L'oeil
de Moscou... ou Big Brother?...
A notre arrivée à La Havane, une des premières
choses que nous remarquons est l'omniprésence policière. A
chaque coin de rue, ce qui peut paraître incroyable tant la ville est étendue,
un homme de 'la Policia Revolucionaria' (police révolutionnaire) surveille les
allées et venues de la population. Reliés en permanence par talkies-walkies
à un incroyable réseau formé par des pairs des rues voisines, les
voitures-patrouilles sillonnent le quartier et le PC central (!), ces policiers
sont la base d'un dispositif de sécurité
extrêmement
dense.
Chevilles ouvrières d'un état répressif, ils n'autorisent aucun écart ni dérive
de la population, faisant ainsi de La Havane une ville où le touriste peut se
promener sans aucune crainte. Toute attaque ou vol serait immédiatement sous
contrôle de la police , et sanctionné d'un minimum de 15 ans de prison... Mais
ceci est sans doute le seul point positif de ce dispositif...
Chacun est ainsi mis sous surveillance, presque sous liberté conditionnelle. Pour occuper leurs journées bien moroses, les hommes au béret bleu contrôlent l'identité des passants. Plus votre teint est hâlé, plus vous avez de malchance de vous faire importuner... pour votre sécurité!!
Et devant les policiers tous
puissants, il convient d'adopter profil bas, sinon tout peut tourner très mal
très rapidement...
Alors que nous prenons notre premier dîner cubain dans un snack-bar à 15 pesos
(6 frs) le repas, nous sommes témoins de 2 arrestations qui donnent un peu l'ambiance.
Dans les deux cas, un homme un peu éméché et une femme un peu hystérique qui
refusent de présenter leurs papiers, se retrouvent en quelques secondes menottes
au poignets. Des voitures de patrouilles arrivent en quelques minutes et embarquent
les deux rebelles. Pour où et combien de temps??
Nous nous regardons hébétés.
- C'est comme aux États-Unis! Plaisante Yannick pour détendre l'atmosphère.
- Il y a un peu de cela, convient Brent , désolé.
- Pardonnez-moi les gars, je croyais pas avoir tapé si juste!, s'excuse Yannick.
- Les flics ne roulent pas en Citroën, chez nous, termine Kip, pour bien marquer
la différence...
Le contrôle de la population
ne se limite pas à la présence policière mais s'exerce
également à travers les Comités de la Défence de
la Révolution (CDR). Ainsi, dans chaque zone de la ville, sont implantés
des CDR où se réunissent régulièrement les adhérents.
( D'après nos informations, il y aurait 7 millions d'adhérents
alors que Cuba compte 11 millions d'habitants!... Malheur à qui ne fait,
officiellement, partie de ces CDR...). Chargé d'organiser et de gérer
une zone définie, cet instrument du pouvoir se révèle être
un dispositif d'information, de surveillance et de renseignement, digne des
plus belles démocraties!...
Chacun est ainsi fiché et parfaitement sous contrôle. Si un problème
apparaît, une suspicion fait surface, un contrôle plus poussé
peut alors être organisé. En fait, on sait tout de vous, de vos
fréquentations et activités : en vous connaissant mieux, l'état
peut alors mieux se protéger de toute activité contre-révolutionnaire...
Deux
petites anecdotes qui nous seront racontées lors de notre séjour
à la Havane donnent un peu l'ambiance... Ainsi, nous sympathisons avec
Narciso, un chauffeur de bici-taxi anti-castriste, avec qui nous conversons
dans la rue. Nous sommes tout d'abord impressionnés par son étrange
façon de tourner la tête toutes les dix secondes, 'pour démasquer
une surveillance ou une oreille qui traîne', nous explique-t-il...
- Si on entend ce que je vous dis, j'aurai des problèmes!, avoue-t-il.
'Ici, c'est comme ça!' lache Narciso, presque résigné.
'Quand Fidel sort à la Havane, poursuit-il, on est obligé de sortir
dans la rue pour l'acclamer ce connard!
-Sinon?...
-Sinon, on a des problèmes!... On est considéré comme étant
anti-révolutionnaire...
-Et alors?
-Et alors on a des tas de problèmes!! répond-il, presque surpris
par notre question. Par exemple, les enfants d'un 'anti-révolutionnaire'
(ou jugé comme tel...) ne peuvent pas fréquenter toutes les écoles
...
Pourquoi en effet éduquer les enfants d'une personne qui risqueraient
d'utiliser leur éducation (payée par l'état) contre le
pouvoir? Logique de dictature!...
Dans la même idée, nous rencontrerons Jean-Noël, un étudiant
martiniquais venu étudier la musique à l'université de
La Havane.
- Quand Fidel fait une sortie à La Havane, les étudiants cubains
sont tenus de venir l'applaudir, explique-t-il.
- Sinon?...
- Et bien sinon, on revoit leurs notes à l'Université... Autant
dire que leurs études tournent court...