Reportage précédentReportage suivantViendra, viendra pas?

Bébé et sa mèreUne seule semaine nous sépare désormais du départ en camion avec Frédéric et Abdel. Si notre chauffeur n'est pas très productif côté mail, nous avons confiance. Il doit prendre tellement de bon temps sur les plages de Goa que les cafés internet sont loin de ses préoccupations...
Pour notre part, nous avons décidé de rester à Delhi. Nous n'avons plus le cœur à courir pour saisir à-la-va-vite quelques images supplémentaire de ce pays attachant. La traversée prochaine du Moyen-Orient s'annonce déjà être une belle épreuve, nous voulons reprendre quelques forces avant cette aventure. Adieu donc le sud du pays et les plages de la côte ouest. Dommage, mais il est difficile d'avoir le beurre et l'argent du beurre. La découverte du sud de l'Inde sera donc pour un prochain voyage.

Pour quelques roupies supplémentaires, nous changeons d'hôtel et prenons pension au 'Yes Please Guest House', petite auberge flambante neuve offrant des chambres double exceptionnelles pour 180 Rps (moins de 2,5€). La chambre est certes minuscule mais nous disposons de notre propre salle de bain avec eau chaude 24h/24 s'il vous plaît -ce qui est rarissime à ce tarif-, et, si besoin était, de la télévision satellite au pied du lit! Bref, nous baignons dans le luxe. Tout est propre, nickel, calme. Nous logeons dans un paradis que nous avons du mal à imaginer depuis la rue.

Toilette à même la voie ferréeDans ce cocon, nous en profitons pour mettre le site à jour, séances de travail ponctuées de sorties dans cette jungle urbaine de la capitale indienne. Seule contrariété: nous ne sommes pas maîtres de notre emploi du temps. En effet, depuis notre chambre princière, nous avions presque oublié que nous étions en Inde et qu'ici, l'électricité est pour le moins... alternative! De coupures en retours de courant totalement imprévisibles, nous passons finalement le plus clair de notre temps à nous perdre dans les rues. Et nous retrouvons ces vendeurs-harceleurs qui, pour vous vendre de l'encens ou des cacahouètes peuvent vous suivre pendant un bon moment. Il y a aussi ceux pour qui tout est possible avant que vous rentriez dans leur boutique... où là, ils n'ont plus grand-chose à proposer!
- Demain, je l'aurai, promis! jurent-ils la main sur le coeur...
Demain est un mot magique!!! Et tous les deux mètres un nouveau vendeur de n'importe quoi vous accueille, répétant à n'en plus finir les trois ou quatre phrases en anglais qu'il connaît. Au début, on sourit. Ensuite, ça devient vite lassant. Tels des mouches sur un morceau de bidoche, ils sont des dizaines à nous interpeller dès que nous nous jetons dans l'arène de la rue.
Yannick, discussion dans la rue- Bonjour mon frère! Ça va? Regarde... Hé mon ami! Tu m'reconnais?...
Agacés parfois, nous avons envie de leur répondre. Surtout quand le même type vous à répété les mêmes conneries trois fois à chacun de vos dix passages dans la journée... Le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils ne sont pas physionomistes! Mais prudence : commencez à discuter... et vous êtes perdus! Ils ne vous lâchent plus.
Plus lourds, il y a encore les vendeurs-dragueurs, imperturbables malgré les vestes qu'ils se prennent en permanence. De l'énervé de base qui vous interpelle en criant : "Enjoy! Beautiful!", ce qui ne veut pas dire grand chose (!), au plus élaboré :" Bonjour mademoiselle, on s'est déjà vu quelque part, j'en suis sûr!" -en anglais-, ils se ramassent à longueur de journée, mais semblent aimer ça! Et ils recommencent le lendemain!! C'est de bonne guerre... "mais lassant quand même" rajoute Caroline!

Le temps des repas que nous prenons invariablement dans une gargote à l'écart de cette agitation touristique, nous avons le sentiment de toucher un peu du doigt la vie locale. Pour moins d'un euro, nous mangeons deux dals accompagnés de quatre thés au lait dont les indiens ont le secret. Certes les conditions d'hygiène dans lesquelles tout cela est préparé pourraient faire peur à plus d'un occidental, mais nous sommes rôdés. Et nos estomacs aussi semble-t-il... si on ne s'arrête pas sur les de plus en plusYannick et le personnel de "notre" resto rares touristas qui ne sont là que pour nous rappeler qu'un vrai jambon-beurre ne nous ferait sûrement pas de mal de temps en temps.
C'est en traînant dans 'notre' quartier que nous faisons la connaissance de Awkwan. , un insolite coréen qui fait ici une escale forcée en attendant ses visas pakistanais et iranien. Habillé en cycliste, les mitaines aux mains, il ne quitte pas ses chaussures de course, peu adaptées à la marche en ville.
- Je n'en ai pas d'autres! sourit-il, les bras croisés, pliant et dépliant inlassablement ses jambes sur lesquelles il est campé.
- Mais pourquoi tu fais toujours çà Awkwan? T'as mal aux genoux?
- Non non, rigole-t-il, je fais de l'exercice. Toujours, il faut toujours faire de l'exercice!...
Âgé de 42 ans -passeport à l'appui tant cela paraît incroyable-, il en fait facilement dix de moins. D'une gentillesse désarmante, nous prolongeons la conversation au cours de laquelle il se dévoile.
Fou de vélo, Awkwan n'a qu'un seul but : être le premier coréen à faire le Tour de France cycliste! Son vélo, c'est toute sa vie, "c'est ma femme" plaisante-t-il. "Je suis parti de Séoul il y a trois mois et je veux rejoindre la France en vélo, affirme-t-il. J'aime la France, Pause thé avec Awkwanet je veux apprendre le français. Ensuite, je veux trouver une équipe professionnelle de cyclisme pour faire le Tour de France. Si je suis le premier coréen, je n'aurai pas de mal à trouver des sponsors, et les Coréens vont s'intéresser au cyclisme."
- Et tu crois que c'est possible à ton âge? modéré-je son enthousiasme somme toute inébranlable.
- Ah oui! affirme-t-il sûr de lui. J'ai la forme, clame-t-il en faisant claquer sa main sur ses cuisses de béton. J'ai la forme, je vais arriver! redit-il comme pour se persuader que son rêve totalement fou est réalisable.
Me conduisant maintenant dans la chambre-placard où il réside, il me présente son vélo. Et, à ma grande surprise, je suis là face à une vraie machine de course. Un vélo de pro quoi!
- Ça m'a coûté près de 6000 euros, confesse-t-il... Mais peut être ai-je fait une erreur.
Montrant du doigt une roue à 600 euros (gloups!) pliée en huit, il ajoute :
- Peut-être mon vélo n'est pas adapté aux routes ici! Et les voitures roulent comme des fous! En Thaïlande, je me suis fait renversé par un camion qui a cassé mon cadre en carbone. Celui-ci est moins performant, regrette-t-il. C'est de l'aluminium.
Et Awkwan de me parler encore des heures de son périple et de 'son' projet. Très attachant, nous l'invitons à partager plusieurs repas dans 'notre' gargote. Englué dans des tracasseries administratives qui l'empêchent d'obtenir ses visas, nous essayons de lui doper le moral en lui redisant que, si nous les avons obtenus, il n'y a aucune raison qu'on lui les refuse.

Avec Abdel qui se repose,
Gare de New DelhiDe notre côté, nous attendons toujours des nouvelles de Frédéric en ce mercredi 22 janvier. Un peu inquiets, nous renouvelons les mails. Sans succès. Aussi, alors que nous devons maintenant être en Égypte dans moins d'un mois, nous décidons de quitter Delhi le jeudi 23. Nous quittons également Awkwan le cycliste coréen, pour qui c'est toujours le status quo. Mais déjà nous nous donnons rendez-vous en France. Qui sait? Peut-être un jour le croiserez-vous également dans les pelotons de la Grande Boucle? On peut toujours rêver avec lui n'est-ce pas?...

Dans la même situation, Abdel a décidé de nous suivre. C'est donc à trois que nous atteignons en train Amristar, ville frontière avec le Pakistan. Avant de prendre la décision de traverser le Pakistan sans notre chauffeur qui ne répond plus à l'appel, nous nous offrons un dernier espoir au café internet du coin. Et là, nous relevons surpris un message de Frédéric: " J'ai eu un accident de moto à Goa. Tout va bien maintenant. J'aurai quelques jours de retard, j'espère que ça ne vous pose pas de problème. A bientôt sur la route."
Si nous sommes soulagés de lire que ce n'est pas trop grave, nous ne pouvons malheureusement nous permettre d'attendre plus longtemps. Pour nous, l'échéance approche et nous comptons bien profiter de notre passage en Iran. Dans une réponse rapide, nous lui expliquons notre position, déplorant de ne pouvoir réaliser ce voyage ensemble. En bonne compagnie (!), Abdel décide également nous accompagner.
Le temps d'une rapide visite au temple le plus important de la religion Sikh, le Temple d'Or, et nous sautons dans un rickshaw à moteur pour atteindre la frontière indo-pakistanaise sous un soleil radieux.
Vers 15h30, heure indienne, nous atteignons le poste de douane où le personnel nous fait déjà signe de nous dépêcher: la frontière ferme dans 30 minutes, il ne s'agit pas de rester bloqués dans le no man's land. Nous savons la zone particulièrement sensible en ce moment, aussi ne s'agit-il pas de froisser les susceptibilités. Mais tout se passe ici sans aucun problème. Courtois, souriants, les douaniers indiens font tout leur possible pour accélérer notre sortie. Pourtant, à notre arrivée devant la fameuse grille, l'officier nous fait signe que c'est fermé et qu'il nous faudra attendre le lendemain... avant de laisser apparaître un sourire large comme ça, nous faisant comprendre que c'est une plaisanterie!! Dernier sourire indien, et nous franchissons la ligne tant disputée.
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