La dévotion
extrême des plus pauvres contraste quelque peu avec la nonchalance des
nuées de moines qui hantent la ville. Si leur nombre ne représente
plus qu'un peu plus du quart des 4000 moines qu'elle a autrefois comptés,
Xiahe n'en est pas moins une ville monastère. Logés dans des petites
maisons en torchis, toute la partie occidentale de la ville n'est qu'une succession
presque sans fin de ruelles en terre bordées par ces habitations n'offrant
à la rue que l'austérité de leur murs d'argile sans fenêtre.
Dans ce décor monochrome, les silhouettes colorées des moines
qui apparaissent pour disparaître soudain dans ce labyrinthe silencieux
et quasi désert, donnent au lieu une ambiance très étrange.
Jeunes pour la majorité d'entre
eux, ils sont souvent une fierté pour leur famille. Devenir moine signifie
en effet recevoir une éducation, avoir la connaissance et être
respecté des siens. Pour les familles nomades tibétaines dont
un certain nombre d'entre eux sont issus, on imagine combien la religion peut
représenter un espoir de vie meilleure. Immédiatement, et pour
leurs vies futures...
C'est ainsi que nombre de familles 'donnent' ainsi un enfant au monastère.
En dehors de toute considération éducative ou spirituelle, ceci
assure au novice gîte et couvert,
ce qui est loin d'être négligeable pour les famille les plus pauvres.
Le plus surprenant pour nous occidentaux, est de constater que cet enrôlement
- excusez le terme mais je n'en trouve pas d'autre qui soit plus adapté!-
a lieu avant bien avant l'âge de 10 ans pour les plus jeunes. Si la vocation
n'est pas présente à cet âge, peut être que le 'travail'
des aînés et l'éducation prodiguée les amènera
vers plus de ferveur religieuse? Qui sait!
Toujours est-il que nous sommes quelque peu surpris par ces moines adolescents
et jeunes adultes qui peuplent les rues de Xiahe. Si les guides touristiques
mettent en garde les touristes-femmes de ne jamais accrocher le regard d'un
moine, ni ô horreur de ne jamais soumettre à son regard des attributs
féminins -forcément vils!- ou, même accidentellement d'entrer
en contact physique avec la graine de pureté qu'ils représentent,
la réalité est ici toute autre! Loin d'être des spécialistes
du bouddhisme, le peu de connaissance livresque que nous possédons nous
fait état d'une religion - certains disent que
c'est une philosophie, nous ne voyons pas bien la différence!- où
le renoncement matériel est un des piliers qui permettent de s'affranchir
de la souffrance que causent les désirs et d'atteindre le but suprême
: le Nirvana.
Pour faire rapide, on dira qu'entre la théorie et la pratique, le fossé semble -pour cette religion également!- être particulièrement large! "L'habit ne fait pas le moine" sommes-nous tentés de dire. Voyez plutôt.
Les moines que nous croisons ici ressemblent
plus à des jeunes avides de plonger dans le monde occidental qu'à
des ayatollahs rigides, suivant au pied de la lettre des préceptes dont
ils semblent être bien éloignés. Seule leur
robe dont la couleur varie du orange au prune nous permet de les qualifier de
'moines'. Pour le reste, ils sont tout à fait 'normaux', aux antipodes
de l'image austère et recueillie que nous serions tentés de leur
attribuer... si nous en croyions nos lectures. Maîtrisant quelques mots
-voire d'avantage- d'anglais pour un grand nombre d'entre eux, le contact
qu'ils recherchent et provoquent souvent est une chance pour nous. Affables,
les regards, sourires et paroles échangées avec les touristes
-hommes et femmes- nous rassurent sur l'ouverture de leur éducation monacale.
Appelés en grand nombre à l'entrée au monastère,
seul un petit nombre d'élus se sentiront la vocation suffisante pour
devenir moine à part entière. En ce sens, l'éducation reçue
est pour eux une véritable chance insaisissable en dehors de cette voie
religieuse.
En dehors de la rue, c'est dans les restaurants tibétains et les cyber-cafés
que nous les rencontrons le plus souvent. Collés devant la télé
en buvant un coca, ou encore scotchés sur les écrans d'ordinateurs,
connectés sur le net (www.moine-qui-surfe.com!) ou jouant en réseau
à des jeux de guérilla urbaine, leur comportement pas très
bouddhique nous fait sourire!
Côté fringues, si la robe de moine tibétain n'existe pas
encore en version Adidas ou Nike, c'est sans complexe que certains d'entre eux
arborent ostensiblement des chaussures de sport de marque, remplaçant
avantageusement la bonne vieille sandalette que nos séminaristes ne veulent
même plus porter! Grosses montres au poignet, certains d'entre eux poussent
même le renoncement matériel jusqu'à posséder des
téléphones cellulaires! Décidément tout fout l'camp!
Y'a plus d'bouddhisme, il est tant que le Dalaï Lama mette un peu d'ordre
dans la baraque!!...
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