Vers
midi, nous arrivons à Xiahe, ville de culture tibétaine de la
province du Gansu. Située à 2920 m d'altitude, au coeur d'une
vallée encadrée par des montagnes qui marquent les derniers contreforts
Est de l'Himalaya, Xiahe est souvent plus connue sous le nom de Labrang, nom
de l'exceptionnel monastère auquel elle doit son existence. Second en
importance après le Potala de Lhassa, il abrite actuellement quelques
1200 moines de la secte des Gelukpa (bonnets jaunes), la branche du bouddhisme
dont le Dalaï Lama est le chef spirituel. Voilà pour la présentation
sommaire du lieu.
Dès notre descente du bus dans la partie Est de la ville qui s'étale sur plusieurs kilomètres, nous sommes pris d'un doute : "On nous aurait menti?...". De l'enclave tibétaine qui nous est promise, nous ne distinguons qu'une avenue très 'chinoise', bordée par des petits immeubles 'chinois' ou des commerces 'chinois', où seuls quelques Hui (les chinois musulmans) semblent s'être perdus. Sur l'avenue très large et asphaltée, quelques voitures, des mobylettes et autres triporteurs occupent l'espace peuplé de Hans, l'ethnie ultra majoritaire du pays.
Accompagnés de Catherine et Kamel, nous commençons à rechercher activement une auberge ou un hôtel bon -voire même très bon!- marché. Un à un, nous passons au peigne fin l'avenue centrale qui ne propose que des chambres au standing limité - le nôtre!-, mais à des tarifs prohibitifs. Le coin est touristique, le pigeon se plume ici en toute saison.
Plus drôle est cette femme qui nous
présente une salle à manger dans un hôtel ancien de la belle
époque communiste, alors que je pensais que le chinois de Kamel était
assez brillant pour nous éviter pareille mégarde!...
- Hé Kamel, tu déconnes, c'est une chambre que nous cherchons!
éclatai-je de rire.
- C'est ce que j'ai demandé, se justifie-t-il, aussi incrédule
que moi, mais elle me dit qu'ils peuvent virer la table et apporter des lits!
Le seul problème, c'est qu'il n'y a pas de sanitaires ... et qu'elle
demande 50 yuans par personne! me traduit-il, n'en croyant lui non plus pas
ses oreilles!
- Allez, viens on se casse!
- Au revoir Madame, nous allons réfléchir à votre proposition...
Au bout de l'avenue où nous sommes maintenant, telle une ligne de démarcation, un petit pont marque l'entrée dans l'autre partie de la ville: la partie tibétain. Dans le prolongement de l'asphalte impeccable que nous venons de quitter, une rue moitié en terre battue moitié en goudron défoncé fait office d''avenue', bordée de maisons en torchis, presque à perte de vue. Autour de nous, la population han a maintenant disparu, faisant place à des tibétains, 'civils' en pèlerinage ou moines habitant cette ville monastère.
En quelques mètres, nous venons de franchir un siècle, voir plus. Le contraste est saisissant. Face à nous, un autre monde se présente. En quelques pas, nous sommes passés au Tibet, tout en étant administrativement dans la province du Gansu.
Tels des extra-terrestres, nous traversons
ce décor inimaginable les sacs au dos, sûrs d'avoir atterri dans
un endroit hors du commun. Immédiatement, nous gagnons la 'Monastery
Guest House', une auberge locale à 20 yuans (3 euros) la chambre, largement
fréquentée par les nomades tibétains venus ici en pèlerinage.
Heureux comme des princes, nous prenons alors pension dans des chambres certes
spartiates, mais offrant le luxe de s'ouvrir sur une cour intérieure.
Au sol, de la terre battue sur laquelle deux lits faits 'maison' ont été
posés. Sans sommier ni matelas synonymes de mal de dos, le confort est
ici réduit à sa plus simple expression. Avec nos tapis de sol
et nos sacs de couchage, nous serons comme à la maison -sous la toile
de tente-, en beaucoup plus vaste. En bout de lit, une bassine en métal
émaillé, posée sur un présentoir en fer forgé
du plus bel effet donne à notre nid douillet des allures 1900. Nous somme
donc parés pour la toilette! Pour ce qui est du service d'eau, il suffit
de faire quelques mètres et se donner la peine de prendre un seau et
de le remplir au puits.
Elle
est fraîche, certes, mais ô combien vivifiante! Pour clore le chapitre
de présentation qui vous donnera le sentiment de partager notre univers,
terminons par les toilettes que nous qualifierons de 'rustiques'. Situées
à l'extérieur, ce réduit en torchis également constitue
une construction à part entière d'une quinzaine de mètres
carrés. A peine isolées de l'extérieur par un semblant
de porte ne fermant plus depuis longtemps, le lieu d'aisance est, comme il se
doit, scindé en deux parties. L'une pour les femmes, l'autre pour les
hommes. De chaque côté, deux trous dans un plancher surplombant
un trou impressionnant à plusieurs titres -je vous passe les détails...-
constitue ce que je serais tenté d'appeler ... un biplace!! Ici en Chine
en effet, on ne fait pas de manière et on se la joue pas 'perso' quand
il s'agit de satisfaire des besoins on ne peut plus naturels! L'endroit vous
paraît immonde?... Mais non, voyons, un peu moins de chochoteries, que
diable!! Bon, OK, j'admets qu'il vaut mieux pratiquer le lieu de jour, afin
d'éviter les productions de mauvais plaisantins - ou de bien piètres
viseurs!- qui risquent à tout moment de vous faire perdre l'équilibre
et plonger dans un trou autrement plus large que ceux auxquels Jacob Delafon
nous a habitué... Seul point positif : la température qui, à
cette saison n'atteint jamais des sommets qui autorisent la survie des mouches,
rendant par le fait même la présence du lieu relativement discret,
au fond, à droite....
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