Si
Poïpet n'offre aucun intérêt particulier, elle est la principale
porte d'entrée en direction de Siem Reap où se situent les temples
d'Angkor. Aussi, tout voyageur indépendant n'a qu'un seul but sitôt
la frontière passée: trouver un moyen de transport pour couvrir
les quelques 160 kms de piste qui le séparent de la prochaine étape.
Aussi, dès les formalités de douane accomplies, des dizaines de
rabatteurs nous tombent sur le poil.
- Siem Reap! Siem Reap, mister?
Sur la piste, des pick-ups attendent d'être fin pleins avant leur départ.
Et quand on dit 'plein' ici, on ne badine pas avec les mots. A l'africaine,
on remplit de sacs, matériel et de personnes, jusqu'à ce que les
amortisseurs demandent grâce. C'est le signal qui permet de dire: "Juste
encore une ou deux personnes, deux ou trois sacs de 50 kg et le chargement sera
complet!"
Passagers de choix, les touristes sont, on l'imagine aisément, une denrée
qu'on s'arrache. Ne prenant pas plus de place qu'un local, ils peuvent en effet
payer jusqu'à dix fois le tarif des locaux: une véritable aubaine.
Et le marchandage commence... Pour bénéficier des tarifs les moins
pires (!), notre technique consiste à nous extraire de l'emprise des
premiers chauffeurs. En marchant un peu vers des voitures en quête d'un
dernier passager, les prix nous serons plus favorables. Feignant d'être
intéressés, nous notons avec le sourire la chute vertigineuse
du coût du transport. Finalement, nous grimpons à l'arrière
d'un pick-up pour 13000 riels (environ 4€) après avoir vu les prix
se diviser par cinq...
Tant bien que mal, nous parvenons à trouver une position la moins inconfortable
possible, coincés avec treize autres passagers parmi des sacs de riz
et autre matériel en tout genre. A l'intérieur du véhicule,
six autres personnes ont pris place, tandis qu'un autre s'accroche comme il
peut sur le toit de la camionnette. Sous cette chaleur accablante qui frise
les 40°C, notre ennemi numéro un est le soleil. Couverts des pieds
à la tête, nous buvons sans relâche pour prévenir
tout risque d'insolation. La piste sur laquelle nous avançons maintenant
est dans un état catastrophique, en dépit des efforts d'employés
à la voirie que nous croisons ici et là. Sans engin, transportant
des pierres dans des paniers d'osier, par dizaines ils travaillent manuellement
sous un soleil de plomb. Nous ne sommes pas loin des forçats du début
du siècle dernier...
Non asphaltée, criblée de trous et truffée de pierres qu'il
vaut mieux éviter, cet axe principal résume à lui seul
la pauvreté du pays. La poussière soulevée au passage des
véhicules ajoute encore à la difficulté de la conduite.
Foulard sur le nez et les yeux, nous tentons tant bien que mal d'avaler le moins
de poussière possible. Les yeux plissés au maximum, nous essayons
de profiter du paysage entre deux nuages de poussière. La région
que nous traversons à 35 km/h de moyenne est plate, sans grande végétation.
En cette saison sèche, les rizières à perte de vue attendent
la pluie qui redonnera la vie à cet espace couleur de terre. Malgré
le cagnat de ce milieu d'après-midi, quelques paysans préparent
la terre, à la tranche ou à la charrue attelée d'une paire
de bufs d'un autre âge. Nous venons de basculer plusieurs dizaines
d'années en arrière.
Posés sur le bord de cet axe, nous traversons des villages que la poussière
permanente a repeints en ocre. A notre approche, vendeurs et vendeuses sortent
de leurs gargotes et présentent des bouteilles d'eau, Sprite et autres
Coca-Cola... Pour notre part, on aurait bien bu une petite Coreff à la
pression, mais le marketing de la brasserie de Morlaix ne couvre pas encore
cette partie du monde! Tant pis, va alors pour une autre bouteille d'eau...
Vers 17h30, nous arrivons enfin à Siem Reap, terme de notre parcours,
nous sommes sur la route depuis 29 heures! Exténués, nous n'avons
qu'un seul désir: trouver un endroit calme pour dormir! A notre descente,
une armée de rabatteurs nous prend en charge, voyant en nous une commission
sur l'hôtel qui nous accueillera. Après un quart d'heure de recherche,
plusieurs visites d'hôtel et quelques négociations, nous posons
nos sacs à Family Guest-House, une petite auberge tranquille à
l'écart de l'agitation et des endroits branchés de la ville. Sales
comme nous l'avons rarement été, nous sautons sans plus attendre
sous la douche qui se révèle être, une fois de plus, une
des meilleures inventions de l'homme! Méconnaissables et habillés
de propre, nous prenons rapidement un dîner à la guest-house avant
de plonger dans un sommeil quasi-comateux. Plus rapide que moi, Caroline dort
déjà.
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