La
route du Karakorum : une des routes les plus mythiques de la planète.
Pendant des siècles en effet, cette route d'altitude qui traverse le
massif du Karakorum fut empruntée par les caravanes de marchands sillonnant
cette partie orientale de la non moins mythique Route de la Soie. Traversant
des paysages à couper le souffle, cette route qui n'était alors
qu'une piste de haute montagne, fût le théâtre de bien des
récits incroyables qu'on ose à peine imaginer. Bravant les conditions
de route épouvantables, la météorologie, et les brigandages
de toute sorte, les caravaniers étaient au moins autant aventuriers que
marchands. De nos jours, l'empreinte de ce passé fantastique plane encore
sur cet endroit du monde. Témoin le nom du col le plus élevé
qu'elle franchit à 4800 m d'altitude, le Khunjerab, qui signifie la 'vallée
du sang' en langue locale... Mais tout ceci appartient à l'histoire,
du moins osons-nous l'espérer!...
Appelée l''Autoroute du Karakorum' par les anglophones (Karakorum Highway),
cette route asphaltée de plus d'un millier de kilomètres depuis
Kasghar en Chine à Islamabad au Pakistan demeure un axe de commerce important
entre les deux pays qui entretiennent d'excellentes relations. Mais il ne faut
pas se fier à la poésie des mots de la langue de Shakespeare.
Ici, vous ne battrez guère de records
de vitesse, et l'utilisation d'un 4x4 est fortement conseillée tant les
nids de poule et obstacles divers sont fréquents. Mais c'est cela qui
fait également le charme du voyage. A 25 ou 30 km/h de moyenne, la vitesse
est encore trop grande pour prendre toute la mesure de la beauté du paysage
environnant. Une fois de plus, nous
rêvons de vélos, le seul moyen de locomotion adapté en pareil
lieu. Un jour peut-être...
Il
est midi ce 12 Juin 2002 comme nous quittons Kasghar en bus, en compagnie de
Catherine et Kamel. Direction Tashkurgan, terme prévu de notre expédition
'karakoréenne' (c'est joli comme mot, non?) en territoire chinois. Le
temps est magnifique.
Dès les premiers kilomètres,
les paysages désertiques du plateau du Pamir où s'égrainent
quelques étonnantes et fertiles oasis, nous surprennent. Dans
ces îlots de vie perdus dans cet
univers minéral, quelques centaines (voire milliers?) de personnes vivent
à l'écart du monde, seulement accessible par ce ruban d'asphalte
mal entretenu sur lequel nous roulons. Le temps d'un stop éclair, et
nous reprenons la route qui s'élève peu à peu et atteint
bientôt un décor tout à fait différent, celui de
la haute montagne de la chaîne du Karakorum.
Longeant
la vallée où coule un impétueuse rivière, encadré
par des montagnes vertigineuses, nous entrons dans un autre univers. Jouant
avec le soleil, les montagnes austères dépourvues de toute végétation
témoignent de l'âpreté du climat et des conditions extrêmes.
Seule touche de couleur sous ce ciel bleu azur, le vert des pâturage naturels
qui bordent le cours d'eau sur plusieurs centaines de mètres de largeur.
De temps à autre, comme posés au milieu dans ce décor grandiose,
quelques tentes de bergers kirghizes surveillent leurs troupeaux de yaks.
Depuis
l'intérieur du bus, nous ne savons vraiment où donner de la tête.
Habitués à la route, les locaux et marchands pakistanais qui nous
accompagnent ne partagent pas notre excitation touristique, trop habitués
à ce spectacle devenu banal. Béats d'admiration, nous buvons des
yeux ce spectacle fascinant. Trop secoués pour utiliser la caméra
ou l'appareil photo dans de bonnes conditions, notre seul regret est de ne pouvoir
figer ces instants, les revivre et les faire partager plus tard. Les
mots ne sauront jamais exprimer ce ...
La preuve!!! Il y a bien "extraordinaire", "fantastique",
"exceptionnel", mais cela ne décrit en rien ce que nous vivons!
Tout ce que nous pouvons dire, sans
aucun doute possible, c'est que cette route est, à ce jour, une (sinon
La) des plus belles routes du monde que nous ayons parcourue.
Et ce n'est pas ce passage d'un gué à pied -mouillés et bleuis par l'eau glacée!- qui modifie notre opinion, bien au contraire! Cet incident nous donne en effet l'occasion de faire plus ample connaissance avec les passagers du bus, très amicaux et prêts à nous tendre la main dans cette traversée ... rafraîchissante!
Il est 17h30 quand nous atteignons
la première étape ce périple: le lac Karakul. Petite merveille
de la nature perchée à 3800 mètres d'altitude, ce lac d'un
bleu profond encadré par les sommets du Kongurshan (7719 m) et du Muztag-Atashan
(7546 m) est tout simplement à couper le souffle.
Dès notre arrivée, les Kirghizes - la minorité ethnique
qui peuple les alentours du lac- tentent de nous vendre une nuit dans le semblant
de complexe touristique qu'ils ont installé sur le bord du lac. Cette
tirelire pour touristes est laide au possible, un furoncle posé dans
ce coin de paradis. Tels des vautours, ils se sont littéralement jetés
sur nous, oubliant qu'un sourire et un accueil moins intéressé
ne coûte rien. Il est vrai que la plupart des voyageurs qui débarquent
ici n'ont pas le choix. Le piège kirghize peut alors se refermer, les
tarifs appliqués ici vous ramènent rapidement aux basses réalités
de ce monde!!
Fuyant cet accueil rebutant, nous décidons alors de marcher une heure
afin de rejoindre le village implanté à l'autre bout du lac. Le
site est exceptionnel. Au sol, un gazon des plus verts prend fin dans ce lac
bleu profond, surplombé par des glaciers qui remontent
jusqu'aux sommets de ces montagnes gigantesques. Le ciel est d'un bleu azur,
l'instant est tout simplement magique.
Tout près de nous, des bergers kirghizes gardent des troupeaux de moutons,
des enfants viennent à notre rencontre et entament une danse locale en
l'accompagnant de leur chant. Nous croyons rêver!
Les hommes du village nous font rapidement revenir à la réalité.
Alors que les femmes semblent d'accord pour que passions la nuit au village
pour un prix raisonnable, les hommes irréalistes nous proposent des prix
dignes d'un 4 étoiles! Le charme retombé, refusant de nous faire
plumer trop facilement, nous revenons finalement à notre point de départ.
Limitant les dépenses à leur strict minimum, Kamel et Catherine
optent pour l'option la meilleure marché : une nuit dans une yourte kirghize
du fameux pseudo complexe kirghizo-touristique.
Pour notre part, nous plantons
la tente gratuitement à quelques pas du lac. Peu décidés
à leur faire plaisir, nous ne dépenserons pas un Mao (la division
du Yuan) chez ces Kirghizes de malheur! Grâce à notre réchaud
et toujours suffisamment de nourriture pour survivre, nous passerons alors non
sans une certaine joie, à travers
les mailles de leur antipathique filet. Mais
l'endroit est tellement magnifique que nous les aurons bientôt oubliés.
Le meilleur finit toujours par faire oublier les petits désagréments.
Et le lac Karakul mérite beaucoup mieux que ces mesquineries.
Dès le lendemain après-midi,
nous reprenons le bus plus avant en direction de
Tashkurgan, situé cent kilomètres plus au sud en direction du
Pakistan. La route, une fois de plus nous enchante, s'élevant le plus
souvent dans ce massif impressionnant.
De ce voyage nous retiendrons bien sûr les villages de yourtes perdus
le long de la rivière, les paysages impressionnants mais surtout les
dizaines de marmottes qui, debout telles des gardes à l'entrée
de leur terrier, s'y réfugient en un clin d'oeil à notre approche.
Tels des gamins, nous nous exclamons dès qu'on parvient à en apercevoir
une! Tout au loin, des troupeaux de yaks paissent tranquillement.
Dernière ville chinoise
avant la frontière, Tashkurgan nous apparaît comme un endroit étrange.
En majorité tadjik (une autre minorité ethnique), cette ville
n'est pour nous qu'un point de chute pour la nuit, avant notre retour sur Kasghar
programmé pour le lendemain par la même route. La même route?...
Et oui, nous n'avons pas vraiment le choix! Alors que nous n'avons pas couvert
le tiers de cette Karakorum Highway, notre absence de visa pakistanais -délivrable
à Pékin uniquement du fait de la situation politique tendue de
la région- ne nous autorise pas à aller plus avant. Nous le savions
avant de partir, et cela ne nous dérange nullement. Nous avons ces deux
derniers jours sillonnés une
des plus belles des routes du monde, en ce qui nous concerne. La refaire en
tournant la tête de 180 degrés va nous en donner encore un meilleur
aperçu...
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