Plantés
sur cette route rectiligne qui annonce déjà le désert,
rares sont les véhicules qui s'y aventurent en ce dimanche matin. Et
le plus difficile est loin d'être fait puisque nous n'avons pas encore
atteint Port Augusta, ville que nous avons soulignée d'un trait rouge.
Elle marque en effet le début de LA route du nord, celle-là même
qui coupe l'Australie en deux parties est-ouest, traversant le désert
rouge du centre sur plusieurs milliers de kilomètres. Port Augusta, c'est
l'entrée dans un autre monde, celui notamment des légendaires
'road-trains', ces convois autoroutiers que seule l'Australie connaît
et qui peuvent atteindre la longueur incroyable de 53,5m!!
Sur
cette route, vous pouvez rouler des centaines de kilomètres sans apercevoir
âme qui vive. Seules les stations services-motel-restaurant implantées
en lieu et place des points de ravitaillement que les pionniers mirent en place,
brisent la monotonie du voyage. En dehors de ces 'oasis modernes', aucune implantation
blanche n'a vu le jour sur ces terres où les aborigènes vivaient
en nomades avant d'être parqués dans des réserves pudiquement
appelées 'communautés'.
Aucune? Sauf peut-être cette ville hors du commun que nous atteignons
en compagnie de Carrie et Ben, un jeune couple d'émigrants anglais ,
après avoir parcouru 900 kms d'une traite!
Le nom de cette ville? Coober Pedy.
Totalement perdue au milieu du désert, cette ville des plus étranges
est étonnante à plus d'un titre. Dans cette univers lunaire arrosé
par dix-sept petits centimètres de précipitations par an, plus
de 45 nationalités cohabitent, faisant de cette ville de 3500 habitants,
la cité la plus cosmopolite du monde compte tenu de sa taille.
Coober Pedy n'aurait probablement jamais vu le jour si, par le plus grand des
hasards, un après-midi de janvier 1915, un gamin de 14 ans n'avait fait
ici une découverte extraordinaire qui fait aujourd'hui de Coober Pedy,
la capitale mondiale de l'opale.
Tout a débuté un peu comme ça:
Après plusieurs mois de prospection infructueuse dans ce désert
que l'on disait riche en or, Jim Hutchinson et son équipe de la New Colorado
Prospection Syndicate commencent à se décourager en ce début
d'année 1915. D'autant plus que les réserves d'eau atteignent
leur niveau d'alerte! Quittant alors le campement qu'il confie à la garde
de son fils, tels les aborigènes nomades qui vivent
dans ce désert très inhospitalier, les hommes s'éloignent
à la recherche d'indices leur indiquant la présence de l'or blanc...
A leur retour, jouant avec une pierre colorée reflétant la lumière
d'une éclatante manière, le fils Hutchinson attire l'attention
des aînés. La première opale vient d'être découverte.
Très rapidement, la nouvelle est connue de tous les aventuriers en quête
de fortune facile et une première vague d'hommes arrive dans la région
et commence à creuser. Les premières constructions voient ainsi
le jour.
De retour de la Grande Guerre , ce sont les soldats aventuriers qui donnent
à cet embryon de ville son caractère. Ils sont également
à l'origine du nom que nous lui connaissons aujourd'hui. Familiers des
tranchées, ce sont en effet eux qui creuseront les premières habitations
souterraines, ingénieux recyclage des boyaux dont le sous-sol commence
à se creuser.
Etonnés par cette effervescence blanche dans ce désert qu'ils
étaient jusqu'alors les seuls à sillonner, les aborigènes-nomades
baptisent alors ce lieu 'Kupa Piti', ce qui signifie en langage autochtone:'Homme
blanc dans un trou'!
Ainsi Coober Pedy était née.
Le peu de découvertes conjugué à la chute du cours de l'opale
dans les années 30 et 40 va presque laisser la ville à l'abandon.
En 1946 pourtant, la découverte d'une pierre exceptionnelle par une femme
aborigène relance la fièvre qui ne va, dès lors, que cesser
de monter. Du monde entier, des compagnies minières aux moyens techniques
de plus en plus sophistiqués viennent
s'implanter ici, produisant des millions de dollars de pierre chaque année.
En
débarquant à Coober Pedy, nous avons vraiment l'impression d'atterrir
sur une autre planète. Si les paysages lunaires criblés de montagnes
de terre témoignent de l'activité souterraine nous y aident, les
gens plus encore semblent relever d'un autre monde.
Vivant pour plus de la moitié d'entre eux à plusieurs mètres
sous terre, les 'infraterrestres'v que nous rencontrons nous assurent tous vivre
dans le plus bel endroit du monde.
-
La chaleur?
- Dans la maison que nous visitons à 16 mètres sous terre, la
température reste constante et bloquée à 22°.
- Le manque d'eau?
- Oh bien sûr, ceci a longtemps été un problème.
Mais depuis la mise en place de la nouvelle usine de désalinisation,
traitant les nappes d'eau salée présentes à plus de cent
mètres de profondeur, l'eau coule presque normalement à Coober
Pedy.
- L'isolement?
- Justement! C'est cela que les habitants recherchent! Le calme et la quiétude
à des centaines de kilomètres de la cohue de la ville.
- Et l'opale dans tout ça?
Dès que ce mot magique est prononcé, tous les yeux se mettent
à briller. Millionnaires établis ayant déjà amassé
plus d'argent qu'ils ne pourront en dépenser ou pauvres miséreux
vivant dans des caravanes cuites par la fournaise quotidienne, tous sont accros
à la pierre, drogués sans remède à cette fièvre
de l'opale qui hantent toujours les pensées. Tous ont cette soif du chercheur
d'or, mus par une énergie inexplicable qui les pousse sans cesse à
prospecter pour découvrir LA pierre. Et si par miracle ils la découvrent
un jour, ils retourneront à la mine en espérant en trouver une
encore plus grosse!!
Dans cette univers surnaturel où le troisième épisode de
Mad Max fut tourné, nous nous arrêtons deux nuits, passant ainsi
le réveillon du premier de l'an dans un décor plus qu'étrange.
Presque seuls dans ce camping 'non-souterrain' (parce qu'il en existe... mais
pas à des budgets routards!), la toile plantée sur un sol rouge
sans aucune trace d'herbe, nous avons le sentiment d'occuper un parking ou encore
un terrain de foot stabilisé!
Pour marquer le coup, nous cassons aujourd'hui la tirelire et nous préparons
un repas très amélioré. Au menu: de longs steaks grillés
au barbecue, accompagnés de légumes rissolés et pain maison,
le tout arrosé d'une bonne bouteille de vin rouge qui fera également
office d'apéritif! Le luxe, quoi!!