Depuis
le mouillage de Mouli où nous venons d'arriver, Ouvéa ressemble
au paradis! Sous un soleil de plomb qui donne à la mer des couleurs de
cartes postales, les vingt-cinq kilomètres d'une plage ininterrompue
de sable blanc nous laissent sans voix. Sur cette plage presque déserte
où nous venons de poser le pied, le sable corallien est presque désagréable
tellement il est fin! Mouillé, il a presque la texture d'une boue immaculée
dans laquelle on s'enfonce quelques centimètres dès qu'on y pose
le pied. Ici, nulle possibilité de footing à moins d'être
fou. Nous nous adapterons donc aux circonstances en ne faisant aucun exercice
physique, sinon celui d'ouvrir grand nos yeux pour admirer les merveilles qui
s'offrent à nos yeux.
Derrière une rangée de cocotiers où se cachent quelques
habitations traditionnelles alimentée en eau par des puits d'eau saumâtres,
nous devinons à peine l'unique route asphaltée qui traverse la
quarantaine de kilomètres que mesure l'île du nord au sud. Le sourire
et l'accueil chaleureux des kanak qui ne cherchent qu'à discuter double
le charme de cet endroit presque magique.
Dès le lendemain, nous remonterons facilement en stop les quarante kilomètres
qui nous séparent de Gossana. Si le nom de cette tribu ne signifie rien
à priori, l'histoire récente des événements de la
Grotte d'Ouvéa sur les terres de laquelle elle est située, nous
parle plus directement. Terre d'une frange très dure des indépendantistes
kanak, l'île d'Ouvéa résonne douloureusement dans les mémoires
pour avoir été le siège des évènements tragiques
de 1988. C'est ici en effet que 26 hommes (2 militaires, 5 gendarmes et 19 indépendantistes
kanak) perdront la vie, suite à une intervention 'musclée' du
GIGN qui mettra fin tragiquement à une prise d'otages de gendarmes. En
pleine campagne présidentielle, la droite au gouvernement joue la carte
de la fermeté. Elle perdra les élections.
Treize ans après, si ces évènements tragiques ont traumatisé
l'île toute entière et marqué l'opinion publique en métropole,
les tensions se sont apaisées et un dialogue constructif a repris naissance.
Toutefois, la grotte reste un lieu un peu particulier auquel on ne peut accéder
sans autorisation du Grand Chef de la tribu. Forts de ces informations, après
une première, puis une seconde démarche très protocolaire,
nous somme invités à exposer l'objet de notre visite auprès
du porte-parole du Grand Chef. Sans ôter ses lunettes de soleil, les bras
croisés sur un torse de videur de boîte de nuit, ce molosse d'une
vingtaine d'années peu souriant et bien grave pour son âge (!)
nous propose 'de repasser dans la soirée, le Grand Chef étant
dans l'impossibilité de (nous) parler, retenu auprès des familles
de futurs époux pour accomplir les rituels coutumiers afférent
au mariage'. Le remerciant de nous avoir reçus et nous excusant de l'avoir
importuné (faux-culs que nous sommes!), nous repartirons par le même
chemin, sûrs de ne pas revenir.
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons quelques minutes auprès
de l'imposant monument dédié aux 19 indépendantistes qui
ont, je cite "donné leur sang pour la liberté". Sans
juger, tout ce que nous voyons, c'est une immense tombe où sont affichées
les portraits d'hommes dont certains n'avaient pas 20 ans.
Un an après cet épisode tragique,
la folie extrémiste fera encore parler la poudre. C'est en effet également
sur ce joyau des Îles Loyautés que deux leaders kanak favorales
au dialogue avec la république, Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné
Yeiwéné, seront assassinés par Djubelly
Wéa.
Depuis, pour le bien de tous, la raison et le dialogue semblent l'avoir emporté.