Ville totalement artificielle implantée
sur des terres aborigènes, Ayers Rock est une ville business, porte d'entrée
obligatoire d'Uluru, le rocher sacré des croyances aborigènes.
Plus grand monolithe du monde -9 kms de circonférence et 348 m d'altitude-
Uluru est visible dans ce désert à des kilomètres à
la ronde. Connu dans le monde entier, il est, avec l'Opéra de Sydney,
un des symboles incontestables de l'Australie.
Poule aux ufs d'or, il est devenu la vache à lait de business qui
voient dans cette curiosité naturelle un moyen de faire de l'argent plus
qu'un lieu sacré. Pour nous, il symbolise parfaitement la mise en avant
de la culture aborigène à des fins strictement commerciales, par
des businessmen blancs.
- Le concept aborigène est porteur, les touristes en demandent? Allons-y
les gars, y a du pognon à se faire!
Ce que nous voyons, c'est que ceux qui profitent ont très rarement la
peau colorée! Ici, en Australie, nous retrouvons un peu le schéma
que nous avions rencontré au Canada avec les Indiens. En pire peut-être!!
Citoyens de seconde zone ayant obtenu le droit de vote il n'y a que quelques
années, les autochtones ont longtemps été considéré
incapables d'élever leurs enfants. Ainsi, et ce jusqu'au début
des années 60, les enfants étaient-ils enlevés à
leurs parents pour les intégrer dans une famille blanche, garante d'une
éducation digne de ce pays. A l'heure actuelle, les aborigènes ne représente
que 1,5% de la population, soit un peu moins de 300000 personnes. Parqués
dans des communautés interdites aux Blancs sans permis spécial,
ils vivent ainsi reclus du monde, loin des traditions de leurs ancêtres
et encore peut-être plus loin de la culture moderne australienne. Entièrement
financés par l'état qui semble ainsi payer une dette envers ce
peuple
qu'elle a colonisé et réduit au statut de sous-citoyens, la culture
aborigène se meurt à petit feu. Ravagé par les problèmes
de drogues et d'alcool, les communautés qui se veulent 'dry' (sans alcool)
excluent ceux d'entre eux qui ne se conforment pas à la règle.
Rejetées, ces personnes sans repères viennent alors grossir les
ghettos des aborigènes des villes, totalement désocialisés,
alcoolisés et sombrant le plus souvent dans la délinquance.
Le problème paraît insoluble, en tout cas il est bien compliqué.
Oh bien sûr, on tentera bien de vous vendre ici et là de la culture
aborigène, depuis les immanquables didgeridoos en passant par les boomerangs
et autres CD ou peintures... Allez jeter un il dans les véritables
taudis que sont les communautés où vivent les aborigènes,
et vous réaliserez que ces artifices qui emplissent le plus souvent les
magasins ne sont que du folklore qui se vend très bien auprès
des touristes en mal de grigri très couleur locale!
A l'heure actuelle, le didgeridoo compte sans aucun doute plus d'adeptes chez
les touristes et autres routards musiciens que parmi les locaux. Quant aux lanceurs
de boomerangs fabriqués industriellement, il y a belle lurette que les
clubs sportifs dédiés à cet art comptent plus de membres
que l'Australie toute entière....
Si la tradition et la culture aborigène ont certainement été
le ciment d'un peuple qui a su vivre en harmonie avec la nature pendant plusieurs
milliers d'années, nous avons le sentiment que tout cela n'appartient
désormais plus qu'au folklore et au passé.
Même
si le cadre a déjà tendance à nous donner de l'urticaire,
maintenant que nous y sommes, nous allons y aller. Affichée à
l'entrée de l'immense camping, l'heure du coucher de soleil nous indique
que nous avons peu de temps devant nous. A 18h46 ce soir, Uluru prendra -ou
pas!-, ses couleurs les plus chatoyantes, embrasant ce rocher sacré que
l'on vient voir du bout du monde.
A 18h15, Graham, qui ce soir préfère l'hôtel à la
toile de tente, vient gentiment nous chercher au camping, distant de 23 kms
du rocher mythique.
Par la seule route étroite qui y accèdent, nous rejoignons le
troupeau compact venu faire LA photo, depuis le parking réservé
à cet effet. Si le cadre est magique et le lieu exceptionnel, pour nous
déjà le charme est tombé. Les cordes tendues qui ouvrent
un passage aux touristes irrespectueux en mal de sensations sottes vers une
escalade jusqu'au sommet du rocher, nous donnent la nausée.
Site sacré dans la tradition locale qui en considère l'escalade
comme une profanation, plusieurs dizaines de milliers d'imbéciles venus
du monde entier passent pourtant outre chaque année. Pire, la quasi totalité
des tours-opérateurs vendent l'escalade d'Ayers Rock dans leurs brochures.
Comme acte de contrition, ces mêmes agences vous vendent également
un tour à la découverte de la culture aborigène, où
est le problème??? Et avec ça, vous prendrez bien un p'tit didgeridoo,
ma p'tite dame??
Nous sommes écurés et repensons ici plus qu'ailleurs à
une phrase célèbre d'un humoriste français qui disait:
'Le tourisme est une industrie qui consiste à emmener des gens qui
seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux.'