L'expérience
du camp d'été de Weihai nous a donné des idées.
Depuis quelques jours maintenant, nous regardons activement les petites annonces.
Et c'est vrai qu'elles regorgent de demandes concernant des professeurs étrangers.
"De langue maternelle anglaise de préférence". Si on
en croit ce qui nous est dit, si l'anglais est, et de loin, la langue étrangère
la plus enseignée en Chine (le temps où le russe était
obligatoire est maintenant bien loin...), le français commence à
percer et des postes d'enseignants sont disponibles. Ce qui nous laisse un espoir.
Paul, le canadien d'origine chinoise rencontré au camp d'été
de Weihai, est devenu notre impresario. Parfaitement bilingue, son aide nous
est très précieuse en téléphonant de notre part
à des dizaines d'écoles qui fleurissent dans la capitale. En compagnie
d'Yves le breton, nous nous rendons ainsi ensemble à un premier rendez-vous
qui paraît prometteur. Dans ce petit bureau où une femme qui parle
assez mal l'anglais nous reçoit, Paul est notre interprète. Après
de longues minutes de discussion où nous sommes spectateurs, Paul nous
met au courant de la situation.
- Voilà, cette femme recherche deux professeurs d'anglais, et un professeur
de français pour une session de 60 heures sur 10 jours, à l'Université
des langues de Pékin. Elle paye 100 yuans ( 12,5 € )de l'heure.
Plus motivés dans un premier temps par l'enseignement du français,
nous laissons en suspens les cours d'anglais. Tout se fera donc ensuite très
rapidement, à la manière chinoise, dirons-nous! Pour un début,
Yves ne souhaite pas enseigner autant d'heures par jour. Caroline passant son
tour, voilà comment, en quelques minutes, un prof de LP en électronique
(et en disponibilité, ma matière actuelle...), est promu professeur
de Français à l'Université de Pékin. Belle promotion
en somme!
Heureux comme des princes suite à cet essai transformé, nous commençons
à croire que l'idée de rester faire un peu d'argent ici n'est
pas complètement utopique. Aussi, la
proposition que nous fait Paul, quelques jours plus tard tombe alors à
point nommé.
- On vient de me proposer un appartement de 150 m2 dans le quartier de San Li
Tun, le quartier huppé des ambassades. Le locataire officiel qui travaille
dans une ambassade d'un pays d'Amérique du Sud n'habite pas ce logement
de fonction. Aussi, il se propose de le louer pour 2500 yuans ( 312 €)
par mois. Dans ce quartier, ça se loue normalement au minimum 4 fois
plus ce genre d'appartement... C'est un minimum meublé, enfin de quoi
l'habiter de suite. Il y a 2 chambres, je me demandait si cela pourrait vous
intéresser, plutôt que de rester à l'hôtel, nous pose-t-il
la question.
Si la proposition est alléchante,
un rapide calcul nous confirme que le prix défie toute concurrence. En
partageant le loyer en 4, la nuit nous coûtera un peu plus de 20 yuans
(2,5 €), c'est à dire moins cher qu'un lit en dortoir à l'hôtel
où nous sommes! Décidément, la vie à Pékin
nous sourit! Après une rapide concertation bretonne, nous nous empressons
de répondre par l'affirmative.
- Et on emménage quand? insistons-nous en plaisantant, comme pour regretter
de ne pouvoir le faire dès ce soir-même!
-
On monday if you want! (lundi si vous voulez!), répond Paul content que
nous acceptions de partager l'appartement et le loyer trop élevé
pour lui seul.
- OK, ça marche, répondons-nous en coeur, avant même d'avoir
visité l'appart'.
Trois jours plus tard, nous prenons place dans notre 'chez nous' des quartiers
chics de Pékin.
Situé au troisième (quatrième pour les chinois qui comptent
le R.d.C) et dernier étage d'une résidence réservée
au personnel d'ambassade, le petit immeuble est entouré d'une dizaine
de bâtiments identiques, ceints par un mur dont l'entrée est en
permanence gardée par des militaires chinois. Ça ne rigole pas
ici! Comme nous entrons ici pour la première fois, nous sommes immédiatement
comblés. Pour des voyageurs qui ne connaissent que les hôtels les
meilleurs marchés et la toile de tente, on entre ici au paradis! On vous
fait le tour du propriétaire si vous voulez. Pour commencer, il y a deux
très grandes chambres avec de vrais lits et une commode (pourvu que nos
fringues supportent!). Ensuite, un immense séjour pourvu de deux tables,
des chaises, trois canapés (!!), une table de salon, donnant sur un
balcon. Vient ensuite une cuisine équipée, ouvrant sur un second
balcon, cuisine à l'arrière de laquelle il y a une pièce
débarras-garde à manger et un genre de lavoir pour la lessive.
Pour terminer la visite, voici une grande salle de bain-WC, avec une baignoire
s'il vous plaît! Nous sommes comblés!! Les peintures sont peut
être un peu défraîchies et le peu de mobilier un peu vieillot,
mais pour nous c'est Versailles!
- Tu t'rends compte, on va pouvoir se cuisiner des p'tits trucs, faire des gâteaux...
- Et prendre des bains! poursuivai-je, impatient de goûter à nouveau
au confort.
Dès le soir même, nous filons avec Yves au supermarché du
coin, histoire d'acheter des assiettes et des verres, des produits d'entretien
et de quoi déjeuner demain matin. Pour le reste, nous verrons demain.
Pour la première fois depuis des mois, nous irons faire des grandes courses,
un vrai plaisir quand ça ne se répète pas toutes les semaines!...
Très
rapidement, nous allons prendre nos marques dans cette nouvelle vie qui nous
rappelle vaguement quelque chose... Caroline vient à son tour de trouver
15 heures de cours d'anglais pour des niveaux intermédiaires. Elle ne
prend pas tellement son pied, mais c'est toujours un peu d'argent . Pour ma
part, je m'éclate vraiment avec ma petite dizaine d' étudiants
chinois. A 7h30 tous les matins, je prends ainsi le bus pour rejoindre, en une
heure de trajet, l'Université de Pékin où j'ai six heures
de français par jour. Motivés, leur niveau est impressionnant,
si l'on considère qu'ils ont commencé à apprendre le français
il y a moins de trois mois! Je n'en reviens pas qu'on puisse apprendre une langue
aussi rapidement. Dans un mois, certains d'entre eux commenceront un cycle d'étude
de trois années à la fac, en France. Après une année
de perfectionnement de la langue, ils entreront en Maîtrise et se destinent
ensuite à un DESS!! Faire cours dans ces conditions, à un tel
public est un vrai plaisir, à des années-lumière de ce
que j'ai eu l'occasion de connaître au Lycée Professionnel, vous
l'imaginez...
C'est avec peine que les quitte après 10 jours, nos chemins se séparent.
Sylvie, la plus brillante d'entre eux, part bientôt à Brest, Cécile
et Alain les amoureux iront à Marseille. Marie, Agnès, Hervé,
David et Victor sont chinois pour au moins une année encore. Gageons
que je leur ai un tant soit peu donné envie d'apprendre notre langue,
et de connaître notre pays. Un jour qui sait, retrouverai-je un de mes
étudiants en France?... Pour l'instant, c'est l'heure des adieux, moment
jamais très agréable.
De retour à l'appart'
avec Caroline qui m'a rejoint pour le dernier cours, elle s'étonne encore
de leur niveau.
- Avec un prof comme ils avaient, ils ne pouvaient que progresser!... suis-je
forcé de constater, modestement...
- Hé, au lieu de raconter des conneries, si tu me servais un apéro
au salon?...
- Tu veux une bière ou un panaché??...
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