Maripasoula,
bout du monde, bled paumé de 5000 habitants en pleine Amazonie. Dernière de
ville de l'ouest guyanais, perdue à 2 jours de pirogue de Saint Laurent du
Maroni, la dernière ville joignable par la route, Maripasoula était pour nous
un de ces noms fétiches synonymes d'aventure inaccessible.
Entachée d'une réputation un peu sulfureuse, elle possède la double particularité
d'être une ville frontière et une des portes de la ruée vers l'or sur le Maroni
et ses affluents. En un mot, elle symbolise la ville de tous les trafics,
le far-ouest de la Guyane.
Ici, trafiquants et chercheurs d'or, prostituées et illégaux rêvant d'un nouvel
Eldorado se côtoient. C'est aussi le début du pays des Amérindiens, villages
perdus des premiers occupants des lieux auxquels on n'accède pas sans autorisation
préfectorale.
En arrivant ici, nous avions bien des images en tête et pourtant nous sommes
surpris. Sale, faite de bric et de broc, la ville s'étale le long d'artères
défoncées de terre que seuls quelques rares 4X4 peuvent parcourir. Essentiellement
peuplée de Boni -français et Surinamais- et d'une quantité appréciable
de métros en mission -instituteurs, professeurs, gendarmes et militaires,
médecins et personnel hospitalier-, Maripasoula est loin de coller aux images
idylliques d'une carte postale. On dirait même que c'est un peu glauque et
peu engageant... mais quoiqu'il arrive, nous sommes bloqués ici pour ce soir!
Sordide à souhait, le seul hôtel, 'Chez Dédée', fait également maison de passe.
A 150 frs la nuit (avec 'l'hôtesse', c'est plus cher!) dans une chambre placard
où la douche se prend dans une poubelle plastique (faut le voir pour le croire!!),
nous remercions Dédée et atterrissons finalement sous le carbet de passage,
mis gratuitement à disposition par la municipalité. Entièrement réalisé en
bois, cette construction aurait bien de l'allure si un minimum d'entretien
et de nettoyage était pratiqué...
Des détritus, des vieux vêtements, bouteilles, crottes
de souris et même un fusil traînent par terre... dans un coin, un homme, qui
se dit piroguier, prépare sa tambouille sur un vieux réchaud... Chez nous,
ça s'appellerait un squat! ...
- Bonjour, c'est bien ici le carbet de passage? osons-nous demander.
- Bonjour, oui oui, c'est ici, répond l'homme dans un français bien approximatif.
Ce sont les seules paroles que nous échangerons...
Il est 18h ce
lundi 26 mars, et nous tendons nos hamacs, collés l'un à l'autre dans un coin.
Sans manger ni même se laver, nous nous écroulons vers des rêves de plages
aux accents polynésiens...