L'Homme-Oiseau

Pétroglyphes sur la falaise d'OrongoDans ce contexte de barbarie, l'île de Pâques court à sa perte. Ainsi, Rapa Nui n'est plus un champ de ruine quand, comme illuminés par un éclair de génie, les grands prêtres vont parvenir à mettre un terme à la disparition de cette civilisation en inventant le culte de l'Homme-Oiseau.
Créée de toute pièce, cette cérémonie religieuse qui ne connaît d'équivalence dans aucune autre civilisation a perduré un peu plus d'un siècle, jusqu'à l'arrivée des missionnaires en 1864. Fondées sur des principes chevaleresques, les règles du culte du Tangata Manu (l'Homme Oiseau) étaient claires et furent acceptées par tous les chefs de clan qui ne connaissaient que massacres et tueries pour imposer un pouvoir (déjà !) tant convoité. Bien avant Coubertin, l'esprit sportif de la compétition redonnait une grandeur à cette société devenue décadente et posait les priPétroglyphe de Tangata Manuncipes de la première et unique 'ornithocratie' qu'ait connu la planète...
- Si je plaisante quelque peu en inventant ce mot d'"ornithocratie", il faut souligner que l'oiseau et l'oeuf possèdent une symbolique très particulière dans la culture pascuane. Mieux, ils sont au centre-même de cette civilisation puisque, selon les croyances pascuanes, Maké Maké, le dieu créateur, est lui-même né d'un oeuf (voir la Légende de l'île de Pâques).-

Chaque année, le pouvoir de l'île était remis aux mains de celui dont nous parlons maintenant depuis quelques lignes sans avoir jamais expliqué de quel était son véritable rôle ( !) -j'ai nommé : Tangata Manu ou l'Homme Oiseau.
Humain presque déifié qui gardera un rôle particulier au sein de la société et ce même après son année de pouvoir, l'homme-oiseau était un mata toa (chef de guerre), -où plus souvent un de ses serviteurs , le 'hopu'-, lauréat d'une épreuve sportive extraordinaire qui se déroulait vers le début du mois de septembre. A cette époque de l'année, en effet, la frégate (sterne) vient, après un vol de plusieurs milliers de kms, nidifier en terre pascuane, sur cet îlot désert d'à peine quelques centaines de mètres, nommé Motu Nui. Bravant courants et requins, après avoir 'désescaladé' l'impressionnant à-pic de basalte faisant barrière à l'océan, les candidats devaient franchir les 1,8 kms les séparant de l'îlot mythique. Là, cachés dans des grottes où ils amenaient de la nourriture pour quelques jours, ils attendaient l'arrivée puis la ponte du La femme et l'Homme-oiseau...volatile. Le premier d'entre eux qui découvrait le premier œuf était déclaré vainqueur. Brandissant le trophée au-dessus de sa tête sur un rocher nommé 'Le cri de l'oiseau', il hurlait alors le nom de celui qui serait pour une année le nouvel Tangata Manu.
'Rase-toi la tête !' ajoutait-t-il à son attention, bravant à la nage une seconde fois les flots infestés de requins, l'œuf soigneusement protégé dans un dispositif attaché sur le front.
Au village d'Orongo, le crâne, les cils et sourcils rasés, le visage peint, le nouvel Tangata Manu se paraît déjà d'un étrange costume de plumes qui l'élevait au statut de demi-dieu. Après les rituels clôturant la cérémonie - pendant lesquels des sacrifices humains étaient offerts au dieu Maké Maké -, l'homme-oiseau se retirait alors du monde du monde pour vivre reclus, dans une maison au pied de la carrière de Rano Raraku où il suspendait l'oeuf doté de pouvoirs magiques.
Le nouvel Homme- oiseau changeait alors de nom et donnait à la nouvelle année un nom que les dieux lui avaient communiqué en songe... Soumi à des tabous très stricts, vivant d'offrandes, il se consacrait ainsi entièrement au service de son peuple pendant la durée de son court mandat.
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