Reportage précédent Reportage suivantProfs d'anglais

Yves, le breton de LorientPendant cette absence de quatre jours, l'hôtel a vu plusieurs départs, d'autres arrivées. Fidèle au poste, Michel le postier -qui n'a toujours pas vu réapparaître sa femme! -, est devenu le chevalier-servant de Caroline. S'est raccroché à la petite équipe, Daniel et sa jolie femme vietnamienne, Tuong, qui prennent des vacances en Chine avant que Daniel ne fasse sa rentrée scolaire en France, après plusieurs années en poste aux Seychelles. En sympathique compagnie francophone pas plus pressée que nous de commencer les visites, nous prenons du bon temps à discuter et nous balader. Les températures caniculaires ne nous incitent pas, il est vrai, à courir. En un mot, nous sommes en vacances paresseuses.
Parmi les derniers arrivés, nous faisons la connaissance de
Yves, un breton de Lorient. Parti du Morbihan depuis maintenant 7 mois, après l'Australie il retrouve l'Asie, un continent qu'il commence à connaître de mieux en mieux. Depuis quatre ans qu'il a plongé dans le monde des voyageurs, il revient dans cette partie du monde, entrecoupant ses séjours de pauses sur ses terres bretonnes. Rapidement, nous sympathisons avec lui, tandis qu'il nous fait part de ses projets. Plus que le voyage, Yves cherche maintenant à se poser professionnellement, pour quelques mois au moins, et toujours en Asie. De notre côté, nous avons rencontré un certain nombre d'anglophones qui se sont arrêtés pour enseigner leur langue maternelle, le plus souvent au Japon ou en Corée, deux pays dont le niveau de vie permet de gagner rapidement pas mal d'argent. Mais ici en Chine, pays en voie de développement, nous sommes bien étonnés de constater que les petites annonces regorgent d'offres d'emploi similaires. Le plus surprenant, c'est que ces emplois sont ici presque aussi bien rémunérés qu'au pays du soleil levant et du matin calme, alors que le niveau de vie n'est pas comparable. De quoi nous donner des idées... Le seul problème, c'est que nous ne sommes pas 'native speakers' (ce n'est pas notre langue maternelle). Et s'il y avait des offres identiques pour enseigner le français?...
C'est Yves qui nous met la puce à l'oreille et va nous donner des idées. De retour d'un centre privé de langues du centre de Pékin ce matin, il nous raconte son histoire. le Camp d'été à Weihai
- Hier, dans le bus, Daniel a rencontré un chinois parlant anglais, qui lui a dit de poser une annonce à notre Hôtel relative à la recherche d'un prof de français. Daniel m'en a parlé, j'ai téléphoné, je suis allé me présenter et voilà, termine-t-il en nous présentant un contrat. Je pars ce soir pour 10 jours faire un camp de vacances en bord de mer à Weihai, dans la province du Shandong. Pas pour enseigner du français, mais de l'Anglais! Tous frais payés, je vais gagner 1500 yuans ( 190 €), ça me semble pas mal! Et surtout, ça me semble être une expérience intéressante.
Tout comme lui, on ne revient pas de la facilité et de la rapidité avec laquelle la chose s'est faite.
- Et pour le français? questionnons-nous, intéressés.
- Ben, il semble qu'ils cherchent des profs pour la mi-août, vous pouvez allez voir si vous voulez, nous invite-t-il en nous expliquant où se situe California Sunshine International Language School.

Une heure plus tard, vers 11h00 ce lundi, nous entrons dans cette école toute récente, située au 16ème étage d'un building d'affaire de la capitale. Une jeune femme nous reçoit en anglais: Départ pour Weihai
- Bonjour, nous venons suite à l'annonce indiquant que vous recherchiez des profs de français...
- Ah oui, asseyez-vous! Je vais allez vous chercher des fiches à remplir, nous indique-t-elle en disparaissant.
( - La vache! Ils perdent pas de temps ici!! On n'a même pas eu le temps de lui poser une question!...)
Après quelques explications très succintes concernant le job, Rainer (c'est son nom anglais) s'étonne:
- Vous êtes français?
- Heu ... oui... , répondons-nous étonnés.
- Parce que vous parlez très bien anglais!
- Merci! reprenons-nous flattés, ne voyant pas bien où elle veut en venir...
- Parce que nous recherchons deux professeurs d'anglais pour notre camp de vacances de Weihai, dans la province du Shandong.
( Tiens, tiens... Ça ressemble à quelque chose dont nous avons entendu parler, ça!...)
- Ça vous intéresserait? demande-t-elle sans plus d'explications
En nous regardant avec un sourire en coin, nous nous mettons d'accord.
- Et que faut-il faire pour ça?
- Indiquez juste vos noms sur cette feuille pour que je puisse taper vos contrats, termine-t-elle l'entretien d'embauche qui n'a pas duré 5 minutes!!
De retour avec les césames, elle ajoute :
- Alors à ce soir 19h00! Au revoir!

l'équipe de profs, la 'Dream Team'En sortant dans le couloir, nous n'en revenons pas! Jamais encore nous n'avions eu un entretien concluant aussi rapide! Après la cueillettes des cerises en Australie, nous montons sérieusement en grade!! 'Profs d'anglais à de jeunes Chinois en Chine', ça fait bien sur un CV, non??...

Nous ne savons presque rien de l'emploi que nous venons de décrocher, mais qu'importe! Nous ne risquons pas grand chose. Quant au travail en lui-même, Yves nous l'a mieux décrit que Rainer ne l'a fait. Ce que nous en savons tient en trois phrases. Dix jours durant, nous allons accompagner un groupe de 80 jeunes (de 7 à 20 ans) dans une petite station balnéaire de la côte Est du pays. Deux heures par jour, en compagnie de 8 autres profs d'anglais étrangers, nous aurons la charge de petits groupes d'élèves à qui nous devrons parler anglais. Nous serons nourris, logés et transportés gratuitement, le salaire, payable au retour, est de 1500 yuans chacun. Pour le reste, nous verrons bien sur place!

- Surtout, ne dites pas aux jeunes que vous n'êtes pas américains!, nous précise Rainer avant que nous fassions une gaffe qui risquerait d'être gênante pour la réputation de l'école... Etrange recommandation de départ que John, le jeune directeur de l'école, nous expliquera en aparté plus tard. "Ce camp de vacances est sponsorisé par la firme norvégienne de téléphones cellulaires Nokia. Les jeunes que nous accueillons ont un (voire les deux) parents qui travaillent pour China Mobile [l'équivalent de France Télécom pour nous français], des décideurs pour la plupart. Nokia veut devenir le premier fournisseur de China Mobile et espère que les enfants sauront convaincre Yannick, Anshu, Caroline, Yves et un de ses élèvesleurs parents...
Et John de faire cette démonstration qui résume ainsi sa pensée d'un businessman qui se moque bien des langues. "Mon objectif pendant ses dix jours est de vous rendre heureux, commence-t-il". La suite est limpide. "Si vous être heureux, vous allez rendre les jeunes heureux. S'ils aiment le camp, ils vont le dire à leurs parents, et l'image de Nokia va être renforcée. Nokia sera content, et comme Nokia me paye, moi aussi je serai content! La seule chose, termine-t-il, c'est que nous avons dit aux parents que leurs enfants allaient être enseignés par des professeurs américains, Nokia le croit aussi. Aussi, je vous demanderai de ne pas dire d'où vous venez..."
Le salaud! Nous voilà complice de son mensonge! Et renoncer à notre nationalité pour devenir américain, c'est un peu gros à avaler! Bon OK, le drapeau breton s'est un peu inspiré du stars and stripes, mais quand même!! Nous avalerons quand même la pillule, pour ne pas casser d'entrée de jeu le rêve des enfants... Il est vrai que de l'équipe des 10 professeurs, tous les autres sont américains... ou presque! Roy, le plus ancien est le seul vrai américain des USA. Jo, est sans conteste possible le plus américain dans sa manière d'être, mais possède la double nationalité états-unienne et argentine. Simon vient d'Angleterre, Paul est canadien d'origine taïwanaise où il a vécu jusqu'à 13 ans, Irram et Roman sont pakistanais, Anshu est indienne et pour terminer, Yves dont on a parlé est breton. C'est Nokia qui va être content en lisant tout ça!!... Pour les élèves qui sont bien incapables de détecter nos accents, Yves choisira d'être australien tandis que nous choisissons d'adopter la nationalité canadienne. Mais 'french-canadian', c'est à dire québécois, pour ne pas perdre tout à fait la face et justifier le fait que Caroline et moi communiquions ensemble en français! L'honneur est sauf! Caroline et ses élèves

De nous, il est vrai, John prendra soin. En ce qui concerne le logement et les repas en tout cas. Car d'un point de vue pédagogique, nous nous débrouillons. Pas un tableau, pas un crayon, pas un support pédagogique (c'est une école de langue quand même!), les groupes ne sont pas du tout homogènes : bref, c'est zéro pointé au niveau de l'organisation. Mais les élèves n'y voient que du feu et nous nous débrouillons tous avec des bouts de ficelles. De tous les échos que nous aurons, tous les élèves reviendrons contents de leurs profs. L'interminable scéance d'échanges d'adresses E-mails et de signatures de leur tee-shirts (Nokia!) à la fin du séjour sont des signes qui ne nous trompent pas.
C'est donc une équipe heureuse de profs et d'élèves qui regagne ce soir du 31 juillet la capitale chinoise dans un wagon classe 'couchette dure' (comme on ne paye pas cette fois-ci, on a abandonné nos sièges en classe 'assis dur' pour une fois!). Telle une colonie de vacances qui s'est bien déroulée, profs et élèves sont devenus copains. C'est Nokia qui va être content! John se frotte déjà les mains. Durant ces dix jours où il n'est pas intervenu, fuyant à chaque fois les demandes qui lui étaient faites, a empoché à peu près 100 000 yuans ( 12500 euros )... Ce n'est pas le salaire des encadrants chinois - qui ont géré comme ils pouvaient et avec ce qu'ils avaient, tout ce qui se passait en dehors des cours- qui va beaucoup ponctionner son pactole, certains sont même bénévoles!

Yannick et son groupePayés en liquide dès notre retour à l'école, nous quittons nos élèves et l'école où les parents sont venus chercher leur fils ou fille unique. (C'est toujours le cas ici). Personnellement, nous revenons satisfaits de ce séjour, même si le temps n'a pas été superbe pendant les dix jours, même si cette station balnéaire chinoise ne mérite pas le détour, même si nos conditions de travail auraient pu être meilleures et ce séjour linguistique plus profitable aux élèves (ça c'est le côté français jamais content qui ressort!). Outre les excellents rapports entre les membres de l'équipe enseignante (baptisée pour l'occasion la "dream team"), le contact avec les élèves très facile, cette expérience nous ouvre peut être des perspectives.
- Et si on restait quelques semaines de plus à Pékin, histoire de voir si d'autres opportunités dans le style pouvaient se présenter??
- Pourquoi pas... Ça mettrait un peu de beurre dans les épinards, et puis finalement, on est pas si mal que ça ici!
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