Si
nous peinons quelque peu à décoller de la banlieue de Melbourne,
quatre voitures et cinq heures plus tard, nous arrivons dans le parc de Wilsons'
Promontory.
A quelques jours de Noël, l'immense terrain de camping parfaitement intégré
dans ce parc naturel se remplit à une vitesse grand 'V'. Parc préféré
des Melbourniens (ça se dit, ça?), 'The Prom' comme ils le surnomment
affectueusement, connaît son affluence maximale.
En caravane ou toile de tente, les urbains viennent ici se ressourcer (!) et
fêter Noël dans un cadre naturel exceptionnel. Exceptionnel si on
s'écarte un peu de la cohue du camping qui accueille plusieurs milliers
de vacanciers sur les 490 emplacements d'inégale qualité du site.
Suréquipés par les dizaines de kilos de matériel qui emplissent
les coffres et les remorques, les 'campeurs' haut de gamme nous font sourire
quand on regarde nos sacs à dos dans lesquels nous transportons toute
notre maison! Collés les uns aux autres comme pour mieux recréer
l'univers qu'ils sont censés fuir, la plupart d'entre eux font ici leur
'pélérinage' annuel.
Trois heures d'installation plus tard où les 'Mais où est-ce-que
t'as mis les piquets de la tente?' et autres 'Tu vas peut-être pas nous
regarder monter la tente tout l'après-midi?' pleuvent de toutes parts,
le repos du guerrier tant attendu arrive enfin comme une récompense.
A quelques pas d'une tente qui n'a rien à envier au chapiteau du cirque
Bouglione, un Aussie bien ventru attaque sa première VB (Victoria Bitter)
d'une série qui ferait pâlir plus d'un Anglais! C'est dire!
Les yeux écarquillés, nous croyons nous être trompés
d'adresse! Venir ici était pour nous synonyme de pleine nature, loin
d'une telle concentration de personnes et de l'ambiance autoradio d'un festival
de la bière!!
Comme des imbéciles, nous pensions retrouver la quiétude de notre
nuit à Glenbrook, dans le parc national des Blue Mountains, où
nous nous étions retrouver seuls à camper au milieu d'une multitude
de kangourous et de cacatoès!
Un peu refroidis par cette entrée en matière, malgré un
temps magnifique et des températures estivales que nous avons perdues
de vue depuis plusieurs jours, nous plantons notre tente sur un emplacement
qui nous semble le plus éloigné du voisin...
Demain sera un autre jour, gageons simplement que notre première impression
ne sera pas la bonne!!
Réserve naturelle exceptionnelle qui comprend toute le péninsule
de Wilsons' Promontory, ce parc de plusieurs centaines de km² est un espace
totalement protégé où des dizaines d'espèces animales
et végétales vivent en parfaite symbiose, presque coupés
du monde extérieur. Très réglementé, l'espace auquel
les visiteurs ont accès représente en effet une infime partie,
laissant à elle-même une nature parfaitement préservée,
à peine dérangée par les quelques sentiers de randonnée
balisés.
Malgré notre première approche négative, nous nous laisserons
charmer par 'The Prom'. Des balades de quelques heures que nous ferons deux
jours durant, à peine croiserons-nous quelques dizaines de personnes,
les autres restant agglutinés dans un espace n'excédant pas quelques
centaines de mètres autour du camping.
Séduits par une nature invraisemblable qui passe du bush aride à
la forêt tropicale en quelques kilomètres, le souvenir le plus
marquant sera pour nous une fois de plus l'incroyable diversité de la
faune.
Les oiseaux, tout d'abord, et particulièrement les Crimson Rosella, ces
grosses perruches si colorées qui se sont manifestement très bien
adaptées à la présence humaine du camping. Tels des gamins,
nous nous amusons de leur présence amicale qui les conduit à confondre
les passants, volontairement statiques cette fois, avec des perchoirs! Plus
timides, les 'Wrens' (nom anglais), ces petits oiseaux de la taille d'un pinson,
nous amusent avec leurs danses séductrices où mâles et femelles
sautillent avec leur queue faisant un angle droit avec leur corps. Plus bruyants,
les kookaburras, ces martins-pêcheurs australiens dont le cri rappelle
un rire humain, retiennent également notre attention.
Côté mammifère, si nous avons la joie de rencontrer quelques
wallabies, ce sont sans aucun doute les wombats que nous croisons pour la première
fois en pleine nature qui nous surprennent le plus. Énormes blocs de
poils pesant pour certains d'entre eux plus de 30 kg, cet animal pourrait laisser
croire qu'il est la synthèse des croisements d'un rat, d'une marmotte
et d'un cochon... s'il n'était pas un marsupial! Patauds, nous les traquerons
avec succès à la tombée de la nuit , appareils photo en
main, heure de prédilection pour ces animaux qui passent leur journée
à dormir à l'abri de la chaleur.
En quittant le camping les sacs au dos, nous faisons une dernière balade
en direction d'une des attractions favorites du parc: la plage de Squeaky Beach.
Bordant la mer de Tasmanie sur près de deux kms, cette plage de sable
blanc encadrée par des blocs de granit aux formes arrondir, est tout
d'abord très photogénique. Peu fréquentée malgré
un soleil radieux et une eau cristalline -la température de l'eau et
la force des courants expliquent le petit nombre de baigneurs- , la particularité
de cette plage est à chercher dans la nature même du sable qui
la recouvre. Si nous ne pouvons vous expliquer scientifiquement le phénomène,
nous pouvons au moins vous le décrire.
Chaque pas est en effet accompagné d'un étrange 'squeak', onomatopée
du bruit que fait votre chaussure quand elle s'enfonce dans le sable. Ici, vous
n'avez aucune chance de vous approcher de votre voisin (ou voisine!) discrètement!
Des 'squeak squeak' trahiront aussitôt votre tentative de rapprochement.
En guise d'adieu à la mer de Tasmanie et à Squeaky Beach, je pique
une tête dans une eau à 17° tout au plus, laissant Caroline
sur la plage attendre le retour très rapide de son schtroumf préféré!!
Il est 3 heures quand nous tendons le pouce à quelques centaines de mètres
de la plage. La troisième voiture est la bonne, nous offrant un aller
direct pour Melbourne, poussant même la gentillesse jusqu'à nous
déposer à 50 mètres de chez Patricia, quelques deux heures
et demi plus tard...