Derrière
la misère de ce pays en déroute se cache le spectre douloureux
de plusieurs décennies de guerre. Les marques visibles des souffrances
endurées par le peuple khmer ne peuvent être ignorées, la
plus flagrante étant sans nul doute le nombre impressionnant de mutilés.
Le Cambodge détient en effet le triste record d'être le pays qui
compte le plus grand nombre de mutilés au monde avec un chiffre effrayant
qui atteint 40000 personnes, soit près d'une personne sur 250. Victimes
de la plus lâche arme de guerre qui soit: les mines antipersonnel.
Arme du pauvre par excellence puisque les meilleurs marchés d'entre elles
valent moins d'un dollar, le Cambodge a ainsi été truffé
de mines pendant près de 20 ans, posées tour à tour par
les Khmers Rouges et les Vietnamiens, transformant ce pays en un immense champ
de mine. A double titre, elles sont certainement les pires des armes inventées
par les hommes. Rarement conçues pour tuer, elles sont faites dans le
double but de blesser sérieusement un adversaire et de handicaper l'armée
qui le supporte. Armes démoniaques en temps de guerre, elles le sont
aussi une fois les traités de paix signés. Une fois posées,
elles n'attendent en effet qu'une pression sur le détonateur pour exploser...
5, 10 ou même 50 ans plus tard.
Une seule parade: le déminage, avec tous les risques et les coûts
que cela comporte. Malgré tous les efforts des ONG et sociétés
spécialisées, la tâche reste considérable. On estime
notamment le nombre de mines en attente d'un pied ou d'une main malheureuse
à 5 millions. Ce qui se chiffre encore de nos jours à 75 nouvelles
victimes par mois, malgré tout le travail effectué et les campagnes
de sensibilisation -il y a quelques années encore, ce chiffre était
4 fois plus élevé!-. Pour ajouter à la difficulté
de la tâche gigantesque restant encore à réaliser, il faut
savoir que les mines se déplacent dans la terre boueuse en saison des
pluies. Ainsi, un terrain déminé peut-il devenir à nouveau
redevenir contaminé... Le travail paraît insurmontable.
Au Cambodge, dans toutes les villes, dans tous les villages, vous ne pouvez
échapper à ce spectacle insupportable d'un homme, un enfant réduit
à la mendicité après avoir perdu un ou plusieurs membres
en sautant sur une mine. Il a 12 ans ce gamin portant une prothèse au
dessus du genou gauche, avec qui nous discutons dans les rues de Siem Reap.
- J'ai marché sur une mine alors que j'allais chercher du bois avec mon
père, près de notre village. J'avais 7 ans, nous explique-t-il
en soulevant son pantalon pou faire apparaître sa 'jambe de plastique'
comme il l'appelle lui-même. Nous sommes bouleversés par ce drame
et le ton léger, presque banal, avec lequel il nous raconte
son histoire. Sentant visiblement notre émotion, il ajoute comme pour
nous réconforter:
- Mais moi, ça va, mon handicap m'empêche simplement de courir!
termine-t-il en s'estimant heureux.
Nous ne savons que dire, partagés entre un sentiment d'admiration face
à cette victime innocente et révoltés par le fait que cela
puisse exister. S'il est impossible de refaire l'histoire au moins pourrait-on
avoir l'espoir de voir disparaître ces armes barbares dignes d'un autre
temps. En 1997, un traité international regroupant une centaines de pays
-dont la France- a été signé pour "interdire la production,
le stockage, la vente et l'usage des mines en toute circonstances".
Excellente initiative, pourrait-on se réjouir si l'ensemble de la communauté
internationale l'avait ratifié... Et c'est loin d'être le cas puisque
les principaux producteurs, à savoir la Chine, la Russie et les États-Unis
s'y sont refusés. Cynisme absolu quand on sait que ces pays les vendent
à des pays trop pauvres pour que ces derniers puissent leur acheter des
armes plus chères. Il n'y a pas de petits profit, n'est-ce pas? Et puis,
que vaut la vie d'un enfant du tiers-monde face à des emplois dans son
propre pays?...
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