Lundi 18 Décembre 2000.
Ce matin est un jour très important pour nous. Réveillés vers 6h, nous quittons
le terminal une demie heure plus tard, direction l'Asesoria Juridica Aduana
(la section juridique des douanes). Comme nous arrivons dans ce bâtiment fort
propre, alors que deux hommes attendent déjà. Dans
la salle d'attente où nous nous asseyons dans des fauteuils très confortables,
l'attente commence...
Peu à peu, la salle se remplit et vers 9h, nous sommes une vingtaine de plaignants
avec leur feuille jaune intitulée: 'Acta de retencion y notificacion' en main.
Seuls étrangers, notre présence ne semble troubler personne. Nous n'avons aucune
information relative à l'arrivée du fonctionnaire auprès duquel nous allons
plaider notre cause. Tendus comme à l'attente d'un examen oral, nous répétons
dans nos têtes, les arguments que nous allons développer...
L'ambiance n'est toutefois pas grave et la gentillesse des Cubains nous rassure
un peu. A chaque passage de fonctionnaire vêtu de kaki, nous avons droit à un
'Buenos Dias!'. Vers 9h30, notre tour arrive. La porte s'ouvre sur un vaste
bureau où une femme fonctionnaire est assise derrière un petit bureau, sous
une photo de Fidel. Nous invitant à nous asseoir, elle nous demande de présenter
notre réclamation.
La gorge un peu nouée, Caroline recommence ses explications de la veille, insistant
particulièrement sur l'importance d'un pays comme Cuba dans la réalisation d'un
tour du monde. Elle enchaîne ensuite sur notre volonté de présenter Cuba aux
internantes qui nous suivent, comme un pays qui s'ouvre, dont le système d'éducation
et de santé sont probablement les meilleurs au monde (ce dont les Cubains ne
doutent pas et ne cessent de proclamer). En face, la femme écoute, impassible.
Après ce rapide plaidoyer, elle prend la parole:
- OK, je comprends, mais à Cuba il est interdit pour un touriste d'amener avec
lui un ordinateur, etc, etc...
Voyant que notre discours n'a pas été entendu, nous enchaînons alors sur une
autre argumentation.
- Nous ne sommes pas des touristes 'normaux' car nous sommes ici pour réaliser
un véritable travail. Sans notre ordinateur, nous ne pouvons mener à bien notre
mission et notre présence à Cuba n'a plus aucune raison d'être. Nous ne pouvons
imaginer quitter Cuba dès aujourd'hui.
Se levant , la femme quitte alors brusquement la pièce sans un mot. Ce dernier
argument aurait-il pesé? Nous nous regardons, incertains quant à la signification
à donner à cette attitude. Quelques minutes plus tard, elle est de retour et
prend la parole:
- Si vous effectuez un réel travail, c'est différent. Seulement, il nous faut
quelque chose pour le prouver.
Sortant alors le cédérom sur lequel le site est gravé, Yannick prend la parole:
- Tout notre travail est sur l'ordinateur mais si vous voulez, nous avons ce
cédérom qui prouve que nous réalisons un vrai travail dans les pays que nous
traversons.
Ne prenant pas la peine de regarder ce que nous lui présentons, elle coupe:
- Non, ce qu'il nous faudrait, c'est un document écrit prouvant votre activité...
- Nous avons des contrats, ajoute Caroline, mais ils sont en France! La seule
manière de vous prouver notre bonne foi serait de vous présenter notre site...
nous n'avons avec nous aucun papier...
- Alors, je suis désolée, reprend la fonctionnaire.
Jetant nos derniers espoirs dans la bataille
bien inégale, nous lui demandons si l'obtention de ce papier nous donnerait
gain de cause...
- Vous passeriez alors devant une commission spéciale où votre cas sera
examiné... La prochaine commission se réunira dans une semaine, termine-t-elle
enfin.
Nous
avons compris: la bataille est perdue pour nous et nous savons que nous n'avons
aucune chance de récupérer notre ordinateur avant notre sortie du territoire
cubain.
- C'est vraiment dommage pour tous ceux qui attendaient que nous leur parlions
de Cuba, conclut Caroline.
Le coeur serré, la gorge nouée, nous sortons du bureau. La déception est immense.
- On ne reste pas ici, dit Caroline, effondrée de fatigue et explose en larmes.
Nous nous asseyons alors à quelques dizaines de mètres du bureau des douanes, pour faire le point. Cette entrée en matière à Cuba est certes très frustrante et la colère que nous éprouvons pourrait nous amener à prendre une décision que nous regretterions. Cependant, si ce régime aux lois imbéciles ne mérite aucune concession, les Cubains méritent le détour. En partant, nous nous priverions de ces sourires, de cette gentillesse et la joie de vivre qui les habitent, de cette musique admirable partout présente. Nous nous priverions de tous les plaisirs auxquels nous avons associés ce pays.
C'est donc décidé: en dépit de l'absence de notre outil de travail, nous restons. Nous mettrons les bouchées doubles à St Domingue!