Reportage précédent Reportage suivant"Être né quelque part..."

Pancartes des ambassades de SanlitunQui dit enceinte diplomatique, dit également protection policière renforcée aux deux entrées de notre 'diplomatic compound', caché derrière des murs de plus de trois mètres de hauteur, derrière lesquels sont représentées quelques pays africains, d'amérique du sud, ainsi que la Croatie. Si l'accès est libre pour nous occidentaux, il n'en est pas de même pour les personnes de type asiatique qui doivent montrer patte blanche (!) aux militaires en armes, de faction aux entrées. La tentative récente d'entrée en force de clandestins nord-coréens dans les ambassades d'Espagne et du Japon a d'ailleurs donné naissance à quelques problèmes diplomatiques, notamment à la suite de la diffusion sur toutes les télévisions du monde de l'entrée de militaires chinois dans l'enceinte diplomatique nippone, pour y déloger de force des nord-coréens qui étaient parvenus à y accéder. Depuis cet 'incident', Pékin a decidé de renforcer le contrôle autour des ambassades en y postant des centaines de militaires sur tous les trottoirs. C'est d'ailleurs très impressionnant la première fois, on se croirait dans un camp militaire, alors qu'on est dans la rue! Bref, le pouvoir central chinois a juré qu'on ne l'y reprendrait plus. Laisser des frères nord-coréens demander l'asile politique depuis la Chine ne fait pas très bon genre auprès des alliés du paradis communiste de Pyongyang. On lave son linge sale en famille, loin des caméras du monde entier.

2nde entree Sanlitun, avec Militaire et barbelés...'Chez nous', c'est pareil, mais après un mois, nous n'y faisons presque plus attention. Des gardes en armes font le planton, des patrouilles défilent constamment sur le trottoir, en un mot, ça nous paraît maintenant presque normal! Jusqu'à ce jour du tout début du mois de septembre où, nous promenant de l'autre côté de la rue face à notre 'diplomatic compound', notre attention est attirée par un cameraman professionnel occidental, qui, fébrile, les mains tremblantes, sort de sa Bétacam la cassette qu'il vient d'enregistrer avant d'en replacer une autre. Craignant visiblement un danger, le regard aux aguets, il vient de confier ces premières minutes d'enregistrement à un asiatique qui disparait déjà incognito, un scoop mondial dans les mains. Comme des imbéciles -et pour une fois!-, nous n'avons pas notre matériel photo avec nous!! Damned!! Tant pis, nous serons riches une autre fois!... Car c'est en face de nous que l'évènement se déroule, 'chez nous' en quelque sorte!. Devant notre enceinte qui est maintenant totalement bloquée par certainement plus d'une centaine de militaires, deux fourgons cellulaires sont stationnés, sirènes hurlantes, porte arrière ouverte. Alors qu'ils tentent de résister en vain, nous distinguons des asiatiques, -femmes et enfants-, traînés de force à l'intérieur des fourgons, criant leur désespoir. Dans l'enceinte, courant dans tous les sens, des militaires en civils envahissent le 'diplomatic compound', organisant une véritable chasse à l'homme. A nos côtés, le caméraman continue de filmer. Les sirènes hurlent, la tension est a son comble, quelque chose de grave se déroule sous nos yeux. Sur ce boulevard très fréquenté Article de Libédu nord-est de la capitale, des dizaines de badauds assistent tout comme nous à la scène. Encore quelques minutes d'affolement, et les cages d'escaliers fouillées et vidées des indésirables, nous assistons au départ des fourgons sous escorte militaire. La scène n'a pour nous qui l'avons prise en cours, duré que quelques minutes. Les portes de l'enceinte diplomatique sont closes, l'endroit grouille de militaires. Nous comprenons que ce n'est pas le moment de tenter de rentrer chez nous, nous repasserons donc plus tard... D'ailleurs la foule commence à se disperser, officiellement il ne s'est rien passé, circulez, y'a rien à voir!
Bien entendu, ce n'est pas la presse chinoise qui rendra compte de l' 'incident', nous en saurons plus quelques jours plus tard grâce à un papier de Libération. Comme nous nous en doutions, ici encore des nord-coréens clandestins
viennent de tenter d'échapper à l'enfer en pénétrant de force dans l'ambassade de l'Equateur pour y demander l'asile politique. Nous ne savons pas si certains d'entre eux y sont parvenus, mais nous avons assisté à l'échec d'au moins quatre d'entre eux. Pour ces derniers, l'avenir s'annonce encore plus terrible. Nous en avons froid dans le dos rien qu'en y pensant. Et la chanson de Maxime Le Forrestier nous revient encore une fois en tête, comme un leitmotiv désespérant :
"Être né quelque part
Pour celui qui y'est né
C'est toujours un hasard"

Jardin d'enfants et ses nouveaux barbelésDans la nuit qui suivra cet évênement, une double rangée de fils barbelés sera installée tout autour de 'chez nous', des gardes supplémentaires affectés à la surveillance, et une dizaine de militaires en civil rôdant -pas très discrètement- à l'intérieur de l'enceinte diplomatique. Nous vivons désormais dans un camp retranché, même si rien ne changera pour nous. Les enfants des diplomates ont d'ailleurs repris leurs jeux à l'intérieur de cette prison dorée. La vie se poursuit normalement pour tout le monde, sauf pour les malheureux nord-coréens dont on n'ose imaginer l'avenir...

Pour la petite histoire, nous apprendrons quelques jours plus tard que les images de l'évênement ont été diffusées sur CNN-International. Reporters débutants, nous avons loupé le scoop!
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