Nous
quittons Viñalès et notre sympathique famille d'accueil vers 10h. Direction
puerto Esperanza, sur la côte nord.
Aujourd'hui 2 janvier est jour férié à Cuba et les bus 'normaux' ne roulent
pas. On nous promet également peu de trafic de la part des véhicules d'état,
les seuls qui offrent un transport vraiment gratuit.
- Eh bien, tant pis, répondons-nous à toutes les personnes bien intentionnées
qui nous proposent un 'taxi' à un 'buen precio' (bon prix!)... Nous allons aller
à pied!
- Mais c'est très loin, ça n'est pas possible!
- 22 kms, c'est pas loin, rétorquons-nous. En une journée de marche, nous y
serons! Merci!...
Et d'un pas décidé, nous entamons
cette randonnée sous un soleil radieux. Sans beaucoup d'espoir, nous faisons
signe aux véhicules de passage, ' On ne sait jamais!...' Après quelques minutes
de marche seulement, un camion d'état s'arrête:
- On ne va vous avancer que de 3 kms, s'excuse presque le chauffeur.
- C'est parfait, merci! Répond Caroline tandis que nous montons déjà dans la
benne vide. La journée démarre sous de bons auspices, semble-t-il... Après une
rapide rencontre d'un jeune couple de La Havane qui nous invite 'gratuitement'
chez lui la semaine prochaine, nous enchaînons sans peine les occasions de stop
et devons donc renoncer à la 'longue marche'! Un couple franco-espagnol, suivi
d'un couple de jeunes médecins français (il n'y a que des Français ici!) et
un cubain travaillant pour une entreprise française (décidément!), nous permettent
d'atteindre Puerto Esperanza en une petite heure.
Petit
village de pêcheurs perdu sur la côte nord de la province de Pinar del Rio,
ce village n'a rien de vraiment attirant, sinon sa situation côtière. En dehors
des sentiers touristiques, nous voulons un peu profiter de la mer... Dès notre
arrivée, Miguel, un jeune cubain d'une vingtaine d'années nous aborde en français.
Surpris, (le fait est quand même exceptionnel), nous apprenons qu'il a travaillé
pour l'Alliance Française (c'est une structure française présente dans presque
tous les pays du monde et gérée par le Ministère des Affaires Etrangères, permettant
de promouvoir la culture française à l'étranger), à La Havane où il a appris
à parler notre langue.
Trop amical et insistant pour être honnête (!), Miguel nous invite très rapidement
chez lui.
- Mon professeur de Français m'a dit de toujours aider les Français! Alors je
vous aide! Se justifie-t-il. Je vais téléphoner à ma copine pour qu'elle vous
prépare à manger. Je reviens dans quelques minutes, ajoute-t-il en s'éloignant.
Alors que nous avons été à maintes reprises hébergés par des inconnus, notre
recherche des rencontres et des échanges devrait nous rendre très enthousiastes
à l'idée d'une telle hospitalité... Cependant, notre expérience des voyages
et des rencontres a développé en nous un sixième sens. Toujours en éveil, il
nous permet de 'sentir' les personnes et les situations douteuses. Oh bien sur,
ceci est très subjectif et nous avons peut-être jugé inamicales des intentions
tout à fait honnêtes... C'est le risque! Mais il nous a aussi toujours évité,
jusqu'alors d'être embarqués dans des situations qui seraient difficiles à gérer,
voire dangereuses. Aussi, plutôt que de nous jeter dans des histoires que nous
ne 'sentons' pas, nous les évitons tout simplement. Et là, avec cette rencontre,
notre sixième sens vient de se mettre en alarme.
Tandis
que nous sommes toujours sur le bord de mer, observant une plage qui n'en est
pas une, Miguel revient après un bon quart d'heure.
- Ca y est, j'ai tout arrangé! Ma copine va nous préparer à manger et vous camper
dans le jardin. Il n'y a pas de problème là-bas, affirme-t-il, c'est à 3 kms
d'ici.
Détournant alors la conversation, nous essayons d'en savoir un peu plus sur
lui:
- Mais tu parles bien le Français, le complimente à juste titre Yannick.
- Je suis allé en France en février dernier, alors j'ai un peu pratiqué!
- En France? Mais ça n'est pas courant pour un Cubain!
- Non, mais c'était avec l'Alliance Française. Ils ont tout payé!
(Bizarre cette histoire, mais continuons).
- Et tu as visité quoi en France, poursuit Yannick feignant de s'intéresser
à son histoire...
- Paris, bien sûr! La tour Eiffel et le Café de Paris. J'avais amené une cassette
de salsa avec moi et au Café de Paris, on l'écoutait tout le temps! Les Français
adorent la salsa...
- Et il ne faisait pas trop froid pour un Cubain?
- Oh si, poursuit-il enthousiaste. Février est le mois le plus froid en France
et il y avait de la neige pendant tout notre séjour!
Un seul clin d'oeil: notre sixième sens ne nous a encore une fois pas trahi,
comme Miguel est en train de le faire sans malice ... Nous n'avons pas en mémoire
tous les bulletins météo de la capitale de l'an passé mais une chose est sûre:
la neige à Paris reste un fait exceptionnel et de la neige pendant un mois entier,
ceci est de la pure fiction! Yannick s'amuse encore à le faire décrire plus
en détail son séjour français, et quand Miguel ne lâche pas des banalités apprises
dans les livres, il invente des histoires qui deviennent rapidement incohérentes...
S'impatientant un peu, il coupe bientôt:
-Mais on parlera de tout cela à la maison à la maison! On y va?
- Non merci! Tranche Yannick, tandis que nous lui tournons déjà le dos, nous
allons nous débrouiller seuls!...
Et nous nous éloignons d'un bon pas, le laissant seul et visiblement très surpris par une réaction à laquelle il ne s'attendait pas! Quelques minutes plus tard, nous sommes chez Alberto et Maribel, propriétaires charmants d'une maison d'hôtes, non moins agréable. Dès notre arrivée, notre détecteur de mauvaises rencontres se met en veille, nous sentons que nous sommes dans une 'bonne maison'. Expliquant notre rencontre 'bizarre', ils confirment que Miguel n'est en fait qu'un 'jinetero' (rabatteur) et qu'il n'est jamais allé en France... Tiens donc, on ne s'en était pas douté!!e... !