Sortant
la boîte de pâté et un morceau de pain, nous nous asseyons sur le bord d'un
trottoir de ce qui nous semble être la place municipale.
- On fait quoi? me questionne Caroline.
- Ben, on mange!!
- Nan, déconne pas! J'veux dire après, on fait quoi?
- Ben, on va essayer de trouver un endroit pour poser les hamacs, après on
verra...
Tentant de glaner de ci de là quelques infos, nous interpellons des personnes
au hasard. Après 1/2 heure de recherches bien infructueuses, une femme s'approche
de Yannick en souriant.
- Bonjour, ça va? commence-t-elle.
- Oui, merci, répondis-je, un peu surpris.
Voyant ma surprise, elle se reprend aussitôt, confuse.
- Excusez-moi, je vous ai pris pour quelqu'un d'autre...
- Il n'y a pas de mal...
Alors que la femme s'éloigne déjà, je la rattrape de la voix:
- Nous sommes à la recherche d'un endroit où poser nos hamacs, peut-être pouvez-vous
nous donner des infos?
Quelques secondes plus tard, un homme vient la rejoindre et nous entamons
la conversation. Très sympas, arrivés récemment de métropole, leur volonté
de nous aider est manifeste.
- Il y a un carbet -lieu où on peut attacher son hamac-, pas loin de chez
nous. Si vous voulez, on vous y amène. A pied, il y a presque 10 kms...
Quelques minutes
plus tard, après des courses rapides, nous montons dans leur voiture, direction
l'Espérance, un village amérindien de 3OO habitants. Coupé
de Saint Laurent, ce village vit presque replié sur lui-même. A sa tête, le
capitaine ou chef coutumier est l'homme sans qui rien ne peut se faire. Education,
emploi, aménagement, culture, police etc... tout passe par lui. Homme respecté
et craint, il est l'âme du village. Comme il ne peut en être autrement, nous
le rencontrons donc pour négocier le prix de la nuit. Le carbet est certes
tout neuf et le bloc sanitaire avec douches vient d'être posé mais un problème
de taille mérite à nos yeux un rabais sur le prix mettant en avant le confort
exceptionnel. L'eau courante n'a pas été branchée, ce qui nous condamne au
puits de la communauté!..
Après quelques discussions, les 50 frs demandés se transforment en 30 frs
/ personne...
Samedi 17 Mars
Nous quittons ce
village amérindien vers 10h30 et regagnons en stop Saint Laurent distant de 10
kms et où se tient le grand marché hebdomadaire.
Coloré et débordant de fruits, légumes et poissons en tout genre, il s'étend
sur plusieurs centaines de mètres.
Nous
le traversons assez rapidement et rejoignons un pittoresque café qui fait
face à l'église.
Monsieur Jean, le patron, est un métro sans âge, planté ici depuis on ne sait
trop quand. Son 'café' est un spectacle vivant, un petit rade assez miteux
aux murs couverts de souvenirs marquant le passage des ans. Parmi ceux-ci,
des photos vieillies de la passion de Monsieur Jean, celle-là même pour laquelle
nous débarquons chez lui aujourd'hui: le rugby.
Aujourd'hui, en effet, dans le cadre du Tournoi des Six Nations, la France
joue contre le Pays de Galles. Une bonne trentaine de métros a, comme nous,
fait le déplacement, encourageant les Bleus de verres de rhum à 5 frs et de
bières à 10 frs... Si le spectacle sur la pelouse n'est pas des meilleurs
(la France perdra 43-35), celui de ce petit troquet vaut le détour... C'est
là que nous retrouvons Stéphane, celui-là même qui nous a conduit au village
amérindien hier soir...
- Salut! Il faut que je vous parle, entame-t-il. Avec Evelyne, on a réagi
trop tard hier, mais vous auriez pu venir à la maison. Si ça vous dit et que
vous n'avez rien de prévu aujourd'hui, je vous y emmène! On va casser une
petite croûte, poursuit-il.
Enchantés et toujours à l'affût de rencontres sympas, nous acceptons son offre
avec entrain.
- Juste un truc: il faut que je récupère Thomas, notre fils, à l'école. Après
on y va si vous voulez!
- OK, ça marche!
En arrivant dans leur maison de location, Evelyne, sa femme, nous accueille.
- Excusez-moi, j'suis un peu dans le pâté... Je n'ai dormi que 3 heures, c'est
un peu dur ce matin.
Infirmière à l'hôpital de Saint Laurent où elle fait les nuits, elle travaille
ici depuis 3 mois. Stéphane, lui, est maître-artisan et recherche un moyen
pour monter son business.
- Ici, rien n'est facile et tellement différent de la métropole, nous explique-t-il.
Avant de se lancer, il faut savoir où on met les pieds... J'apprends à connaître
en ce moment...
Très sympas,
Evelyne et Stéphane aiment la route et ont déjà pas mal baroudé. Les trois
dernières années, ils ont voyagé en Afrique du Nord dans un camion-maison
en bois entièrement fait de leurs mains. Des anecdotes, des histoires et des
rencontres, ils en ont des dizaines et nous ne nous ennuyons pas en leur compagnie.
Tendant notre hamac dans ce qui fait office de pièce commune, leur maison
devient notre campement pendant 2 jours.
Vers 8h30, le lundi 19 mars, Stéphane nous conduit jusqu'à Saint Laurent où
il nous laisse sur les bords du Maroni que nous voulons remonter en pirogue.
- Su vous revenez par Saint Laurent, revenez nous raconter tout ça, conlut
Stéphane, en guise d'adieu.
- OK, pas de problème! Et encore merci pour tout!