Très
développé à Cuba, ce moyen de déplacement que l' on appelle ici 'Faire la bouteille',
est presque une institution. La possession d'une voiture particulière est loin
d'être à la portée de tous, aussi existe-t-il une solidarité entre les Cubains.
Jamais gratuit avec un particulier, chacun peut ainsi se déplacer pour quelques
pesos sur tout le territoire.
A la sortie de Trinidad, nous rencontrons un couple de Cubains qui 'font la
bouteille' (c'est l'expression utilisés pour dire qu'on fait du stop!) pour
rejoindre La Havane, distant de près de 400 kms.
- Nous y serons dans 6 heures, affirme l'homme,sûr de lui.
- Et ça va vous coûter combien? questionne Yannick.
- 20 pesos chacun (8 frs), ça va, répond-il avec le sourire.
Ca va, en effet, c'est à peu près le prix qu'ils paieraient en bus. Un quart
d'heure plus tard, une voiture particulière s'arrête et monte le couple qui
nous salue en s'en allant... Pour nous les données ne sont pas les mêmes...
Rares sont tout d'abord les particuliers qui s'arrêtent pour prendre deux gringos.
En effet, comme il est illégal de faire payer le transport s'ils ne possèdent
pas une licence de taxi, ils ne veulent pas prendre le risque d'être soupçonnés
de transformer leur voiture en 'taxi particular'. En cas de contrôle, comment
pourraient-ils prouver leur bonne foi?? Le système est totalement pervers et
interdit alors (presque!) toute initiative personnelle gratuite... Les seuls
particuliers qui s'arrêtent n'ont qu'une phrase aux lèvres:
- Combien de dollars vous avez?!
Indexant également leurs prix sur ceux des bus (mais au tarif 'touriste', c'est
à dire 20 fois plus cher que le tarif cubain...), ce moyen de transport devient
alors nettement moins intéressant... Toutes les rencontres possibles du stop
deviennent impossibles, à notre grand regret...
Seule possibilité qui nous est offerte
est alors de rejoindre les sorties des agglomérations où un agent de l'état,
'l'amarillo' (littéralement 'le jaune'), dont le nom est directement lié à la
couleur de son costume, règle les prises en stop. Et oui, ici le stop est aussi
une affaire d'état!! Une loi oblige même, sous peine d'amende, tout véhicule
d'état (les véhicules diplomatiques et militaires, mais il y en a beaucoup d'autres
ici!!) à prendre des auto-stoppeurs si la place le leur permet. C'est obligatoire!!
Et le jaune est chargé de faire respecter les lois .
Chaque
véhicule officiel et camion est ainsi arrêté et fait le plein d'auto-stoppeurs
en fonction de leur destination. Au passage, une somme ridicule (1 ou 2 pesos)
est prélevée par le jaune. Les zones où se regroupent les auto-stoppeurs sont
bondées à certaines heures et ressemblent à une véritable station de bus très
bon marché. Bien sûr, pour le prix, il ne faut pas avoir de trop grandes exigences
en ce qui concerne le confort... Très souvent en effet, seule la benne d'un
camion, où vous serez assis ou debout selon le taux de remplissage, fera office
de siège... Vous n'avez plus qu'à prier pour qu'il ne pleuve pas...
C'est le moyen de déplacement que nous choisissons pour quitter Trinidad. Alors
qu'Estrella, une femme rencontrée dans la rue nous conduit jusqu'au 'terminal
de stop', plusieurs dizaines de personnes attendent l'occasion, sous l'œil vigilant
du 'jaune' et d'un policier chargé plus particulièrement de la circulation.
Glissant quelques mots au policier, qui est son ami, Estrella nous
quitte en nous donnant un billet de 10 pesos (4 frs) 'pour le transport'!...
Seuls touristes dans cet attroupement, nous faisons un peu 'taches'! Étonnés
de notre présence, nous nous demandons même si nous sommes les bienvenus...
Un touriste , par définition, possède des dollars et peut donc se payer
le bus ou le train (à 20 fois le prix cubain!), voire même le taxi. Refuserions-nous
les ponctions (considérées comme normales par beaucoup de Cubains) de dollars
dont nous regorgeons?...
Sans l'aide du policier et la présence du jaune, nos chances d'être pris avec
les Cubains seraient quasi-nulles, et nos tentatives futures nous le prouveront.
Après une bonne heure d'attente, le policier nous fait signe. Un camion-benne
se dirige vers Sancti-Spiritus, étape de notre voyage vers Santa Clara, la ville
du Che. Nous faisant même monter les premiers, nous nous installons sous quelques
regards hostiles... Pendant le trajet de 80 kms qui nous amène à Sancti-Spiritus,
nous apprenons que le camion poursuit sa route vers Santa-Clara. Une aubaine
pour nous! Malheureusement, à l'endroit où le chauffeur fait descendre les passagers,
il n'y a pas de 'jaune' pour régler le transport des auto-stoppeurs. Aussi,
lorsque nous posons la question:
- Vous continuez vers Santa Clara?, il nous est
répondu que 'non'!!!
Notre présence n'était, nous semble -t-il, pas la bienvenue. Heureusement, nous
sommes juste à côté d'une station de bus.
Après nous être renseignés
des tarifs de bus Sancti-Spiritu-Santa-Clara, nous décidons de tenter le stop,
malgré le peu de chance que nous avons de trouver un nouveau transport au tarif
cubain.
Une pluie fine continue à tomber: nous avons vraiment toutes les chances de
notre côté! Après une heure d'attente, un camion-benne s'arrête et nous conduit
jusqu'à l'autoroute distante d'une vingtaine de kms.
- Vous êtes Français? S'exclame en Espagnol notre chauffeur. Je vous emmène
à la maison! Ma fille est mariée à un Français, de Narbonne. Elle vit en France
et ils ont un fils? Je vais vous montrer les photos!
Heureux de rendre gratuitement service à des compatriotes de sa fille, nous
faisons donc un saut d'un quart d'heure chez lui, histoire de feuilleter l'album-photo...
Le remerciant chaleureusement, il
nous dépose comme prévu sur l'autoroute.
- Bon voyage!
- Merci!
Alors que la pluie continue à tomber, nous nous réfugions sous un pont et commençons
le stop. Santa Clara n'est qu'à 65 kms...
Après 4 heures de tentative
infructueuse, nous nous résignons à payer un taxi inofficiel qui nous coûte
4 dollars au lieu des 7 dollars du bus...
Nous atteignons finalement Santa Clara vers 17h, où nous trouvons rapidement
une 'casa particular' très spacieuse à 10 dollars la nuit..