A
l'heure du départ vers le Nord le l'île, la météo
semble nous être favorable : un soleil radieux nous accompagne à
nouveau. En stop toujours et encore, l'objectif de la journée est d'autant
plus ambitieux que la route au nord de Hienghène se transforme parfois
en piste... Optimistes, nous nous donnons donc rendez-vous à OUEGOUA,
distant de 100 kms.
Les sacs sur le dos, quatre équipes se forment immédiatement sur
le bord de la route. D'un côté, Caroline et Antoine qui annoncent
déjà la couleur :'On sera là-bas avant vous!'. Claudine,
accompagnée de Simon, rajeunit ici de plus de 15 ans. C'est en effet
dans les années 80 qu'elle a du stop seule pour la dernière fois!...
Patrice et Jeanne, ferment la marche. Reste moi, tout seul ... et pas dans le
même sens que tout le monde! Notre appareil photo Reflex vient en effet
de tomber en panne de pile : le plus proche magasin est à Poindimié,
soit 60 kms MAIS dans le sens opposé!...
Seul, je pense être pris plus facilement et espère pouvoir combler
ce handicap de 120 kms sur les autres dans la journée...
Tandis que les trois autres équipes seront prises assez rapidement, je
mettrai plus d'une heure à décoller, puis une autre ici, deux
autres là-bas, et ... Bref, si vers 17h00 la lecture de 'Le Bagne' de
Denis SEZNEC qui me replonge avec plaisir dans notre aventure guyanaise a bien
avancé, je suis bel et bien bloqué à POUEBO, encore distant
d'une quarantaine de kilomètres de l'objectif fixé... En passant
le bac à crémaillère de OUAIEM, cette curiosité
d'un autre temps qui pâlit l'absence de pont pour enjamber la rivière,
le passeur peut optimiste m'avait prévenu :
- Dès que la nuit tombe, il n'y a plus de voiture à circuler sur
cette route. Surtout un jeudi! a-t-il ajouté, comme pour mieux enfoncer
le clou...
- On verra bien... , lui ai-je répondu, ne pouvant guère faire
autre chose que croire en ma bonne étoile...
A mon grand regret, je constate qu'il avait raison! Il n'y a plus une voiture
circulant dans mon sens!
Surpris par ma présence, Yannik de la tribu de St Gabriel s'approche
de moi :
- Tu vas où là?
- A OUEGOA
- OUEGOA! Oulalalala! ... Y' a plus de voiture à cette heure, m'indique-t-il
désolé. Demain matin, si, mais pas ce soir!
En quelques phrases, je lui explique alors qu'on m'attend ce soir là-bas,
qu'ils n'ont que deux toiles de tente pour 6 personnes, et que j'ai le réchaud
et les gamelles avec moi!...
- Oulalalala! reprend-il... Je comprends, mais là tu vas trouver personne!
Viens dormir à la tribu et tu partiras demain matin... m'invite-t-il
très naturellement.
Honoré par cette attention, je refuse poliment dans un premier temps,
me donnant jusqu'à 20h00 pour trouver l' 'Occasion'...
A 20h00, sur cette route perdue du coin le moins fréquenté de
toute la Nouvelle Calédonie, aucune voiture n'est passée!! Il
fait maintenant nuit noire depuis un moment, Pouebo semble déjà
endormie.
De
retour, le corpulent Yannik est de retour : " Tu viens à la maison
alors?..."
Jetant l'éponge, une petite pensée pour toute l'équipe
qui a dû se débrouiller seul et qui ne m'attend sans doute plus
maintenant, je suis alors Yannik, visiblement heureux de m'accueillir dans sa
famille, les Nonghaï.
Si Didako, son père est le chef de famille, c'est Yannik qui mène
le débat. Vivant avec ses parents, frères et soeurs, femme et
enfant, il est, à 27 ans 'homme au foyer' comme il se qualifie.. Et la
chasse, la pêche et le jardin familial leur suffisent pour vivre cette
vie simple. Invité à partager leur repas devant une télévision
qui semble hypnotiser les plus jeunes (!), je suis la cible de nombreuses questions
auxquelles je répond volontiers en glissant les miennes...
Vers 23h00, tombant de fatigue, Yannik s'excuse de n'avoir suffisamment de place
pour me loger dans la modeste maison en dur qu'ils habitent. "Tu vas dormir
dans la case traditionnelle si ça ne te dérange pas, me propose-t-il,
un peu gêné de ne pas me proposer d'avantage.
Je suis comblé comme un gamin à qui on offre un cadeau auquel
il rêvait! Dormir dans une case ronde traditionnelle, couverte par des
végétaux: c'est le top pour l'aventurier que je suis!
Yannik, de son côté ne semble pas bien comprendre mon état
d'esprit... "Faire le tour du monde avec pour seul confort qu'un sac à
dos alors qu'en France vous avez tout le confort", ça le dépasse,
m'a t-il avoué tout à l'heure! Pour lui, je suis sûrement
un mec un peu fada sur les bords. Nos deux mondes sont décidément
trop différents...
Le jour suivant, vers 7h15, un agréable
petit déjeuner dans le ventre, je reprends la route en espérant
bien retrouver ma petite équipe, perdue quelque part entre ici et OUEGOA...
La première voiture sera la bonne! A 8h00, alors que nous atteignons
l'entrée de cette petite agglomération, je préviens Philippe,
mon chauffeur : "Ce sont eux là-bas! Près du terrain de foot!"
Sous un abri couvert de tôles où ils ont trouvé refuge pour
la nuit, la petite troupe m'accueille avec le sourire :
- Alors t'es resté bloqué où?...
Et de nous raconter nos parcours respectifs...
Arrivés ici ensemble vers 15h00 hier, ils ont finalement mangé
du taboulé avec les doigts et dormi à trois par tente! C'est ça
les aventuriers!!...
- Et tu sais quoi?? me questionne Caroline...
- Non!
- Et bien, on retourne en arrière, près du bac à crémaillère
de OUAIEME!! s'exclame-t-elle alors que tout le monde rigole...
- Vous déconnez?...
- Ben non! On a été pris en stop hier par Charles, un retraité
sympa qui nous a invité chez lui! ... Alors on retourne sur nos pas!!
- Bon, ben, y'a qu'à alors! ... maintenant qu'on cannait la route!!!
Il y a bien 100 kms non?...
- Aller, oui...
- On prendrait bien un petit déjeuner bien chaud avant de repartir, non?
propose Claudine en bonne mère de famille...
Et de nous retrouver tous les Sept à
rigoler de nos aller-et-retour en stop, comme si le stop marchait du tonnerre
sur cette route.
- Quand on racontera ça au retour, on va nous prendre pour des fous?...
- Tu crois??...