Premières heures sur le Maroni
Depuis
longtemps nous rêvions du Maroni et des noms comme Maripasoula ou Saül nous
faisaient tilter rien qu'à les lire sur une carte. A son embouchure, le Maroni
mesure plus de 2 kms de large et n'a rien de commun avec une rivière étroite
aux forts courants, bordée d'une jungle épaisse où une abondante faune est
un danger pour qui ose s'y aventurer... Non! Ici, le Maroni est un bras de
mer immense où des dizaines de pirogues naviguent entre la France et le Surinam.
Même si l'aventure et l'expérience de la jungle ne sont pas au rendez-vous
dès aujourd'hui, une petite émotion nous envahit au moment où la pirogue démarre:
nous y sommes, le début d'un nouveau rêve est en train de s'écrire... Nous
sommes près de 30 personnes dans cette pirogue de 12 mètres comme nous quittons
la rive surinamienne où nous sommes venus faire le plein de carburant, meilleur
marché de ce côté du fleuve.
Faisant confiance à l'expérience du capitaine, nous acceptons de bonne grâce
une ligne de flottaison à seulement quelques centimètres du bord... Serrant
un peu plus les fesses que les locaux, habitués, nous sommes un peu tendus
au démarrage, mais confiants!
-
Les accidents sont rarissimes, nous a-t-on rassurés. Un moteur représente
trop d'argent pour finir au fond du fleuve... Alors vous pensez bien que les
piroguiers ne prennent aucun risque!!
De confiants, nous sommes donc totalement rassurés et nous détendons presque
immédiatement!! Sans mouvement brusque, il n'y a aucun risque, et puis on
sait nager, alors...
Trois heures de navigation plus tard et allégés de 6O frs/personne, nous atteignons
Apatou, terme de notre première étape. Protégés par des kilos de crème solaire
et nos casquettes, le fort soleil qui nous a accompagné tout au long du trajet
n'a pas eu raison de nos peaux encore claires. Plus méfiants, les autochtones
étaient presque tous équipés d'un parapluie faisant office de pare-soleil.
L'expérience, quoi!!!
Aidés de notre réchaud à essence, c'est avec bonheur que nous engloutissons
une plâtrée de pâtes à la bolognaise, tandis que le soleil se couche sur le
Maroni. Au premier signe des hordes de moustiques, après la crème solaire
nous passons à la lotion anti-moustiques... A chaque heure du jour sa protection!
La journée se termine dans le carbet mis gratuitement à la disposition des
voyageurs par la municipalité, moustiquaire enfilée sur le hamac.
Mardi 20 Mars 2001
Après avoir cherché
une bonne partie de la matinée une solution pour remonter le fleuve en pirogue,
il faut nous rendre à l'évidence: la seule pirogue du jour est de la poste.
Vers 13h, nous embarquons donc à regret sur cette pirogue de Maroni Transport.
A regret, en effet, car nous savons que nous sommes pris pour des pigeons.
Déjà affrétée, donc entièrement payée, il va pourtant nous falloir payer,
non pas une participation, mais un prix de bandit: l'équivalent d'environ
45 frs de l'heure par personne! Et jusqu'à Papaïchton, notre destination finale,
il y a une bonne dizaine d'heure de voyage sur les 2 jours... Ce trajet en
pirogue est environ deux fois plus cher que ne le facturait Air Guyane, la
compagnie aérienne actuellement en liquidation. En clair, si nous voulons
remonter le Maroni, nous n'avons guère le choix. Et si encore les piroguiers
étaient sympas! Ici, ils sont les rois du fleuve car incontournables. Régulièrement,
ils ne se gênent pas pour nous apostropher dans une langue que nous ne comprenons
pas, ce qui ne manque pas de les faire rire... Bref, ce voyage commence assez
mal.
Bientôt, nous ne prêtons plus attention à leurs remarques, concentrés sur
le paysage de jungle que nous traversons. Dans la première moitié de la remontée,
la largeur du Maroni oscille entre 1 et 2 kms. De chaque coté, une végétation
très dense, est percée de temps en temps par un village de quelques habitations
bien rudimentaires. Des enfants nus jouent et se baignent sur les berges tandis
que les femmes lavent le linge en pêchant avec un matériel on ne peut plus
rudimentaire.
- Ici, c'est le plaisir des femmes, nous déclare une d'entre d'elles.
Pêchant au pain, au morceau de viande ou de poisson suivant la proie que l'on
vise, les résultats nous laissent pantois. Louis de Funès et son célèbre '54!'
ne faisait pas mieux. Sortant yayas sur yayas (petits poissons du fleuve),
en quelques minutes la fricassée est réalisée, simplement, tout en discutant...