Voici
maintenant près de quatre mois que nous sommes en Chine. Si on nous l'avait
dit en entrant ici le 18 mai dernier, nous aurions eu de la peine à le
croire. Il est vrai que nous entrions ici un peu sur la pointe des pieds, la
tête pleine de faux clichés et l'esprit embué par les oui-dire
de voyageurs de salons qui connaissent le pays sans jamais y avoir posé
le pied, ou alors il y a tellement longtemps qu'il ne le reconnaîtrait
même plus eux-même!! En un mot, on nous annonçait la Chine
comme un "pays difficile, où tout ce qui est simple devient compliqué,
voire impossible, où les Chinois étaient des hôtes peu accueillants,
voire racistes, où les contrôles policiers rendaient la vie des
voyageurs impossible, etc, etc...".
Si le problème de l'écriture - et de la langue - nous semblait
la chose la plus compliquée, nous entrâmes ici confiants, la fleur
au sac à dos, sûrs que tout se passerait finalement très
bien et que nous n'arrivions pas chez les extra-terrestres. Et si tel était
le cas, un tel voyage valait alors doublement la peine!
Et comme c'est souvent -toujours?- le cas, la montagne accouchât finalement
d'une souris! Attention, on ne veut pas dire par là que la Chine ne nous
a pas impressionnés avec son milliard et demi d'habitants, sa superficie
dix-sept fois supérieure à celle de la France, sa culture millénaire
et encore mille autres choses qui font d'elle un pays fascinant et plus que
recommandable pour qui aime 'Découvrir'.
Et pour donner l'eau à la bouche, j'ai voulu en quelques lignes non développées
-car ma connaissance du pays est beaucoup trop sommaire, on ne devient
pas sinophile en quelques semaines!- présenter quelques particularités
typiquement chinoises, ou si elles n'en sont pas, disons qu'elles ont tout de
même retenue notre attention. On ne va quand même pas chinoiser
quand même!...
Il faut tout d'abord savoir que la Chine que l'on dit chez nous 'communiste',
n'a plus grand chose à voir avec un pays communiste. En déclarant
que s'enrichir n'était plus honteux ni un crime anti-révolutionnaire
au début des année 80, Deng Xiao Ping a fait basculer son pays
dans ... le capitalisme débridé! Mao doit se retourner dans son
mausolée! Mais qu'il soit rassuré : la dictature du parti unique
servi par un appareil policier de plusieurs millions -eh oui, ici, il n'y a
pas de plus petites unités!!- d'hommes, contrôle toujours le pays
d'une poigne de fer. Y'en a même qui disent que la Chine est la plus grande
dictature de droite! Que les "camarades bourgeois" se rassurent donc
: avant il leur aurait fallu se cacher, maintenant ils seront portés
en triomphe! Le vent a tourné ici, mais ça ne gêne personne
au Parti. Retourner
sa veste se dit 'pragmatisme' en chinois...
Montrer ostensiblement ses
richesses n'est donc plus un crime, c'est la pauvreté qui est devenue
honteuse! Ainsi, les 'salauds d'pauvres' se cachent et les winneurs de la 'Chine
qui gagne' passent leur temps à s'en mettre plein les yeux. Et ceci qu'on
ait beaucoup, moyennement ou même seulement qu'un peu de moyens. Vous
me direz: 'ça ne change pas beaucoup de chez nous'! Soit, je vous l'accorde,
mais s'il est un lieu où le Chinois pète le plus sa frime, ou
du moins différemment des occidentaux, c'est au restaurant.
En Chine en effet, on ne commande pas seulement ce qu'on aime et ce qu'on est
capable de manger, mais surtout une quantité suffisante de bouffe pour
que la table soit encore couverte de plats parfois à peine entamés,
lorsque vient le moment de l'addition. Si tu te lèves d'une table où
dix personnes pourraient encore faire un festin, c'est que tu es un vrai cador!!
Rendez-vous compte : tu as les moyens de t'offrir de la nourriture qui va directement
aller à la poubelle : la grande classe quoi!! Derrière les cuisines,
avant le passage du camion à ordures, des clochards honteux se cachent
pour récupérer ce qui est mangeable. Et qui a dit que la Chine
n'était plus socialiste?? On partage toujours ici: la preuve!
De notre côté, presque montrés du doigt pour finir nos assiettes
sans en laisser une miette, nous leur faisons presque honte avec nos mentalités
du chacun pour soi. Un journaliste britannique qui reprochait un jour à
la dame de fer que sa politique faisait des riches, des encore plus riches et
des pauvres, des encore plus pauvres se vit répondre : "Tant qu'il
y aura des [très] riches, il restera des miettes pour les pauvres"
s'était félicitée celle de qui Renaud voulait se faire
son 'réverbère quotidien'. Aujourd'hui encore, comme très
souvent quand nous mangeons avec des chinois parvenus, c'est à un cours
appliqué de Thatcherisme que nous assistons. Et, et ça, ça
nous coupe l'appétit.
En Chine, la voiture est encore
loin d'être un moyen de transport populaire. Avec l'enrichissement d'une
très petite fange de la population dans les grandes villes, il existe
bien sûr de nombreux véhicules, mais par rapport au nombre d'habitants,
le pourcentage est encore ridiculement faible au regard des pays occidentaux.
Heureusement pourrait-on dire, car le niveau de pollution atmosphérique
est déjà suffisamment élevé! Comme vous l'imaginez,
le vélo reste la petite reine. Sur des pistes cyclables aménagées,
des centaines et des centaines de vélos circulent dans un flot inachevé
aux heures de pointe. Plus surprenants car méconnus, sont les triporteurs
à pédales où le plus souvent un monsieur déjà
âgé promène sa partenaire assise à l'arrière.
Pas de voiture
personnelle, mais ça n'est pas ça qui empêche de se déplacer!
"Allez maman, on va faire un p'tit tour?..."
Autrement en ville, il y a le bus. En piteux état la majorité
du temps, ils ont la particularité de pouvoir contenir autant de personnes
que possible. Et quand, à nos yeux il n'y a vraiment plus de place, ...
ben il y en a encore!! C'est bien simple, les rames du métro parisien
ne sont, selon le critère chinois, jamais plus qu'au 3/4 pleines! Et
je n'exagère pas! Jamais de ma vie je n'ai été plus collé
à autant de personnes que dans un bus pékinois! C'est bien simple,
aux heures de pointe, vous ne contrôlez plus rien. La poussée de
ceux qui veulent monter est si forte que le plus costaud des piliers du XV de
France ne pourrait résister -j'ai donc des excuses!-. "Emporté
par la foule..." est l'expression qui convient. Mais pas une foule disciplinée
comme on pourrait faussement le croire, une bande de dingues qui pousse comme
si sa survie en dépendait!! Ce qui, vous l'imaginez, pose d'énormes
problèmes à ceux qui nagent à contre courant en essayant
de sortir. Si vous ne prévoyez pas votre coup avant même l'arrêt
précédent, autant dire que vous avez déjà loupé
votre arrêt!...
Et s'il n'y avait que cela! Dans ce collé-serré infernal, vous
ne choisissez pas souvent vos partenaires... Et je ne détaille même
pas les odeurs corporelles, les haleines douteuses et le nez sous les aisselles
pileuses - l'épilation féminine est encore une chose rare... -
de ceux ou celles qui resteront vos partenaires intimes de très longues,
très très longues, beaucoup trop longues minutes! Si en revanche,
une chance inouïe vous colle dans les bras d'une adorable créature
-parce qu'il y en a de très jolies des Chinoises...-
qui deviendra ainsi votre captive quelques stations durant, le bus urbain peut
devenir un paradis! Mais ne vous faites quand même pas trop d'illusions,
la loi des probabilités semble encore plus rude dans ce pays surpeuplé...
d'autant plus que les jolies femmes se déplacent statistiquement moins
en bus et préfèrent le taxi! Mais on peut toujours rêver...
Petit cocorico au passage en notant qu'à Pékin tout au moins,
une grande partie du parc de taxis est composée de voitures de la marque
aux chevrons, autrement dit: Xue
Tie Long -prononcer chsué tié lon(g)-, ce qui se traduit par:
Neige Fer Dragon, plus connu chez nous sous le nom de Citroën! Qu'est-ce
que le marketing ne va pas inventer! S'implanter sur le marché chinois
avec un nom aussi ridicule que 'Citroën' a dû être jugé
mission impossible, d'où cette trouvaille poétique en rapport
avec la culture locale. Qui sait d'ailleurs si ça ne marcherait pas chez
nous? Alors, juste pour rire, courez chez votre concessionnaire Neige Fer Dragon
et demandez-lui son avis!... Quand je pense que j'ai eu deux 2 CV Neige Fer
Dragon sans que personne ne me l'ai jamais dit!...
Autre
particularité chinoise que je ne peux passer sous silence sous risque
de tromper gravement les lecteurs que vous êtes sur une des réalité
du pays, je veux parler ... des toilettes chinoises! J'entends déjà
d'ici ceux d'entre vous qui ont eu la chance de visiter le pays et de découvrir
ce lieux d'intimité qui n'a, nulle part ailleurs à notre connaissance,
son équivalent... Et Dieu merci!!... Lisez plutôt.
Si ce lieu d'aisance est pour nous un endroit intime où nous nous retrouvons
seuls face aux réalités de la complexité de la machine
humaine, capable de transformer en quelques heures, des mets aussi savoureux
que des moules à la provençale, un morceau de Comté ou
une pièce montée, en une matière sur laquelle nous dissertons
rarement (!), il n'est en aucun cas pour le chinois un endroit privé,
presque honteux, bien au contraire! Libéré de ce rapport presque
coupable que nous avons avec les excréments, le chinois en a une toute
autre conception. Vous serez ainsi très sûrement surpris, lorsque
vous pénétrerez pour la première fois dans des toilettes
publiques ici en Chine. Outre l'odeur sur laquelle nous nous appesantirons pas,
l'absence de portes et les quelques 50 cms de hauteur des séparations
entre chaque 'box' risque de vous couper instantanément l'envie... Le
plus souvent en effet, les places sont distribuées le long d'une rigole
d'environ 40x40 cms, qui court dans tout le lieu. Il convient alors à
chaque 'participant' d'enjamber la rigole - ou les candidats précédents
ont déjà posé le produit de leur digestion, de se mettre
en tenue et de faire ce pourquoi on est venu... Si par extraodinaire un trou
de mémoire vous avait fait oublié l'objet de votre visite, l'ambiance
ravivera rapidement vos souvenirs. Devant vous en effet, accroupis et culottes
sur les talons, des hommes (l'endroit n'est quand même pas mixte!) au
regard souvent amusé par votre présence, sont en pleine action.
Certains discutent entre eux, d'autres plus lents au travail ont pris soin d'amener
de la lecture, d'autres encore aident le destin et témoignent de l'effort
consenti, en un mot, c'est presque convivial!...
-
Salut ça va?...
- Ben pas trop, tu vois bien...
Lors de ma première visite, je feindrai, faux derche que je suis, de
m'être trompé d'adresse, serrant des fesses en espérant
trouver un lieu à l'accueil plus 'perso', me jurant de n'honorer ce genre
d'endroit qu'en cas d'extrême urgence... Et inévitablement, l'urgence
se présenta. La seule et unique parade que je trouvai fût alors,
chance inouïe, de trouver place en première position, collé
contre un vrai mur. Et la chance ne me quitta pas pendant la minute et demie
(montre en poche!) que dura l'opération. Mon plus proche voisin à
qui je ne dis même pas un 'Nihau' (bonjour) amical, était à
trois places de moi...
En d'autres lieux moins 'populaires' où un seul 'biplace' sans séparation fait l'affaire, la probabilité d'être 'enfin seul' est beaucoup plus grande. Mais là vous devez lutter contre vos idées préconçues et petit-bourgeoises qui vous conduisent à vitupérer contre les 'salopards qui 'ont fait à côté'! Car partager ce moment d'intense concentration peut distraire, et expliquer les erreurs de visées très largement répandues dans les toilettes chinoises. C'est tout au moins la seule explication que je vois...
Peu ragoûtants sont
également les raclements de gorge suivis de crachats plus ou moins productifs
dont les chinois paraissent
faire un sport national. Dans la rue, dans les trains, à travers les
fenêtres des bus, en vélo, hommes, femmes, enfants, beaux pas beaux,
vieux et jeunes : tout le monde crache! Rrrrrak .... tchu!
Il paraît pourtant que la pratique a nettement baissé ces dernières
années, c'est dire combien, rrrak .... tchu, le proverbe 'Voyager c'est
ajouter à sa vie' devait alors prendre toute son expression!! Médicalement
pourtant, expectorer est encouragé car 'cela permet de libérer
ses voies aériennes' dirait le Vidal. En campagne, seul, j'dis pas, mais
en compagnie, qui plus est en ville, le lâcher de glaviots devient peu
engageant, et en tout cas, à mille lieux des usages de bienséances
de notre société.
Imaginez seulement un instant une ravissante jeune femme, bien sous tout rapport
et propre sur elle, lâchant un bon vieux "Rrrrrak .... tchu!"
en passant à votre hauteur!... Bonjour la sensualité! Vous me
seriez sûrement reconnaissant Messieurs, si je vous disais que cette image
n'avait fleuri que dans mon imagination malsaine. Et bien je suis désolé,
non! Cette scène, c'est du vécu!! Un vrai remède à
l'amour le "Rrrrrak .... tchu!", même chez Miss China!
Outre les bonnes manières offensées par cette pratique, c'est
un véritable problème de santé publique que les autorités
chinoises essaient de combattre en interdisant, dans un premier temps, de cracher
dans les endroits publics et transports en commun notamment. Dans les endroits
à forte densité urbaine en effet, le crachat ne tombe jamais bien
loin d'une autre personne, quand il a de la chance de l'éviter! Bilan
: un malade qui crache contribue à propager son mal en le distribuant
à la ronde! Les mauvaises langues diront que c'est un reste de socialisme!
Plus sérieusement, ceci serait peut-être un des vecteurs du fameux
syndrome chinois qui atteint un grande nombre de voyageurs qui visitent le pays.
"Rrrrrak .... tchu!"!
Nous
pourrions encore écrire pendant des heures et noircir des dizaines de
pages pour vous parler des particularités de 'notre' Chine. Il y en aurait
pourtant des choses à dire sur le port de chaussettes -style Dim- chez
toutes les Chinoises, quelque soit leur tenue le pied reste couvert- un vrai
'tue l'amour' pour les hommes -, de la mode masculine consistant à remonter
son pantalon au dessus du genou pour laisser apparaître ses mollets glabres,
replier son tee-shirt et aérer ainsi sa bedaine qu'on caresse de la main
en signe de satisfaction - un vrai 'tue l'amour' pour les femmes me souffle
Caroline!-, sur les pratiques collectives de Taï Chi -une gymnastique douce
à la chinoise- dans les villes, sur les rassemblements quotidiens de
Chinois portant une cage où se tient leur merle -ou alouette- chanteur,
sur les Chinois qui ne savent pas parler sans crier, de ceux qui ne respectent
pas les files d'attente et qui bousculent violemment, même en sortant
des ascenseurs!!!.... Il y aurait également beaucoup de choses à
dire sur le culte de l'enfant-roi dans cette société qui ne sera
bientôt composée que d'enfants uniques...
Mais le temps nous manque bigrement, et le plaisir de la découverte ne
serait plus le même pour vous lorsque vous déciderez de faire le
voyage par vous-même! Aussi je terminerai ces chinoiseries par une note
musicale, en traduisant en français la version chinoise de la comptine
mondialement connue : "Frère Jacques", intitulé
ici : "Les deux tigres".
Allez, tous en choeur!
Les deux tigres
Deux-eux tigres,(bis)
Courent vite (bis)
L'un n'a pas de queue
L'autre n'a pas d'oreilles
C'est bizarre, c'est bizarre
Surprenant, non?
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