supplémentaire
sur cette île qui nous séduit par la gentillesse de ses habitants.
Accueillis par les enfants qui connaissent maintenant
tous nos prénoms, en cette saison où les touristes se comptent
sur les doigts de la main, nous sommes immédiatement devenus les copains
de tous. Auprès des petits (comme des grands!), notre appareil photo
numérique fait un vrai tabac, surtout quand il s'agit de se voir sur
l'écran situé à l'arrière de l'appareil!
- Yannick, tu fais une photo de moi?...
Si le soleil d'hier a aujourd'hui fait place à un ciel nuageux, les habits
du dimanche fièrement arborés sont de mise. Les femmes sont magnifiques
dans leurs robes superbes où les fleurs naturelles des coiffures, les
jupons et broderies trahissent leur coquetterie. A quelques pas de nous, des
vieilles femmes au sourire éclatant prennent la pose, espérant
ainsi séduire le photographe... qui ne tarde pas à craquer! Bleues
pour la plupart, les tenues féminines rendent ainsi hommage à
la couleur de la paroisse. Très catholique, la messe dominicale est un
rendez-vous incontournable auquel nous ne manquerons d'ailleurs pas. Très
colorée, les chants traditionnels où l'entrain de toute l'assemblée
suffirait à nous convertir résonnent d'une seule voix. Vêtus
de feuilles, le corps peint de motifs traditionnel, les enfants de choeur qui
entreront dans l'église sous des pas d'une danse kanak, marquent la relation
intelligente de l'église avec la tradition locale. La caméra filme
presqu'en continue!
Sous l'abri où nous nous protégeons des averses fréquentes,
les quelques touristes que nous sommes assisterons à une fête très
traditionnelle. Ouverte par les discours des Chefs coutumiers assistant à
la manifestation, nous sommes impressionnés par le cérémonial
de la 'coutume'. Offrande traditionnelle incontournable faite auprès
de celui qui reçoit, elle marque le respect et symbolise le remerciement
d'être accueilli sur des terres qui ne sont pas siennes. Pour remercier
la paroisse dont c'est également la fête aujourd'hui, le Grand
Chef offrira sa coutume au curé. Ne pouvant accepter un cadeau en son
nom propre, le curé donnera finalement cette coutume ... à des
touristes qui se tiennent devant nous, "en remerciement aux touristes (nous
sommes une petite dizaine) qui ... font l'honneur d'être présents
parmi nous aujourd'hui"!... Plus gênés par cette marque de
respect profond vis à vis de nous, il sera très vite décidé
d'offrir finalement cette coutume à l'église elle-même...
Cette cérémonie très officielle a duré près
d'une heure.
Viendra ensuite le temps du repas où une dizaine de bougnas (voir 'recettes
calédonienne') offerts par les familles de la tribu seront partagés.
Majestueux plat traditionnel cuit à même la pierre dans le traditionnel
four kanak, enveloppés dans des feuilles de bananiers, ils seront ouverts
devant l'assemblée, embaumant l'atmosphère de coco et d'odeur
de fumée. Invités à partager ce repas que l'on savoure
sur des nattes posées à même le sol, nous
nous régalons sous le regard des locaux qui nous invitent 'à en
reprendre un peu'! Très chaleureux, nous n'avons aucune peine à
nouer le dialogue avec eux, facilités par les enfants qui nous connaissent
maintenant tous par nos prénoms...
- Caroline et Yannick, vous allez rester encore, je vais danser tout de suite...,
nous invite Jean-Baptiste, implorant presque du regard!
- Bien sûr que nous restons! Tu vas danser quoi?
- C'est la plantation de l'igname, répond-il en accompagnant sa phrase
d'un haussement des sourcils.
Ainsi, allons-nous assister pendant plusieurs heures aux danses
traditionnelles kanak. Habillés de feuilles et maquillés de terre,
une trentaine d'enfants enthousiastes, prenant leur rôle très au
sérieux vont ainsi reprendre les thèmes traditionnels de la vie
traditionnelle kanak. Étranges danses tribales accompagnées par
des percussions de fortune où le morceau récupéré
de tuyau de canalisation de plastique fait très bien l'affaire, vont
nous permette se vivre toutes les phases importantes de la vie communautaire.
Depuis la culture de l'igname déclinée en de multiples tableaux,
à la construction de la case en passant par les scènes de chasse,
nous révisons cette culture encore vivace, à laquelle les kanak
sont très attachés. Mais déjà les traces du rouleau
compresseur de la modernité sont largement visibles, certains enfants
effectuant leur danse en chaussures de sport... Combien de temps encore garderont-ils
ces traditions, avant de les ranger au musée des traditions folkloriques?...
Puisse toutefois cette prétendue modernité ne jamais leur faire
perdre cette tradition d'accueil et d'hospitalité que nous avons rencontrée.
Aucun argent ne peut payer ces moments de vie inégalables.
C'est à regret que nous quitterons ces enfants aux sourires éclatants et cette magnifique île d'Ouvéa qui mériterait qu'on s'y arrête plus longuement. Mais 'notre' voilier d'adoption MITAN, nous attend pour nous faire voguer vers d'autres horizons. Cap au Nord toute, direction le Vanuatu.