Ça
fait maintenant deux semaines que nous sommes arrivés à Kasghar.
En dehors de notre escapade sur la route du Karakorum, nous n'avons pas quitté
la ville si passionnante. Mais notre âme de voyageur commence à
avoir des fourmis dans les jambes. Aussi, aujourd'hui 23 juin, nous mettons
les voiles, cap sur la voie méridionale de la route de la soie.
Trois heures de bus nous suffisent pour atteindre Yarkant, oasis de l'extrême
ouest du désert du Taklamakan. L'escale sera de courte durée,
en dépit de toute notre bonne volonté. Tous les hôtels bon
marché nous refusent en qualité d'étrangers (ce qui semble
d'ailleurs être un défaut ici bas!), et nous indiquent les adresses
des quelques établissements autorisés à recevoir cette
denrée rare qu'est le touriste dans ce bled paumé où nous
cuisons sous le cagnat. Rentrés à reculons, nous sortirons en
courant!
- Ils sont cinglés ou quoi?? On ne va quand même pas payer 3 fois
le prix qu'on payait à Kasghar quand même!!
- Alors, on fait quoi? C'est partout la même chose...
-... Ben on n'a plus qu'à trouver un bus pour ... plus loin!
Et de nous retrouver à la station de bus où nous sommes arrivés
3 heures plus tôt.
Une demie heure plus tard, nous remontons à bord d'un bus local rustique
en direction de Yecheng. De cette ville, nous ne savons rien, sinon qu'elle
se situe sur notre route. Quoiqu'il en soit, ça ne pourra pas être
pire qu'ici.
Arrivés
dans la soirée, nous prenons pension dans l'hôtel de la gare routière,
où pour quelques yuans, on ne fait ici pas de difficulté pour
nous accueillir. Le pari est donc gagné! Pour le prix, le confort et
le standing sont plus que modestes mais nous n'en demandons pas plus. La douche
attendra ...
Sans attendre, nous quittons bientôt l'hôtel en compagnie de Catherine
et Kamel, histoire de repérer un peu les lieux. Et nous sommes tellement
agréablement surpris que nous décidons presque instantanément
de rester ici la journée de demain.
Dans cette ville très musulmane, ici, bien plus qu'à Kasghar,
nous sommes au bout du monde. Les faciès des gens nous impressionnent
tout autant que les nôtres semblent les surprendre. Telles des bêtes
curieuses, on se détourne sur notre passage, ralentissant la cadence
des charettes attelées qui sont ici le moyen privilégié
de locomotion pour épier ces touristes venus se perdre
ici. Communiquant avec des sourires et l'aide de notre appareil photo numérique,
nous devenons rapidement le centre d'attractions. Pour le bonheur de tous, nous
tirons leurs portraits. Même des femmes qui se masquent le visage sous
un lainage marron qui rappelle la burka afghane se
prêtent
au jeu. Etrange sensation que celle de faire le portrait d'une sorte de fantôme,
portant dans ses bras son enfant...
Les rires et éclats de voix qui accompagnent la visualisation de la photo
sont notre récompense. Un vrai échange en somme, et une vraie
bonne surprise après l'épisode malheureux de la veille.
Un homme et son taxi-cheval viennent de s'arrêter à notre hauteur
pour nous proposer ses services.
- Rarmet'! (merci en langue ouighoure) le saluons-nous d'un sourire, tandis
qu'il s'éloigne en nous faisant un signe de la main.
De retour sur la route, nous
rejoignons Hotan (prononcer 'Rotane') le jour suivant, en une journée
à peine de bus. Balayée par le vent du désert qui recouvre
en permanence la ville d'une pellicule de sable, cette ville imposante à
l'architecture très chinoise, n'a en fait rien d'attirant. Les immenses
boulevards déserts, bordés par quelques immeubles donnent à
la ville une étrange impression. En aucun cas un endroit où on
a envie de séjourner longtemps, encore moins de vivre. Située
aux portes du désert, la chaleur étouffante ne fait qu'accentuer
le sentiment qui nous habite.
-
Mais comment peut-on vivre ici?
- J'sais pas! Les îles du Salut en Guyane ont un air de paradis à
côté d'ici.
- Ouais...
Après (encore!) quelques difficultés
pour trouver ici une place pour dormir (à plusieurs reprises on nous
éconduira en nous disant à demis-mots que "c'est la police
qui [leur] interdit de [nous] héberger"), nous atterrissons à
l'étage d'un tout petit hôtel local où le patron semble
se moquer de la règlementation. A moins de deux euros la chambre, nous
battons presque des records de prix! Nous sommes fatigués (un peu), sales
(beaucoup) et commençons à avoir sérieusement faim (à
la folie!). Aussi, dégringolons-nous les escaliers pour un restaurant
situé à deux pas de l'hôtel avant de traverser le boulevard
(désert!) et rejoindre une petite maison faisant office de douches municipales
qui nous font autant de bien qu'une cure de thalassothérapie! Tombant
de sommeil, nous retournons au point de départ, un paquet de linge qu'on
n'oserait donner à personne à laver sous le bras...
- Ça fait du bien de se sentir propre hein?
- C'est ton linge qui sent comme ça?...
Yaca.net ®Un tour du monde avec nous - Textes et Photos©2000-2010 - Yaca - Tous droits réservés