En
stop toujours, nous relions Koné avant de nous attaquer -en stop encore!-
aux 233 kms qui séparent Koné de Hienghene, le coeur de la culture
kanak.
En empruntant la 'route transversale', nous allons traverser la 'Chaîne',
massif montagneux qui sépare le territoire en deux dans le sens Nord-Sud.
En trois équipes et sous un soleil radieux, nous quittons donc Koné
vers 10h00 le matin.
- Rendez-vous ce soir à Hienghène! se promet-on, sans aucune véritable
certitude de nous retrouver. Mais une foi inébranlable nous anime : on
ne peut que réussir!
Très rapidement, les deux équipes formées d'une part de
Patrice et Antoine et d'autre part de Caroline, Claudine et Jeanne n'en forment
plus qu'une! A quelques centaines de mètres devant nous, nous assisterons,
un peu envieux, à leur départ groupé à l'arrière
d'un pick-up...
Simon se demande s'il est avec le bon partenaire... et tente de s'auto-rassurer
en disant que "nous, onva être pris par un pick-up (ça, c'est
le rêve!) plus rapide, qui nous amènera jusqu'au bout, etc ...
Cinq minutes plus tard en effet, une voiture 'normale' nous permet de décoller...
et de bientôt dépasser nos partenaires devenus adversaires!!
- T'as vu, on les laisse sur place, jubile Simon, qui ajoute la mort dans l'âme
:" Ils sont peut être dans un pick-up, mais ils n'avancent pas!!!"
Ils nous redoublerons 10 kms plus loin, alors que nous faisons du stop, perdus
au milieu de nulle part...
Mais
la chance va bientôt nous sourire d'une manière inattendue. Didier,
un kanak de la tribu de Bopope arrête son pick-up.
- Montez à l'arrière nous invite-t-il en nous tendant une bouteille
de jus de fruits et un paquet de gâteaux...
Simon est aux anges, et moi aussi! Le paysage montagneux, couvert d'une végétation
très dense est magnifique. A l'arrière du pick-up, nous n'avons
qu'un regret : celui de ne pas avoir l'appareil photo numérique, gardé
par Caroline...
Quand Didier nous arrête au lieu dit de 'Tchemou', il ne nous laisse pas
le choix : "Il est midi et demi, vous allez manger avec nous à la
tribu, vous repartirez après!..."
Nous n'en revenons pas et, acceptons avec entrain cette gentille invitation.
Simon est intimidé et regarde avec des grands yeux le confort rudimentaire
dans lequel ils vivent. La cuisine au feu de bois est installée sous
un faré ouvert aux quatre vents. Reçus en invités, nous
nous régalerons de plats de cochon sauvage et de cerf accompagnés
d'ignames, de riz et de carottes.
- C'est comme ça chez nous! affirme Jean qui nous a rejoint avec Michel.
Avec ses yeux d'enfants, Simon se demande pourquoi on nous offre tout ça,
"alors qu'on ne les cannait même pas"!
Il vient d'entrer de plein pied dans une vraie aventure, se faisant sans doute
mille idées sur le tour du monde que nous réalisons...
En leur compagnie, j'essaye d'en connaître un peu plus sur leur vie et
la culture kanak en général. Très ouverts et visiblement
heureux que le blanc que je suis essaye de les comprendre, ils sont loin du
cliché que certains caldoches bien attentionnés (!) nous ont brossé
de ces , je cite, 'sauvages'.
Si ce que nous venons de vivre est de la sauvagerie, puissions-nous ne jamais
devenir civilisés!...
En repartant, après les avoir remercier comme de droit, Didier me dit
solennellement que je serai toujours le bienvenu dans la tribu de Bopope.
-Ton visage, je l'ai enregistré ici!, déclare-t-il en pointant
sa tête de l'index.
Je ne sais comment répondre... et le remercie encore une fois pour son
hospitalité.
- On va raconter aux autres qu'on a été manger en tribu! déclare
Simon encore sous le choc de cette expérience, alors que nous reprenons
la route en tendant le pouce aux rares voitures de passage...
Une heure de route plus tard, après
des kilomètres en lacets dans des paysages splendides, nous doublons
les filles sur le bord de la route... De notre côté, on croyait
que tout notre petit monde avait rejoint Hienghène depuis longtemps :
il n'en est rien. Malgré notre attente de près d'une heure en
pleine brousse et notre pause déjeuner, nous sommes encore dans la course!
Quelques centaines de mètres plus loin, nous
retrouvons Patrice et Antoine, eux aussi en rade! En insistant à peine,
notre chauffeur acceptera finalement de les monter...
C'est là que nous apprenons que la femme kanak qui conduisait le pick-up
où ils ont été pris à cinq, leur a permis de parcourir
les 170 kms de la route traversière, "comme ça, parce qu'elle
avait le temps"!! Nous n'en revenons pas : Trois cent quarante kilomètres
comme ça, pour le seul plaisir de rendre service, c'est du jamais vu!
Jouant au chat et à la souris une nouvelle fois, ce sont finalement Caroline
et Claudine qui gagneront l'étape à Hienghène, devançant
d'une petite demie heure les 'hommes' et Jeanne récupérée
au détour d'une route. Il est 17h00.
Tout le monde est enthousiasmé
par cette journée peu ordinaire. Le paris que nous nous étions
fixé est gagné : nous sommes tous les sept à Hienghène!
A quelques mètres de nous, une biche peu farouche broute de l'herbe...