Une
carte-guide en main, traversant un joli bois d'eucalyptus, le sol aride où les
pierres de lave et obsidiennes -lave vitrifiée- sont à peine cachées
par une couverture végétale, devient de plus en plus accidenté comme nous approchons
du cratère de ce vieillard d'un millions et demi d'années. Après quelques
minutes d'efforts, jouxtant le site d'Orongo, le magnifique cratère du volcan
Rano Kao nous coupe le souffle. Malgré une lumière moyennement photogénique,
je 'mitraille' dans tous les sens, comme un Japonais ! Impressionnant cercle
parfait de 1600m de diamètre culminant à 316 mètres, le centre
du volcan éteint depuis longtemps est maintenant un immense réservoir d'eau
douce. Seuls les tortoras -ces roseaux qui sont pour nous synonymes du lac Titicaca-
viennent dessiner à sa surface des formes que nos yeux de voyageurs comparent
à des cartes géographiques…
Sur les flancs du cratère qui descend plusieurs centaines de mètres en contrebas,
une abondante et luxuriante végétation allant de la forêt de feuillus à la vigne
en passant par la papaye et la goyave, fait encore de nos jours le bonheur de
ceux qui se donnent la peine de venir les chercher… 'Scotchés' devant ce spectacle,
nous
poursuivons la balade jusqu'au site sacré
d'Orongo.
Vestige de la dernière époque de la civilisation pascuane avant l'arrivée des
Européens, ce village nous fascine tout d'abord par l'histoire qui l'entoure.
Surplombant une impressionnante falaise de 300m, Orongo était le lieu sacré
à partir duquel se déroulaient les cérémonies préparatoires au culte de l'Homme-Oiseau.
C'est dans le village sacré d'Orongo que, chaque année pendant trois
mois durant, les familles des prétendants au titre d'homme-oiseau venaient vivre
avec leur 'champion'. Presque enterrées, les maisons de pierre n'offrant qu'une
seule pièce d'à peine 10m² sur un petit mètre de hauteur présentent en fait
plus les caractéristiques d'un blockhaus que d'une charmante villa. Intérieurement
décorées de peintures encore visibles de nos jours, on y accédait en rampant
par l'unique ouverture d'environ 80 cm par 80. aidés d'une lampe torche, nous
visitons rapidement du faisceau l'intérieur d'une d'entre elle, sans nous y
attarder. Depuis l'ouverture, nous sentons l'humidité et la fraîcheur qui se
dégage. Pendant quelques minutes, nous essayons d'imaginer comment une famille
pouvait dormir dans ce trou qui présente toutes les caractéristiques d'une tombe
!
-
C'est fou ! Tu t'imagines dormir là-dedans toi ? interrogeai-je Caroline avec
une sensation naissante de claustrophobie.
- Pas vraiment, tout compte fait, je préfère dormir à la belle étoile.
Plantées face à l'océan qu'elles dominent, la vue est superbe. Seuls sur ce
site exceptionnel, nous savourons ces premiers moments magiques. Face à nous,
à quelques centaines de mètres de la côte, se dressent fièrement trois
minuscules îlots : Motu
Kao Kao, Motu Iti
(le petit îlot) et Motu Nui (le grand îlot).Au sol, gravés dans
la roche, des dizaines et des dizaines de dessins, les pétroglyphes, représentent
l'Homme-oiseau et Make-Make et nombres d'autres motifs rituels. Assis, silencieux,
seul le vent et le bruit des vagues nous ramènent à la réalité. Dans nos têtes,
nous sommes déjà ailleurs, un siècle en arrière, au temps où le culte de l'homme-oiseau
était une réalité. Et là, juste pour
rire, nous commençons à projeter cette cérémonie chez nous en Bretagne, quelque
part entre Vannes et l'île aux Moines ou Dinard et Cézembre…
- T'imagines un peu nos politiques en maillot de bain, musette au dos, en quête
d'un premier œuf de fou de bassan ? …
- Les gens verraient peut-être les politiciens d'un autre œil !
- Surtout avec les plumes!...