Après
une bonne nuit réparatrice parmi les bruits de la forêt, la troupe
que nous formons se lève vers 7h00. Un soleil radieux inonde déjà
'notre' terrain de camping improvisé, annonçant déjà
une magnifique journée. Un bon petit déjeuner au grand air plus
tard, nous partons, les petits sacs au dos, vers le coeur de la tribu. Alors
que nous pensions découvrir plus de cases traditionnelles, nous sommes
surpris (et déçus?) de découvrir une majorité d'habitations
en dur, trop souvent couvertes de tôles ondulées que la rouille
envahit rapidement dans cette région pluvieuse... Bruyantes, laides,
onéreuses et inadaptées, ces couvertures 'modernes' sont en train
de tuer la traditionnelle toiture végétale. Même ici! serai-je
tenté de dire...
Seuls touristes, nous ne passons pas inaperçus, distribuant des 'bonjours'
auxquels on nous répond avec le sourire ou en utilisant ce fameux 'langage
des yeux', auquel nous ne sommes pas habitués. Universel chez les kanaks,
le haussement des sourcils a plusieurs significations. Il peut aussi bien dire
'oui', que 'bonjour', 'merci', voire 'je ne sais pas!'... Selon le contexte,
nous essayons de nous y retrouver, et faisons notre propre interprétation!
Surprenant au départ, nous nous y faisons finalement assez rapidement
et nous étonnons à l'utiliser nous-même!...
Le 'langage' restera en revanche un mystère total pour nous. Et pour
cause! Chaque tribu possède sa propre langue, totalement étrangère
à celui qui n'en est pas issu. Garante d'une tradition et d'une culture
propre à un très petit nombre de personnes, elle émane
directement de cette société tribale qui vivait autrefois presque
totalement repliée sur elle-même. Au sein des familles et à
la tribu, elle reste la langue universellement parlée. Le français
garde cependant une place de choix puisqu'il est la langue de l'école
et le lien de communication indispensable entre les différentes tribus.
Les
enfants seront les premiers avec qui nous entrons en relation.
- Bonjour les enfants!
- Bonjour! nous répondent-ils en coeur. C'est vous qui campez chez le
Grand Chef, là-bas, nous interrogent-ils en pointant du doigt la direction
de notre campement.
- Du Grand Chef???
- Oui, c'est la grande maison jaune là-bas. C'est notre Grand Chef qui
habite là-bas!
Après quelques explications supplémentaires, il nous faut bien
nous rendre à l'évidence. Le père de Fernand est bien l'homme
le plus important de toute la tribu! Nous n'en revenons pas, et sommes honteux
d'avoir manqué au protocole qui s'attache à sa fonction.
Personnage
central dans la culture kanak, le Grand Chef est le garant des traditions et
de la morale, le gardien des secrets qui régissent cette société
qui nous est totalement étrangère. Sans son aval, rien ne peut
se faire. S'il donne son accord en revanche, rien ni personne au sein de la
tribu ne pourra aller à l'encontre de sa décision. Entouré
du Conseil des Vieux et secondé par des 'Petits Chefs', il représente
l'autorité suprême de ce 'gouvernement' traditionnel. Personnage
éminemment respecté, il incarne à la fois la tradition
et le savoir. Tout comme le Petit Chef, le Grand Chef n'est soumis à
aucune élection. Comme une charge royale, la fonction se transmet au
sein de la famille, généralement de père en fils, sautant
parfois une génération, passant parfois de frère en cadet.
Une constante toutefois : en pays kanak, la femme n'a aucun pouvoir. Pire :
elle est même totalement exclue de la vie politique de la tribu, chose
certainement trop grave pour lui être confiée...