Reportage précédentReportage suivantCigares de Cuba

Labourage traditionnel des cultures de tabacLes quatre jours passés à Viñalès nous ont également donné l'occasion de rencontrer les gens du pays avec qui nous échangeons quelques conversations. Très ouverts à nos questions, ils répondent avec beaucoup de gentillesse traitant notamment de la culture et de l'art du tabac dont la région représente près de 60% de la production cubaine.
Plantage du tabac à la main
De la plantation à la récolte et de la cueillette à la réalisation du 'Havane' si prisé dans le monde entier, nous tentons d'en connaître un peu plus. Egalement aidés du 'Lonely Planet' (guide touristique américain) et parachevant nos récentes connaissances d'une visite à la facture de cigares 'Francisco Donatien' à Pinar del Rio, nous allons maintenant essayer de vous faire découvrir un peu mieux ce produit fétiche de Cuba.

Plant de tabacLorsque Christophe Colomb (encore lui!) arrive à Cuba, la médecine indienne utilise déjà le tabac en inhalant la fumée de la feuille du 'cohiba' (la plante 'tabac' qui donnera son nom au plus célèbre des cigares cubains) à l'aide d'une pipe appelée la 'tobago'. Si fumer se dit 'sikar' en indien, ce geste est rituel et possède une signification précise dans leur culture. Ce sont les conquérants espagnols qui vont, quelques années plus tard, 'inventer' l'ancêtre du cigare en fumant directement les feuilles de tabac roulées sur elles-mêmes. Ainsi à Cuba, les feuilles de tabac à être plantées dans un but commercial vers 1580, et deviennent même vers 1700 sa 1ère source de revenu à l'exportation.Enfilage des feuilles de tabac
Actuellement, l'industrie du cigare, qui est nationalisée, est la 3 ème industrie de l'île juste après celle du tourisme et de la canne à sucre. Très populaire à Cuba, les cigares sont l'équivalent de nos vins français. Du plus simple au plus raffiné, l'offre est immense et seul le connaisseur saura faire la différence... Bien entendu, le prix est parfois une indication mais seule la véritable connaissance du produit et un goût développé sont des gages de bon choix. Et malheureusement, le fait de fumer à tendance à inhiber ce sens... Dommage!!

Alors que le quintal de feuilles séchées est acheté par l'état -qui a le monopole de l'industrie du cigare- 350 pesos (soit environ 130 frs) au paysan, le prix d'un cigare de grande marque oscille entre 10 et 120 frs l'unité sur le marché cubain. Mais avant de devenir Esplendidos ou Montecristo, la feuille de tabac est passée par un nombre d'étapes très complexes que nous vous proposons de résumer maintenant.

'Casa de tabaco'
Maison où sèche le tabacAprès avoir été charruée par des par des boeufs plutôt que par des tracteurs qui compactent la terre, le plant de tabac d'une quinzaine des centimètres est repiqué en pleine terre entre octobre et décembre. 90 jours plus tard, le plant mesure alors un bon mètre et est prêt pour la récolte qui est toujours manuelle. Notons au passage que les feuilles destinées à devenir la cape du cigare (c'est à dire la feuille qui 'finit' le cigare) poussent à l'abri du soleil et de la pluie, sous des bâches de tissus tendus à même le champ, à intervalles réguliers. Afin de stimuler la croissance des feuilles, la tige centrale est alors coupée.Sèchage du tabac
dans la maison de tabaco

Récoltées par paires d'un même niveau, les feuilles sont alors successivement coupées à intervalle de temps régulier, dès qu'elles arrivent à maturité. Compte-tenu du nombre de paires de feuilles, entre janvier et mars, 6 à 9 passages par pied sont nécessaires. Les paire de feuilles de même taille sont ensuite enfilées les unes après les autres grâce à une aiguille que l'on passe à travers la nervure centrale de chaque feuille.Ouvrière à la manufacture de tabac
Francisco Donatien de Pinar del Rio
Encore vertes et gorgées d'eau, 50 jours de séchage dans les 'casas de tobago', (sorte de granges aérées faites de bois et couvertes de feuilles de palmiers) vont donner à la feuille, devenue marron, un aspect fripé. C'est ainsi que le paysan les vendra à la coopérative. Mises alors en tas d'une cinquantaine de cms de hauteur, les feuilles vont reposer et subir leur première fermentation pendant 30 jours.

Les feuilles sont ensuite humidifiées et triées avant d'être remises en tas pour une seconde fermentation qui durera 2 mois. Après cela, les feuilles subissent une opération de séchage avant d'être mises en ballots, couverts par des feuilles de palmiers. Après vieillissement, c'est sous cette forme que les manufactures de cigares (pour l'immense majorité situées à La Havane, d'où le nom de 'Havane' pour désigner les cigares) reçoivent leur matière première. Lecteur dans la manufacture de tabac'Roulage'  d'un cigare

La première opération consiste alors à ôter (manuellement) la nervure centrale de chaque feuille, divisant ainsi chaque feuille en deux. De la même façon que pour élaborer un grand-vin, le maître-cigarier (nous l'appellerons ainsi!) est alors charger de réaliser le savant mélange des feuilles qui seront choisies pour réaliser le cru. De son choix dépendra la réussite et le goût du produit.

Il ne reste alors plus qu'aux ouvriers à rouler de leurs mains expertes le produit que tant d'aficionados fumeront avec un bonheur certain. Dans la manufacture Francisco Donatien de Pinar del Rio, une centaine d'ouvriers roulent ainsi une moyenne de 100 cigares par jour.Boite de Cohiba
Travail d'experts payés environ 17 $US (environ 130 frs) par mois, la salle immense où ils travaillent 44 heures par semaine, ressemble à une grande salle de classe. En guise de professeur, un lecteur intervient plusieurs fois par jour pour lire le journal et quelques chapitres d'un roman.... Attentifs, hommes femmes roulent alors sur un fond sonore culturel. A quand des lecteurs de l'Huma sur les chaînes de montage de chez Renault?...
Vient enfin le contrôle final où chaque cigare est calibré et pesé. Tout défaut est alors signalé à l'ouvrier et le cigare démonté. Son tabac sera alors récupéré pour des productions de cigarettes. C'est à ce prix que la qualité des cigares cubains ne connaît pas de véritable concurrence et que des noms aussi prestigieux que Cohiba, Partagas, Romeo y Julieta ou encore Montecristo ont fait le tour du monde et font le bonheur de millions d'amateurs de cigares...
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