En
posant le pied au sol, nous faisons la connaissance du seul couple de touristes
-des français de "près de" Grenoble!- ayant fait le
voyage avec nous. Alors que nous avons prévu de passer la nuit prochaine
sur la Muraille, Joëlle et Denis sont ici
pour une ballade à la journée. Et naturellement, comme ils nous
semblent sympas, nous choisissons d'entamer le circuit Est de quatre heures
ensemble. Si nous ne nous trouvons pas d'atomes crochus, il sera toujours temps
de leur souhaiter 'bonne continuation' de leur côté!... Mais de
cela il ne sera jamais question, car très rapidement nous transformons
ces inconnus en copains. De retour de Mongolie où ils viennent de passer
deux mois, ils nous transportent rapidement dans les steppes sauvages d'où
ils rapportent des histoires qui nous font une fois de plus rêver. Décidément,
nous n'aurons jamais de toute une vie pour voir le monde!
Mais pour l'heure, la magie est sous nos pieds. Serpentant
la montagne qu'elle parcourt en franchissant les cols de manière étonnante,
la Muraille sur laquelle nous marchons maintenant nous donne déjà
du fil à retorde. Alors que nous nous imaginions rencontrer une piste
empierrée quasiment carrossable, nous sommes rapidement mis au parfum.
Mes vieux projets d'enfance où je me voyais parcourir à vélo
cette construction mythique, me donnent maintenant le sourire aux lêvres...
Face à nous maintenant, un 'mur' impressionnant de plusieurs dizaines
de marches plus ou moins sûres, franchissant un
dénivelés fleurtant avec les 70 degrés!
- Mais c'est pire que les derniers mètres du Machu Picchu ça!
s'exclame Caroline
- Ouhais, j'en ai bien peur! Fais gaffe de ne pas basculer en arrière
avec ton sac! lui conseillai-je, essouflé par cette entrée en
matière des plus tonique.
Quoiqu'il en soit, cette Muraille Sauvage n'est pas à mettre sous tous
les pieds! Agiles comme des chamois, Joëlle
et Denis nous devancent dèjà de quelques longueurs. A
la tour de guet suivante, nous en profitons pour souffler et admirer le site
exceptionnel où nous sommes. Et nous nous prenons à nous poser
des questions et nous exclamer sur cette construction étonnante.
- Tu te rends compte?? Mais comment ils ont pu faire pour construire ça?...
Franchir tout ces dénivelés, transporter les matériaux
de construction avec ce relief?
- Avec les moyens de l'époque!! C'est fou!
Et nos discutions dignes de celle d'un comptoir de bistrot se poursuivent...
Il ne manque qu'une petite bière qui serait fort appréciée
sous le soleil radieux et une température proche de 30°C!
Le seul incident de cette balade tonique dans ce décor exceptionnel nous
sera proposé à la tour de guêt suivante. A l'entrée,
un local d'une quarantaine d'années nous aborde en nous demandant de
l'argent.
- De l'argent?... nous étonnons-nous faussement aprrès avoir entendu
des histoires de péages-sauvages tout à fait illicite sur certaine
portions de la muraille.
- Il faut payer! nous somme-t-il en barrant le passage de son corps, l'air peu
enclin à la négociation pacifique.
Feignant de considérer ce racket sérieusement, je m'avance alors
et pose un pied sur le premier barreau de l'échelle... que notre "ami"
arrache violemment en manquant de me faire tomber.
-
Vous devez payer! hurle-t-il en anglais.
Tous les quatre, nous sommes d'accord : il va aller se faire voir! Et même
si la somme est ridicule pour nous occidentaux, nous ne voulons par principe
pas céder à ce vol pur et simple. Et pourquoi ne pas repayer à
la prochaine tour?... Et la suivante?... Et à quand les péages
sur les sentiers de randonnées? En payant, nous conforterions
son trafic , et ferions des racquettés des redevables. Non que
nous nous posions ici en justiciers, mais cet homme n'a aucun droit de nous
faire payer quoi que soit dans cette portion publique de la muraille, nous tenons
seulement à faire valoir notre bon droit.
- T'as des tickets? questionnai-je sûr de la réponse qui démontre
qu'on a à faire à un bandit.
- Vous devez payer! hurle-t-il plus fort. Tout le monde paye ici, même
les chinois! ajoute-t-il comme si ce détail avait force de droit et allait
nous convaincre!
Mesurant la connerie du gaillard, trois solutions se présentent à
nous. Renoncer à cette ballade et lui mettre tout de suite un poing là
où il le mérite sont tout de suite abandonnées! Reste la
troisième qui consiste à descendre de la muraille, contourner
la tour de guêt en escaladant le terrain plus que vertigineux de cette
portion, et remonter sur la muraille en lui faisant un beau pied de nez! Tandis
que nous revenons sur nos pas, notre 'copain' nous montre une pierre qu'il tient
en main et menace déjà de nous lancer si nous osons le défier
en faisant, comme il a compris, le tour de 'sa' tour à péage!
Pour réponse, nous l'ignorons, conscient toutefois que le temps risque
de se gâter rapidement...
Résolus et le sourire aux lèvres, nous entamons alors ce qui sera
pour nous la partie la plus sauvage du parcours. Tels des Indiana Jones, nous
traçons à grand peine notre chemin sur un sol en très forte
pente parmi des arbustres et des épineux dont nous nous rappelerons pendant
quelques jours. Mètre par mètre, les hommes en tête, nous
nous frayons un chemin à quelques pas de ce qu'il convient d'appeler
un tombant 90 degrés de plusieurs dizaines de mètres de profondeur...
Amateurs de sensations fortes, accrochez-vous! Lentement, mais sûrement,
la petite équipe désormais bien soudée avance, et contourne,
après une demie heure d'efforts, la tour de notre vilain bonhomme...
qui réapparaît bientôt alors qu'il ne nous reste plus que
dix mètres à couvrir
avant de rejoindre la muraille!!!
Une pierre à la main, il est comme fou, vociférant maintenant
que l'endroit par lequel nous sommes passés est interdit!
- Je vous donne une amende de 10 000 Yuans (1234 €)! s'emporte-t-il!
Alors que nous venons de manquer de nous rompre les os, que son barrage est
tout à fait illégal, il pourrait au moins être beau joueur.
Mais visiblement, nous avons touché son amour-propre. De notre côté,
notre 'tour' nous a bien fait rigoler, mais là, il commence à
pousser la plaisanterie un peu loin! Cette fois-ci c'est décidé,
on va forcer le passage!
En tête de cordée, j'avance décidé, faisant comme
s'il n'était pas là... Très fâché, il m'accroche
alors par le bras en baissant ses tarifs :
- 1000 Yuans, vous devez payer 1000 Yuans d'amende! hurle-t-il à bout.
Vous ne passerez pas! Il faut payer!
T'as raison mon pote! Posant alors mon sac, Denis à mes côtés,
jouant la comédie, je me mets alors à hurler un truc qui se veut
calmer son ardeur:
- OK, on appelle la Police. Hà hà, Police! On va s'expliquer à
la Police! Allez, viens, conduis-nous à la Police!
Surpris par mon emportement vocal soudain, il baisse d'un ton, mais bloque maintenant
de son corps le trou de souris par lequel nous voulons accaéder à
la muraille.
- Vous allez payer où vous ne passerez pas! crie-t-il encore, les yeux
exorbités.
Décidant
que nous avons assez joué, en deux coups de cuillères à
pot, Denis et moi le délogeons de son trou et ouvrons la route. La bousculade
dure à peine une minute pendant laquelle il se saisit de ma casquette
qu'il tient comme un trophé alors que nous passons tous les quatres en
'zone libre'! Sa vraie chance est de n'avoir pas eu à faire à
des plus violents que nous. Pas un coup n'a été donné,
un jour il risque pourtant de se réveiller avec un vrai mal de tête...
Oubliant presque sur le champ cet épisode,
nous reprenons notre sympathique balade dans ce décor hors du commun.
Et comme les expériences en commun forcent l'amitié, nous aurons
peu de mal à convaincre Joëlle et Denis pour passer la nuit sur
la Muraille. Le poulet cuit et les quelques autres provisions que nous avons
ans nos sacs feront largement l'affaire du dîner du soir, et si nous leur
pretons un sac de couchage, il nous restera encore un... Une belle occasion
de dormir au plus près de sa belle cette nuit, les nuits sont fraîches
à cette hauteur...
Dans le calme de ce décor grandiose à peine troublé par
les chant des oiseaux, nous assistons ravis au coucher de soleil en mangeant
quelques chips. Dans ce paradis, il ne manque finalement qu'un p'tit coup de
pinard! Alors que la nuit tombe ici vers 18h30, il est bien tôt comme
nous nous allongeons sous notre sac de couchage, les yeux braqués sur
un ciel limpide qui resplendit de milliers d'étoiles. Et si ça
n'est pas ça l'bonheur!...
Dans la matinée du lendemain, nous fermerons la boucle entamée la veille en traversant de superbes jardins qui nous rappellent ceux de la Cappadoce turque de notre premier 'grand' voyage à l'étranger. De retour à Beijing, nous terminons accompagnés par nos nouveaux copains que nous invitons dans notre appartement pour un repas 'français'. Depuis trois mois qu'ils ont quitté le pays, Joëlle et Denis en rêvaient. Ce manque des saveurs du pays que frappe tout voyageur au plus ou moins long cours, ne sera plus très long pour eux : ils rentrent demain au pays. Là-bas, une nouvelle aventure attend ces amoureux de la montagne, et pas des moindres! De Mongolie ils ramènent une yourte ( ces tentes nomades traditionnelles ) qui deviendra leur habitation en Izère! Original et génial à la fois cette idée qu'il ne reste plus qu'à concrétiser avant l'hiver. Nous attendons des nouvelles...
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