De
retour à l'hôtel Fenlong où nous sommes maintenant des habitués,
accompagnés d'Yves, nous reprenons nos lits dans un dortoir de six.
- Finie la vie de château, et les chambres avec salle de bain! déplorai-je
en arrivant...
- Oui, mais c'est sympa aussi, ici! tente de se rassurer Caroline...
Sympathique c'est vrai, en
matière de rencontres en tout cas. C'est ainsi que nous croisons Frédéric,
un français steward à la British Airways à Londres. Passionné
de voyage, il a quitté ses avions quelques mois et profite d'une disponibilité
pour tenter une expérience audacieuse. Après avoir acheté
un VTT ici à Pékin, il est en train de l'équiper avant
de partir vers l'ouest, les pays d'Asie centrale, et après il ne sait
pas trop...
- C'est la première fois que je me lance dans un truc comme ça!
nous dit-il, une pointe sceptique. Je ne sais pas trop ce que ça va donner,
si le matériel va tenir le choc, si moi-même je vais aimer... J'sais
pas, termine-t-il comme une interrogation.
Admiratifs, nous ne pouvons que l'encourager. Depuis toujours en effet, mon
rêve est de réaliser un tel voyage en vélo. Pour Caroline,
l'idée est moins évidente, mais commence à faire son chemin.
Nous en parlions encore les jours derniers, ce qui nous a d'ailleurs conduit
à parcourir Pékin pour voir le matériel disponible, relever
les prix... Frédéric a une bonne longueur d'avance sur nous en
ce domaine. Le Giant qu'il vient d'acheter, nous l'avons regardé aussi...
C'est pourquoi ses préparatifs nous intéressent tant! Ensemble,
entre non-spécialistes, nous échangeons des idées. C'est
ainsi que son projet devient un peu le nôtre. Son expérience va
nous en dire plus long que nos prévisions.
Alors que l'heure du départ a sonné pour Frédéric,
nous l'aidons dans les dernières minutes. En montant les sacoches et
son sac à dos pour la première fois sur le seul porte-bagage arrière,
nous sommes tous inquiets. Manifestement, et malheureusement comme j'en avais
peur, une telle aventure tolère difficilement l'improvisation. Dès
les premiers tours de manivelles, Frédéric est de plus en plus
sceptique:
- J'crois que j'ai fait une connerie! lâche-t-il visiblement peu confiant
pour la suite.
En l'essayant à mon tour, je ne peux que suivre son raisonnement. Le
vélo n'est pas fait pour porter des charges, le cadre vrille au moins
coup de guidon. De mauvaise foi, nous l'encourageons quand même. Lui n'y
crois déjà plus alors que le train qui l'emmènera, lui
et son vélo, part dans trois heures.
- Mais non c'est pas une connerie! le rassurons-nous comme nous pouvons. Au
moins tu ne pourras pas te reprocher de ne pas avoir essayer.
- Et puis, ce n'est pas non plus un investissement considérable. Si,
comme je le crains, ça ne marche pas, je pourrai toujours continuer avec
mon sac à dos. Pour le vélo, je me débrouillerai...
En se trompant peut être à notre place, nous nous sentons solidaires.
- Si jamais on peut t'aider, surtout tu n'hésites pas! Si jamais tu décidais
de renvoyer ton vélo en France, mets-le dans le train, on le récupérera
à la gare et, comme on est encore ici quelques semaines, on pourra gérer
tout ça à ta place. Sans que tu aies besoin de revenir.
Nous
remerciant vivement de notre aide, et le sourire à demi-revenu, Frédéric
quitte finalement l'hôtel, un peu rassuré.
- Salut Frédéric, et bonne route!
Trois semaines plus tard, je récupèrerai le VTT à la gare.
Sans surprise, plus qu'une liberté nouvelle, ce vélo inadapté
était devenu un vrai poids pour lui. Comme convenu, nous trouverons une
solution pour que le vélo regagne la France à moindre coût.
A l'heure qu'il est, Frédéric profite de son voyage, quelque part
au Tadjikistan ou au Kirghizistan...
Malheureusement pour lui, Frédéric
n'aura pas eu, avant son départ, la chance de rencontrer Violaine et
Éric, un couple de français partis de Lyon il y a 3 ans, en vélo...
Son projet trop aventureux n'aurait sûrement pas vu le jour sinon. Parfaits
néophytes avant leur départ, Violaine et Eric n'avaient pour ainsi
dire, jamais fait de vélo avant de partir. Leur vrai secret est d'avoir
confié la conception de leurs vélos à un vélociste
professionnel. Ils rigolent encore de leur amateurisme quand le vendeur leur
présentait les différentes options possibles, truffant son discours
de mots techniques dont ils n'avaient jamais entendu parler!!
- J' faisais mine de comprendre, s'exclaffe Eric!
Trois ans de route plus tard et quelques milliers de kilomètres dans
les jambes plus loin, c'est plein d'admiration que nous avons la chance de les
croiser. Devenus par la force des choses et l'expérience de vrais cyclotouristes
au long cours, c'est avec joie que nous les écoutons parler de leur aventure.
Humbles, ils nous font partager leur aventure simplement, comme si tout cela
était finalement assez banal! Replongé dans un désir qui
n'a jamais vraiment disparu, je vois en eux les Babeth et Alain GUIGNY sur le
vélo avec lequel ils ont fait le tour du monde. Ce couple de bretons
qui m'a, sans le savoir (c'est dommage de n'avoir jamais 'osé' les contacter!),
donner envie de partir moi aussi un jour. Et si nous ne sommes pas partis en
vélo, l'idée n'a jamais vraiment disparu de ma tête...
Sans le savoir, Violaine et Eric réveillent en moi (surtout!) de vieux
démons. Caroline commence à tomber sous le charme de ce moyen
de voyager, peut-être finalement le seul qui soit vraiment idéal
à mes yeux. Et en les écoutant, nous en devenons de plus en plus
persuadés.
Très sympathiques, nous passons en leur compagnie de nombreuses heures,
tandis qu'ils s'apprêtent à reprendre la route pour la Mongolie.
Passionnés, nous les couvrons de questions techniques sur les belles
machines qui dorment attachées devant leur chambre. Admiratif, je resterais
des heures à les regarder... Et de me reprendre une fois de plus à
rêver que nous pourrions avoir les mêmes. Un rêve de gosse
qui n'a pas disparu.
-
Et vous êtes sûrs que vous ne voulez pas qu'on vous les ramène
en France?... plaisantai-je, sans résultat aucun...
Pour réaliser ce rêve, il faudrait rentrer en France, c'est le
problème. Rentrer pour repartir voyager autrement. Depuis quelques semaines
nous cherchons un second souffle à notre voyage. Est-ce la réponse?...
Plusieurs nuits seront nécessaires pour apaiser le volcan qui vient de
se réveiller. La décision n'est pas facile, et il vaudrait peut
être mieux finir notre tour comme nous l'avions prévu au départ.
Nous ne voudrions pas casser la belle histoire de notre tour par une aventure
pleine de risque en repartant à zéro, une amourette tentante,
une passion allumée depuis des années pour moi. Il nous faudrait
être plus fous pour sauter le pas. Peut être qu'un jour, qui sait...
- Tu serais partante Caro?
- ... Ça demande encore réflexion... et surtout une bonne selle!
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