A
une quinzaine de kilomètres de 'chez nous', nous nous retrouvons en pleine campagne,
dans une immense ferme de plus de 800 hectares que seule une route en terre
dessert.
- J'ai un couple de pickers Français, nous annonce Keith, pas très bavard. Ils
voyagent en Combi Volkswagen, vous allez pouvoir faire leur connaissance…
Le nez dans les cerises jusqu'à 15h, nous faisons ensuite plus longuement connaissance
avec Mélanie et JC, deux jeunes aveyronnais venus faire la saison des fruits
en Australie. Saisonniers en France, ils connaissent le travail et nous donnent
quelques 'trucs' qui nous permettent d'améliorer notre rendement. Originaires
du Larzac, leur accent du sud nous transporte quelques 20000 kms au nord, pays
du soleil et du chant des cigales que nous croyons entendre…
Malgré nos plus de 10 ans de différence (Décidément, qu'est-ce qu'on est vieux,
sur nos passeports !), le courant passe très vite entre nous. Deux soirs de
suite, nous terminons la soirée ensemble, à des heures indues pour des cueilleurs
de cerises qui se lèvent à l'aube.
Amateurs de jonglage avec le feu, nous avons même la joie d'assister à une représentation
privée où cordes et bâtons enflammés tiennent la vedette ! Un vrai régal pour
nous, qui ne voyons virevolter que cerises après cerises dans nos paniers…
Après six jours de travail et plus d'une
tonne de cerises cueillies à nous deux, Lance nous annonce que c'est la fin.
Honnête homme jusqu'au bout, il reste très droit vis à vis des lois de son pays
et remplit les papiers de déclaration d'emploi comme si nous étions en règle.
- De mon côté, je veux que tout soit clair dans ma comptabilité. Aussi, comme
si vous aviez un Working Visa, je vous retire les 15% de taxes prélevé légalement
sur tout employé. Je ne suis pas tenu par la loi de vérifier vos papiers, mettez
simplement les noms, adresse et numéro de votre choix ! nous propose-t-il malicieusement
pour qui bien payer ses employés en signifie pas 'aux dépens de l'état'!
C'est avec regret que nous quittons Kaye
et Lance qui nous laisserons un bien beau souvenir. Fort de ses relations, Lance
nous a même trouvé un autre travail, au sud de Young. A 8$ les 15 kg,
nous atterrissons dans un autre monde où 60 cueilleurs travaillent déjà… Lorsque
le lendemain matin avant d'avoir cueilli la première cerise un contrat de travail
nous est donné, stipulant que nous devons présenter notre visa de travail, nous
refusons de commencer prétextant un malentendu sur la rémunération proposée…
Acceptant sans autre explication notre démission, le 'salaud de patron' ne saura
jamais la véritable raison de notre passage furtif.
Lui avouer que nous avons travaillé chez qui il sait, tout à fait illégalement
pourrait poser des problèmes à Lance.
Et ça, nous ne le voulons surtout pas !