Vers 23h ce mercredi 3 janvier 2001,
la sonnette de la villa Maribel (c'est le nom que Maribel et Alberto ont donné
à leur 'casa particular') retentit.
- Ce sont les autres Français! Dit Maribel.
- D'autres Français??? interroge Caroline, surprise.
- Oui, il y a un autre couple qui dort ici ce soir, ajoute-t-elle en ouvrant
la porte.
Catherine et Jacques, un
couple de Besançon -qui n'a pas l'âge d'être nos parents ni celui d'être leurs
enfants...- entre alors et nous salue.
Très rapidement, nous sentons que le courant passe entre nous et, compte-tenu
de l'heure tardive, nous remettons une conversation qui part déjà, au lendemain....
Au petit-déjeuner, nous retrouvons
Catherine et Jacques et nous nous faisons la même réflexion:
- C'est vraiment très rare qu'on 'accroche' avec des Français en vacances, affirme
Jacques.
- Pareil pour nous! S'exclame Yannick. On a même tendance à les fuir!... Peut-être
parce qu'on ne part pas en voyage pour rencontrer les mêmes personnes que nous...
Très sympa, Catherine et Jacques sont à Cuba pour une semaine seulement. Leurs
professions respectives (Jacques est médecin et Catherine restauratrice), ne
leur permettent pas en effet de s'absenter plus longtemps.
- Vous avez quelque chose de prévu aujourd'hui? interroge-t-elle.
- Non... pas exactement... on voulait aller voir la mer...
- Si ça vous intéresse, on peut vous emmener avec nous. Nous avons une voiture
de location, propose Jacques.
- Parfait! On est parti alors! Répond Yannick, enthousiasme.
La première impression est
souvent la bonne et une fois de plus nous ne nous sommes pas trompés. Très amicaux,
nous nous rendons compte que nous partageons en fait pas mal d'idées et de points
de vue. Cette rencontre très sympathique fait très certainement partie de nos
'belles rencontres'. Ils sont en effet assez rares ces moments où, après quelques
minutes, vous vous sentez bien avec quelqu'un sans jamais l'avoir rencontré
auparavant.
Et parfois, ça arrive, puis on se rend compte, après quelques minutes, quelques
heures, quelques jours qu'on se rend compte qu'on n'est finalement pas sur la
même longueur d'ondes... Des 5 jours que nous passerons avec Jacques et Catherine,
nous ne sentirons jamais l'ombre d'un sentiment négatif.
Nous profitons alors de l'occasion qui nous est offerte pour rentrer sur La Havane après une journée passée sur la plage de la côte nord, qui n'offre en réalité aucun intérêt, sinon celui de traverser des paysages pittoresques à vitesse réduite vu l'état catastrophique des routes...
De retour à La Havane, sur les conseils de Lili, une amie
rencontrée lors de notre premier séjour à la capitale, nous prenons nos quartiers
dans une 'casa particular' (non officielle!) à 10 $US (75 frs) la nuit. Jacques
et Catherine s'installent, eux, au National, un des plus beaux hôtels de la
ville.
Comme nous connaissons un peu mieux La Havane pour y avoir déjà séjourné, nous
leur faisons découvrir des quartiers un peu à l'écart des circuits traditionnels.
En point d'orgue, nous les invitons dans notre restaurant quotidien - un snack-bar
pour Cubains- bifteck, riz, haricots rouges, c'est à dire le plat cubain populaire
(sans la viande, peut-être), pour 15 pesos, soit 6 frs par personne!
- C'est nous qui invitons! Insiste Yannick en réglant l'addition que Jacques
s'apprêtait à payer. Pour une fois qu'on a les moyens!
Le lendemain, veille de leur
départ, ils nous rendront notre invitation en nous offrant un somptueux repas
au National, un palace de la ville où toutes les célébrités, de passage au Cuba,
s'arrêtent... Seuls routards présents, nos pantalons-shorts faits maison et
nos chaussures de rando font un peu 'tache' dans ce décor pour personnes plus
friquées... Nullement mal à l'aise, nous faisons comme si de rien n'était...
L'endroit est magnifique et le dîner qui suit, accompagné discrètement par un
pianiste, non moins remarquable. Nous passons une soirée formidable en compagnie
de Catherine et Jacques à des années-lumière de nos repas habituels...
- C'est la première fois de ma vie dans un tel restaurant! Avoue Yannick en
rigolant.
Vers minuit, tandis que le restaurant ferme ses portes, nous rejoignons le jardin
de l'hôtel où nous prenons encore quelques verres, accompagnés par une formation
musicale cubaine. Vers 1h30 du matin, à quelques tables de nous, nous assistons
à un délire d'un richissime homme d'affaire arabe vivant à Londres. Commandant
une première bouteille de champagne à près de 1000 frs l'unité, il se lève,
la secoue et ... en asperge la terrasse comme à l'arrivée d'un grand prix de
Formule 1 avant de lancer la bouteille dans le jardin... Et comme si cela ne
suffisait pas pour afficher sa bêtise, il recommence avec une 2 ème bouteille!
Nous sommes écœurés!
Il vient, en quelques secondes, de jeter pour près de 2000 frs , soit l'équivalent
d'un an de salaire pour certains Cubains, pour impressionner la jeune femme
qui l'accompagne!!
- Le connard!!! s'exclame Catherine qui, se levant de son fauteuil, franchit
les quelques mètres qui nous séparent de la pelouse où dégueulent encore les
deux bouteilles...
Les ramenant à notre table, elle ajoute:
- On va boire les restes de ce connard!
Approuvant totalement son geste, nous finissons alors la soirée au champagne,
payé et gaspillé par le roi des blaireaux de la soirée!
Tandis que le serveur impuissant tente de retrouver les bouteilles sur la pelouse,
nous lui faisons signe.
- Vous avez bien fait! Affirme-t-il.
Se confiant alors rapidement, il nous dit que cet homme fortuné est un client
habituel, coutumier du fait.
- Je me sens humilié par un tel geste, avoue-t-il en s'éloignant discrètement.
Seul point dissonant de cette soirée
extra-ordinaire, nous quittons nos hôtes qui s'envolent le lendemain en les
remerciant chaleureusement pour cette belle rencontre. Il est 3h du matin et
nous n'avons pas vu la soirée passer...
Le lendemain, nous ferons
la surprise à Catherine et Jacques en venant leur dire au-revoir à l'aéroport.
Visiblement touchés par notre geste, ils nous quittent pour de bon vers 17h30.
- On vous rejoindra peut-être sur votre tour du monde. L'année prochaine, en
Asie?...
- Ce serait génial! - De toute façon, on s'e-mail! Finit Jacques.
- Bon voyage!...
Un peu émus et heureux d'avoir
fait cette belle rencontre, nous regagnons La Havane en 'camelo' (une 'espèce'
de bus, en fait une remorque en forme de chameau et tracté par un camion) à
7 centimes la place... Notre voyage continue...