Reportage précédentReportage suivantLa libreta

La libretaPour mieux comprendre comment Lili se contente d'un salaire de 225 frs par mois, il faut regarder un peu plus dans le système d'assistance sociale mis en place par Castro. Outre un système d'éducation et de santé totalement gratuits, chaque Cubain est possesseur d'une libreta (littéralement 'petit livre'), l'équivalent d'une carte d'alimentation et de produits de première nécessité.
Cette libreta donne ainsi droit à une certaine quantité de choses disponibles dans les magasins d'état, à des prix ridiculement bas et inchangés depuis des années. Bien que ne suffisant pas à combler tous les besoins des familles, la libreta demeure un complément indispensable à la survie du peuple cubain. Sans elle, le système ne pourrait pas tenir le coup, compte-tenu du niveau des salaires. Sans la décrire de manière exhaustive, la libreta donne droit à l'achat des produits suivant: (1 lbs= 1 livre= 454 grs)

Produit
Quantité
Prix
Riz
5 livres/pers/mois
0,06 frs/livre
Sucre
6 livres/pers/mois
0,031frs/livre
Oeufs
5 /pers/mois
0,06 frs/oeufs
Huile
1/2 litre/pers/mois
Lait
1 litre/enfant de moins de 6 ans/mois
0,10frs/litre
Haricots noirs
3/4 livre/pers/mois
0,072 frs/livre
Café
170 grs/pers/mois
0,052 frs/kg
Pâtes
250 grs/3 pers/mois
Pain
1/2 pain/pers/jour
0,03 frs
Savon (toilette)
1/2 savon/pers/mois
Savon (lessive)
1/2 savon/pers/mois

Malheureusement, ce système est loin de satisfaire tous les besoins vitaux. A cela, vous pouvez ajouter de la viande, quelques fois par an mais absolument aucun légume.
Pour les produits les plus courants, le marché et les vendeurs de rue permettent de compléter ce que n'offre pas -ou pas en quantité suffisante- la libreta. Les prix pratiqués suivent les principes de l'économie de marché (capitaliste!!), basée sur l'offre et le demande... et la tête du client!!! Tout cela pour vous dire qu'un touriste pourra rarement acheter au même prix... Infiniment plus élevés que les prix des magasins d'état (cf le tableau précédent), ces prix restent très raisonnables et permettent aux Cubains les moins riches de compléter leur alimentation issue de la libreta. Magasin d'état réservé pour la libreta
A titre d'exemple, un kilo de riz vaudra 1,50 frs (soit 26 fois plus cher!), un pain 1,50 frs (soit 50 fois plus cher), et un kilo de café 16 frs (soit plus de 300 fois plus cher!!!).
Pour les plus aisés (et les touristes!), il existe un dernier type de commerce où l'on peut trouver à peu près tout ce qu'on veut.... en restant dans les limites cubaines! Dans ces magasins, tout se paye en dollar, le peso est banni: si l'offre est plus grande, les tarifs n'ont alors commune mesure avec les deux systèmes précédents... Ainsi, payerez-vous votre kilo de sucre 1,75 $US (soit plus de 13 frs !...) et votre canette de bière 1 $US, soit 7,50 frs. A titre de comparaison, vous obtiendriez près de 200 kgs de sucre dans un magasin d'état... Autant dire que nous ne jouons plus ici dans la même cour et que ces magasins sont inabordables pour la majorité des Cubains.

Apparition des premiers clochards à la Havane...Tout ceci conduit alors vers un système à 2 (voire 3) vitesses où la quête du billet vert est devenue l'obsession de tous. L'embargo encore en cours limitant les entrées de devises, l'ouverture du pays au tourisme s'est alors révélée être la solution miracle. Si le gouvernement l'a initiée en mettant en place des infrastructures pour accueillir les touristes, les Cubains ont très vite profité de l'aubaine et se sont adaptés à la situation.
Sans formation particulière, ils ont très vite compris les clés du système capitaliste (horreur!!) et développé toute sorte de business et combines plus ou moins légales pour que les dollars des touristes changent de porte-feuille.... Et alors là, la culture socialiste en perd son alphabet cyrillique!!!
En ouvrant le pays à l'entreprise individuelle, Castro a certainement permis d'éviter une faillite inévitable au pays. Même si ce capitalisme à la cubaine ressemble encore de loin à ce que nous connaissons en Occident, il est indéniable que la mentalité et le regard portés à l'argent sont en train de changer.
Le loup capitaliste est entré dans la bergerie socialiste et le commandant en chef de la bergerie aura certainement beaucoup de mal à reconnaître ses brebis dans quelques années... Reportage suivantReportage précédent