Le 5 Avril 1722, un évèment
extraordinaire va bouleverser à tout jamais la vie de cette île.
Alors qu'il naviguait sur le Pacifique à la recherche du 5ème
continent, - la Terra Australis Incognita, cette fameuse terre inconnue,
qui était sensée assurer l'équilibre du monde en contre-balançant
le poids des terres de l'hémisphère nord !... - Jacob ROGGEVEEN,
un Néerlandais, aperçoit une terre qui ne figure sur aucune carte.
Sans plus d'imagination, il la baptisera aussitôt 'Paasch Eyland', l'Île
de Pâques : nous sommes en effet le jour de Pâques 1722...
A terre, l'excitation est à son comble! Alors que les pascuans se croient
seuls au monde, l'arrivée et l'existence-même d'autres humains
doit ressembler un peu à ce que serait l'arrivée d'une soucoupe
de martiens sur terre!... Imaginez un peu le choc!!!
Dès le lendemain, curieux, des pascuans vont débarquer en pirogue
et monter à bord du navire. Enjoués, dansant au son de la musique
sous les yeux amusés de l'équipage, ces bons sauvages vont 'visiter'
le bateau et emmener avec eux tous les objets qui leur paraissent intéressants...
Quand les premiers marins armés descendront à terre dans l'après
midi avec des "intentions pacifistes", l'accueil des locaux sera mitigé.
Les uns les recevant amicalement, d'autres leur lançant des pierres...
Des coups de feu vont alors éclater, tuant une dizaine de locaux dans
une confusion générale... Regagnant leurs vaisseaux, les hollandais
ne vont désormais plus retourner à terre, malgré la pacifique
demande des Pascuans depuis le rivage. Cinq petits jours plus tard, réalisant
que cette île n'est pas cette fameuse terre à la recherche de laquelle
ils courrent, ils reprendront la mer en ayant tout de même aperçu
des " statues géantes faites en argiles" rapporte le livre
de bord...
Mise à la connaissance
du monde, l'île n'attirera pas plus de convoitise et attendra presqu'un
demi siècle pour voir débarquer une seconde visite le 15 décembre
1770. Pendant les six jours que durera sa cordiale visite, Felipe Gonzàlez
y Haedo, un espagnol à la tête de deux navires, aura le temps de
prendre officiellement possession de l'île au nom du roi d'Espagne, et
d'établir la première carte de l'île, rebaptisée
pour la cause :Isla de San Carlos.
Quatre ans plus tard, le célèbricime
Capitaine Cook, lui aussi à la recherche du continent austral,fait une
escale de trois petit jours à Rapa Nui. Ses commentaires dévastateurs
que l'on retrouve sur son livre de bord sont sans appel. Ils contribueront notamment
à donner une réputation catastrophique de cette île, pourtant
magique. "Aucune nation ne doit prétendre àl'honneur de la découverte de cette
isle", entame-t-il, " car il n'y a pas de contrée qui soit d'une moindre
ressource aux marins. Il n'y a point de mouillage sûr : point de bois à brûler
et point d'eau douce dont on puisse remplir les futailles. La nature a répandu
ses faveurs avec bien de la réserve sur ce coin de terre. [...j D'après ces
inconvénients, ainsi que beaucoup d'autres, un navigateur ne touchera jamais
sur cette isle, à moins qu'il n'y soit contraint, ou qu'il ne se détourne de
sa route."
Sur ces recommandations, on comprend aisément le peu d'enthousiasme des marins et des cours européennes a financer des expéditions dans le secteur... Pourtant, sur les ordres de Louis XV qui lui demande de sillonner les mers du Sud pour "découvrir les terres ayant échappé à l'oeil de Cook", La Pérouze jette l'ancre dans la baie de Hanga Roa le 9 avril 1786. Cette première expédition française demeurera sur l'île plusieurs mois afin de "semer des graines [...], examiner le sol, les plantes, la culture, la population, les monuments et généralement tout ce qui peut intéresser chez ce peuple extraordinaire". Malheureusement, cette dernière expédition ne pourra porter tous ces fruits : La Perouze ne rejoindra en effet jamais sa terre natale, disparaissant mystérieusement en 1788 au large des îles Santa Cruz dans le Pacifique.
Dès lors, le regard
humaniste porté sur l'île ne sera qu'un lointain souvenir. Commence
alors ce que les auteurs de ''Les dieux regardent les étoiles'
appellent l"ère de ténèbres et de mort".
La première étape est l'arrivée du 'Nancy', un schooner
américain en 1805. Venus sur l'île pour capturer des "sauvages"
qu'ils veulent réduire en esclavage pour chasser le phoque sur les îles
Juan Fernandez au large du Chili ( pour la petite histoire, cette île
est celle où vécut naufragé Alexandre Selkirk, plus connut
par le roman de Defoe qui le rendit célèbre, Robinson Crusoë...).
Après des combats sanglants, seuls 22 hommes et femmes seront capturés.
Mis au fers dans la calle, ils ne seront autorisés à rejoindre
le pont qu'après trois jours de mer. Dans les instants qui suivent leur
retour à l'air libre, ils sauteront tous à la mer pour tenter
de rejoindre à la nage leur mère patrie. Ils périront tous
noyés...
Ce terrible épisode n'arrètera pas la folie sanguinaire du capitaine
américain, qui retournera sur l'île dans le même dessein.
Dès lors, l'attitude des Pascuans à l'égard des étrangers
sera franchement hostile. Contre les pierres pascuanes, les tirs nourris des
mousquetons sauront faire entendre la raison du plus fort...
Le plus triste épisode
de l'histoire pascuane se situe à la fin du XIX ème siècle,
en 1862 plus exactement. Partis à la quète d'esclaves pour exploiter
les mines de guano au Pérou, ceux-là même qui exterminèrent
quelques années plus tôt les civilisations astèque, maya
et inca, vinrent ruiner la civilisation pascuane. Bilan : la moitié de
la population de l'île - soit un millier de personnes - sera capturée
et envoyée aux travaux forcés dans des conditions intenables.
Parmi eux, les prêtres et savants, en un mot, les détenteurs de
la culture pascuane sont déportés, à moins qu'ils n'aient
préféré la mort et se jettant des falaises...
Quelques mois plus tard, 900 d'entre eux ont succombé au traitement inhumain
qui leur est imposé.
Un homme pourtant, Mgr Tepano Jaussen, évèque de Tahiti, va prendre
fait et cause pour ces hommes et obtenir la libération et le rappatriement
de la centaine de survivants. Quinze d'entre eux seulement reverront leur terre.
Tuberculeux et atteints par la petite vérole, ils contamineront rapidement
la population avant de mourir après avoir vécu l'enfer.
Quand les premiers missionnaires
débarquent sur l'île en 1864, les épidémies et les
guerres claniques d'une population totalement à la dérive se poursuivant,
l'île ne compte désormais plus 600 habitants.
Un missionnaire, Eugène Eyraud, est le premier européen à
s'installer sur l'île. Après des débuts difficiles, il gagne
bientôt la confiance de la population et réorganise la société.
En 1866, il assiste à ce qui sera la dernière cérémonie
du culte de l'Homme-Oiseau... A sa mort en 1868, tous les pascuans sont convertis
au catholicisme.
Un autre français marquera de son empreinte l'histoire de l'île dans des termes moins glorieux... Ainsi, en 1868, Jean-Baptiste Dutrou-Bornier, un aventurier violent et peu recommandable s'installe sur l'île pour y pratiquer l'élevage des moutons. En quelques mois, réussissant à mettre sous son joug une poignée d'autochtones, il met l'île à feu et à sang en armant ses hommes contre la population proche des missionnaires. Très rapidement, la vie devient impossible. Rappelés par leur évèque, les missionnaires désertent l'île, la laissant aux mains de ce tyran sans foi ni loi. Quand un nouveau navire à la recherche de main d'oeuvre pour les plantations de Tahiti vient recruter sur les côtes de l'île vers 1870, les 400 pascuans que compte désormais l'île sont tous volontaires!... Mais Dutrou-Bornier voit les choses autrement : de force, il en débarquera une centaine pour demeurer à ses côtés. Pour assoir son pouvoir, il se mariera avec la reine de Rapa Nui. Pour la petite histoire, c''est à cette époque que cet ancien capitaine de marine marchande fera à plusieurs reprises des demandes d'annexion auprès de la France. Basant leur rapports sur les carnets de Cook (!), ces demandes resteront lettres mortes... En 1877, cet odieux personnage sera assassiné.
Après sa mort, le fils
d'un important négociant de Tahiti prendra en main les destinées
de l'île, améliorant notamment très largement les conditions
de vie des autochtones avec qui il vit en bonne entente. Le mouton devient la
première population de l'île et compte en 1886 dix-huit mille têtes!
Désormais, et ce jusqu'au milieu des années 60, l'économie
de l'île sera entièrement basée sur la production ovine.
De nos jours, malgré la disparition des moutons, l'île garde d'innombrables
traces de ce passé, à travers notamment les immenses enclos bordés
de murets de pierres qui donnent à l'île un air d'Irlande...
En 1888, le gouvernement chilien rachète la totalité des terres,
à l'exception du village de Hanga Roa ... où il parquera les pascuans
à qui un laisser-passer est exigé pour jouir de leur terre, comme
le font les moutons... Le 9 septembre 1888, la Isla de Pascua est annexée
par le Chili qui n'en fera un nouveau département qu'en 1966.