Reportage précédent Reportage suivantBienvenue au Pakistan?...

Caroline, côté femmes...

Dès notre montée dans le bus côté hommes, nous sommes soumis à un interrogatoire : "Vous venez d'où? Vous êtes musulmans? Vous préférez l'Inde ou le Pakistan?"... Décidément, c'est une manie ici! Abdel continue à tenir le rôle du 'frère' musulman...
Au contrôleur du bus, qui vient de me donner 3 billets sur lesquels il est écrit '10 roupies', je tends mon billet de 500 PRs. Il me rend 460. Aussitôt, je lui fais signe qu'il s'est trompé en montrant la monnaie.
- C'est 40 me répond-il, en s'éloignant, visiblement peu enclin à me faire un cours d'arithmétique.
- Comment ça 40? 3 fois 10, ça fait 30, m'exclamai-je
Pour toute réponse, il me jette un regard qui en dit long sur l'estime qu'il me porte, et tourne le dos. Mon sang ne fait qu'un tour. Je me lève et l'interpelle alors que je suis maintenant l'objet de tous les regards.:
- Rends-moi la monnaie, s'il te plaît. Tu me dois encore 10 roupies!
Sans un mot il me défie du regard, méprisant. L'épisode de la douane encore à l'esprit, je ne me laisse pas impressionner et le somme de me rendre mon dû. Sans réponse.
Je prends alors le bus à témoin tandis que le contrôleur est parti dans le fond.
- OK! Calme-toi, me recommande un homme! C'est 40 pour trois!
- Impossible rétorquai-je! 40 divisé par 3, ça ne tombe pas rond, alors... il manque 10! concluais-je. Vous n'allez quand même pas être les complices de ce vol sans rien faire, si? C'est ça être un bon musulman? lançai-je en les regardant à tour de rôle.
Aucune réponse.
Détails d'une petite mosquée de Lahore-Ecoutez, poursuivais-je, je viens d'Inde et là-bas, jamais je n'ai eu un problème de monnaie. Jamais! J'arrive au Pakistan, le contrôleur me vole et vous, vous le laissez faire? Vous voulez que ma première image du Pakistan soit celle-ci? les prends-je à témoin.
Une minute plus tard, sans un mot, en passant près de moi, le contrôleur me tend un billet de dix roupies.
Ça ne fait pas deux heures que nous sommes au Pakistan, et déjà deux problèmes. J'ai comme l'impression qu'il va falloir la jouer serrée, ici! Ce qui nous fait le plus peur, c'est que c'est souvent la première impression qui reste... C'est mal parti!

Après cette entrée en matière, nous sommes un peu tendus. Comme si cela ne suffisait pas, dans le bus urbain que nous prenons ensuite, un jeune qui ne nous souhaite pas la bienvenue me dit "qu'il est du devoir d'un musulman de voler les étrangers!"!! On savait que Lahore était une ville 'spéciale', nous voilà fixés. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça commence à faire beaucoup pour aujourd'hui...
Fatigués nerveusement et physiquement, nous débarquons à la guest-house que l'on nous a conseillée sans même chercher plus loin. Nous avons assez bataillé pour aujourd'hui! Après un repas rapide à la gargote du coin, nous remontons à ce vieil hôtel, seul survivant de la 'route des z'Indes' des années 70. Ici, c'est un peu l'ambiance communauté, "t'en veux, c'est de l'afghan!", mais pas trop destroy quand même.
A l'étage, assis en tailleur sur des tapis, nous faisons la connaissance de plusieurs voyageurs. Nombre d'entre eux reviennent d'Afghanistan. C'est notamment le cas d'un couple de Français, Domitille et Christophe, partis depuis trois mois. Leurs récits démystifient un peu ce pays que la télévision est encore loin de nous présenter comme une destination possible. Et pourtant, les témoignages que nous recueillons nous donneraient presque envie d'y faire un saut. Et la discussion va ainsi bon train jusqu'à une heure avancée de la nuit.

Le lendemain, nous décidons de ne pas enchaîner le voyage mais de visiter les points forts de la ville. Avant de sortir, le propriétaire conseille à Caroline de se vêtir "local" (long et voilé) pour ne pas être embêtée. Il pousse même la gentillesse jusqu'à lui prêter des vêtements. Ainsi 'déguisée' en bonne musulmane, nous partons accompagnés d'Abdel pour une visite du Fort et de la mosquée principale. Plus à l'aise, Caroline espère seulement que les regards perçus hier seront moins nombreux.
Nous visitons et apprécions ces lieux malgré l'insistance de certains pour nous extorquer de l'argent pour quelque raison que ce soit. Ajoutez à cela la question inlassablement répétée: "Tu préfères le Pakistan ou l'Inde?" et nous sentons déjà l'agressivité poindre à la moindre hésitation. L'atmosphère est pesante, nous sommes en permanence sur nos gardes. A la sortie de la mosquée où nous venons de nous accrocher avec l'homme qui surveille les chaussures et nous demande dix Mustapha, l'homme à marier!fois le prix normal, un homme s'approche de nous et prend notre défense.
- Je n'aime pas cela, nous dit-il. Vous êtes nos invités, martèle-t-il, ce que fait cet homme n'est pas bien!
Et l'homme ventripotent paraissant une quarantaine d'années -en fait il a mon âge!- nous propose d'aller visiter une autre petite mosquée, " moins connue mais plus jolie", située en plein cœur du bazar. Enchantés de faire enfin une bonne rencontre, nous le suivons, les yeux et oreilles grands ouverts sous les explications de ce guide -presque- désintéressé. Autour de nous, les regards se font curieux, parfois très hostiles. Quant à la manière des hommes de déshabiller du regard les étrangères, Caroline la trouve des plus perturbantes. Des coups d'œil sales, pesants... très lourds à porter.
Pendant la traversée du bazar, quelques personnes s'approchent et nous glissent: "Ne restez pas là! C'est pas un endroit pour les touristes!" ou encore "Partez d'ici, c'est dangereux!". Certains nous bousculent volontairement, juste pour le contact, ou la simple provocation. L'ambiance n'est pas très amicale, c'est le moins qu'on puisse dire...
Me prenant maintenant à part, notre homme dévoile son jeu. Obsédé sexuel, il ne cesse de me poser des questions sur les mœurs occidentaux, la véracité de l'existence de plages naturistes, "où les femmes sont totalement nues?" s'excite-t-il tout seul sous sa djellaba.

- Voilà, me confie-t-il. J'ai 35 ans et je ne suis pas marié parce que je ne trouve pas les Pakistanaises à mon goût.
(C'est elles ou toi?)
- Voilà Yannick. Je voudrais que tu prennes une photo de moi.
- ... oui, pour? le réconfortes-je
- Pour la montrer en Europe! Je vais te donner mon Email, et comme ça, si une femme est intéressée, elle peut me contacter! m'explique-t-il tout sourire. Frustré au plus au point, il me fait plus pitié qu'autre chose, et je ne voudrais quand même pas qu'il se méprenne:Bienvenue au Pakistan?...
- Tu sais Mustapha, moi je ne te promets rien, hein... En Europe, les femmes ne sont pas faciles, ce sont elles qui décident, tu sais?
- Oui oui, mais pas de problème. Si une femme vient avec moi et ne veut pas que je la touche, je respecterai sa parole. Je respecte les femmes moi! s'exclame-t-il pour me convaincre.
Alors va pour la photo, où il pose avec un air des plus grotesque qui, pense-t-il, lui donne une certaine prestance. Clic-clac et voilà Mustapha dans la boîte. Et comme promis, maintenant en photo sur le web mondial! Que toutes celles qui sont intéressées nous contactent, nous leur adresserons ses coordonnées!

Son business réalisé, content de lui, Mustapha nous laisse à la sortie du bazar, un dernier sourire complice dans ma direction. Vous pensez bien, entre hommes, on se comprend!

Dans la foulée, nous rejoignons la gare ferroviaire située à quelques centaines de mètres de là. Sous un ciel radieux, quelques rayons de soleil viennent nous faire comprendre que notre courte expérience du pays n'est pas forcément représentative. Aussi, nous ne pouvons passer sous silence tous ces sourires et encouragements, que nous recevons comme autant de cadeaux de bienvenue. Et je fais des portraits de tous ceux qui se bouculent maintenant devant mon objectif. Haji 'Barbe rousse'Parmi ceux-ci, quelques étonnants clichés, comme ceux de ce photogénique porteur à la gare, ou encore ce policier à la barbe colorée en orange, signe de son récent pélerinage à la Mecque qui fait de lui un 'haji'.
Nous ne pouvons non plus taire cette très délicate attention de ce jeune homme qui nous accompagne jusqu'aux guichets de la gare où il joue le rôle d'interprète. Tellement heureux de faire une rencontre qui tranche avec ce que nous avons vécu depuis 24 heures, nous le remercions chaleureusement. De son côté, il essaie encore de nous redoper le moral :
- Je suis désolé pour vous, s'excuse-t-il. La plupart des Pakistanais n'est pas éduquée. C'est elle qui posent des problèmes. Ha, j'aimerais tant que vous repartiez avec une image positive de mon pays! s'exclame-t-il. Mais malheureusement, c'est souvent la première image que l'on garde. Je suis vraiment désolé, déplore-t-il sincère.
Heureusement, de telles rencontres, même furtives sont là pour témoigner que nous ne sommes pas tout à fait en enfer! Nous sommes fatigués, et d'autant moins enclin à nous battre pour nous faire respecter, nous expliquer, provoquer le débat. Mieux vaut partir. Fuir ce mauvais rêve et remettre -peut être- à des temps futurs une vraie rencontre avec le Pakistan. Aussi, dès le lendemain après-midi, nous quittons Lahore pour Quetta, ce qui nous rapprochera un peu plus de la frontière pakistano-iranienne. Quinze heures de train nous en séparent.

Dans le train, nous devenons vite l'attraction du compartiment. A la manière indienne ou encore chinoise, certains s'arrêtent même devant nous pour nous dévisager sans vergogne!! Usée, Caroline trouve une parade et s'enferme dans son sac à viande avant de s'endormir. Abdel, quant à lui, remet les pendules à l'heure et, jouant maintenant le gendarme musulman, leur demande carrément de dégager, gentiment mais fermement. Pour que nous soyons tranquilles alors que nous ne supportons plus grand-chose, Abdel se charge même de répondre à ceux qui nous interpellent que nous ne parlons pas anglais! Le chargé de com' qu'il est gère maintenant les interviews! Bref, tout se déroule pour le mieux! Porteur à la gare de Lahore
Il est 8h35 ce matin du 26 janvier. Le train vient de s'arrêter dans la minuscule gare de Jacobabab. Loin des villes, nous traversons le Pakistan profond. Celui des villages très pauvres, où se dressent dans un paysage très aride des tentes de nomades, faites de branches et de toile. Plus nous avançons, plus le paysage devient désertique. Le ciel est laiteux, le sol unicolore, les maisons sont de terre, ceintes de mur de terre. Quelques drapeaux pakistanais flottent au vent, il fait froid, entre 10 et 15°C. Près des tentes, de petits troupeaux de moutons paissent une végétation plutôt rare, et les premiers dromadaires font leur apparition. Les femmes balaient les cours. Assis, les hommes coiffés de drôles de calottes et de tuniques locales observent le tableau. A perte de vue, tout est plat, tout n'est que terre et poussière. Sur la route asphaltée que nous longeons, des carrioles tirées par des ânes accompagnent les camions bariolés pakistanais, somme toute très semblables aux Tata indiens. A 60 kms/h de moyenne, nous traversons le pays, le nez collé à la fenêtre du compartiment.

De Quetta, nous ne verrons pas grand chose. Sinon la misérable et crasseuse partie de la ville qui longe la voix ferrée. Poubelles et immondices emplissent les tranchées d'eau stagnante d'un tout à l'égout à ciel ouvert. Les enfants jouent et nous saluent au passage. A perte de vue, des rangées de rues bordées par les murs de terre des habitations. Reportage suivantReportage précédent

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