Connue pour son passé historique,
San Cristobal l'est également pour être le point névralgique
de l'actuel problème qui secoue les Chiapas depuis des années.
Si cette région s'est faite connaître aux yeux du monde le 1er
janvier 1994, le problème des Chiapas possède des racines beaucoup
plus anciennes.
Culturellement tout d'abord, l'identité des Chiapas est Maya et non Aztèque.
Avant l'arrivée des Espagnols, les Chiapas et le Guatemala formaient
une communauté très homogène. Après la chute de
l'empire Maya, ils furent divisés en royaumes très instables,
compte-tenu de la nature très belliqueuse de ces peuples. Sans contrôle
des Espagnols depuis 1528, les Chiapas étaient administrés depuis
le Guatemala et livrés aux nombreux excès des colonisateurs présents
sur le terrain.
Seul défenseur des indigènes, Bartolomé de las Casas, -un
Espagnol arrivé en tant que colonisateur et qui deviendra prêtre
puis évêque-, écoeuré par le sort qui leur est réservé,
se battra toute sa vie pour leur obtenir des droits. Après la fameuse
Controverse de Valladolid, -où la question était: les indigènes
ont-ils une âme?-, il parvient à infléchir la position des
colonisateurs espagnols. Figure emblématique des Chiapas, la ville de
San Cristobal de las Casas lui doit d'ailleurs son nom.
Les Chiapas rejoignent l'union des états du Mexique en 1824. Depuis cette
époque, les Chiapas n'ont cessé d'être gérés
d'une manière quasi féodale par les gouverneurs successifs. Traités
en citoyens de 2nde classe, le ressentiment des autochtones vis à vis
de l'administration n'a fait que grandir aux cours des années.
Opprimés de manière similaire
dans tout le pays, le peuple va se soulever violemment et donner naissance à
la révolution mexicaine entre 1910 et 1920. A sa tête, plusieurs figures emblématiques
telles que Pancho Villa (1878-1923), un bandit du Nord élargissant sa
cause à celle du peuple mais assassiné en 1923; Emiliano Zapata
(1879-1919), un paysan du centre du pays, radical et luttant pour un retour
de la terre aux paysans, assassiné en 1919; Francisco Madero (1873-1913),
un politicien libéral, leader de l'opposition au Président Diaz
qu'il remplacera avant d'être tué à son tour. Tous ces personnages
vont contribuer à donner au pays une nouvelle constitution, en 1924.
Dans les Chiapas, la révolution n'aura pratiquement effet et les indigènes
continueront à vivre dans la misère et la soumission. La révolte
explose donc et se fait connaître au monde le 1er janvier 1994, date à
laquelle le Front de Libération National Zapatiste (EZNL) prend possession
par la force de San Cristobal et de plusieurs autres villes environnantes. A
sa tête, un homme au visage masqué dont l'effigie est devenue un
symbole, le Subcommandante Marcos. Les revendications sont celles que Zapata
défendait 80 ans plus tôt, 'Tierra y Libertad' (Terre et Liberté),
pour les indigènes.
Jugulée par l'armée en quelques jours, ce coup de force des insurgés
fit quelques 150 morts parmi les rebelles. Se repliant dans la jungle où
ils ont leur QG, ils continuent cependant leur combat, notamment par Internet
-www.eznl.org-. Encerclés par l'armée qui leur interdit tout mouvement,
ils doivent certainement leur survie à l'opinion internationale.
Compte-tenu du soutien de leur cause auprès
de la population mexicaine, le gouvernement a été contraint de
signer des accords avec les Zapatistes en 1996. Jamais appliqués dans
les faits, la seule véritable réponse du gouvernement fut la force.
En 1999, plus de 60 000 militaires étaient en place pour museler la région.
Les campagnes d'intimidation et de violence ainsi que la détention de
prétendus zapatistes n'ont fait que durcir le climat. Nombre de villages
soupçonnés de sympathie avec le Front Zapatiste, ont été
vidés de leurs habitants. Actuellement, on estime à environ 25
000, le nombre d'indigènes 'déplacés'...
Le 'problème' des Chiapas reste donc entier et menace d'exploser encore
plus violemment.
Aujourd'hui, vendredi 17 Novembre , nous assistons à
une manifestation regroupant près de 200 indigènes, continuant
à revendiquer leurs droits. Sous le contrôle discret (!) de l'armée,
des slogans pro-zapatistes sont repris par les manifestants. 'Si Zapata vivait,
avec nous il serait!'
D'autres slogans, plus ouvertement dirigés contre le gouvernement, sont
même scandés: 'Viva la revolucion!'... auquel la foule ajoute '...
de Mexico!'
Quand on sait l'impact qu'a eu la révolution mexicaine sur les Chiapas,
on comprend combien la crainte de la répression est présente...
Pour notre part, en dehors de cete démonstration,
nous ne pouvons vraiment juger de la gravité de la situation. Certes,
nous sommes témoins de la grande pauvreté des autochtones, mais
la présence de l'armée -quelques soldats en armes, relayés
par des indicateurs munis de talkies-walkies- ne nous apraît être
oppressante pour nous, touristes. D'après les renseignements que nous
avions obtenus, nous sommes presque surpris d'en voir si peu! Il semblerait
également que la tension soit moins vive en ce moment.
Mais jusqu'à quand???...