Plus qu'une semaine maintenant et nous allons retrouver ma famille. Une vraie
'horde' en fait, puisque nous serons 13 personnes au total. Pas superstitieux
pour deux sous (ça porte malheur!), nous savons que ce chiffre est synonyme
de bonheur. Des retrouvailles familiales avec mes parents, mon frère
et deux de mes surs (la dernière garde les propriétés
familiales!) et leur famille respectives. C'est en tout cas un moment que nous
attendons depuis longtemps: nous n'avons pas revu mon frère et sa famille
depuis 18 mois, mes parents depuis 2 ans et mes surs et nièces
depuis notre départ de Bretagne voici 2 ans et demi!
Excités par le compte à rebours qui voit les derniers jours s'écouler,
nous avons, malgré la fatigue accumulée des dernières semaines,
un peu de peine à trouver le repos parfait . Dieu sait pourtant combien
le lieu où nous avons trouvé refuge est idéal.
A l'écart des vendeurs-harceleurs qui alpaguent le promeneur dès
qu'il pose un pied dans la rue, nous sommes chez Bishbishi, dans un autre monde.
A l'ombre des palmiers, sous le soleil et le calme à peine troublé
par le vent qui peut être ici ravageur, nous tentons de recharger nos
batteries. Et déjà essayons-nous de mettre en place le meilleur
itinéraire possible pour nos hôtes, organiser les déplacements,
découvrir les meilleurs restaurants et réserver des chambres et
taxis pour tout le monde. Et ce qui se ferait chez nous en cinq minutes
demande ici des tonnes d'énergie. Ici le simple 'oui' ou 'non' n'existent
pas. En revanche les 'pourquoi' et 'comment' qui seraient jugés impolis
chez nous vont bon train. Mais nous ne sommes pas chez nous, nous ferez-vous
remarquer... Ce qui est juste, mais qui n'empêche pas d'irriter nos nerfs
qui ont trop encaissés pour subir d'avantage. Nous sommes vraiment fatigués
et avons vraiment besoin de repos.
La rencontre avec Béatrice la Niçoise est à cet effet,
un vrai ballon d'oxygène. Retrouver l'air du pays associé à
sa bonne humeur méditerranéenne nous redonnent du baume au cur.
Sans parler du massage requinquant dont elle me fera profiter avec tout le talent
de la véritable professionnelle de l'acuponcture manuelle qu'elle est.
- Et tu te sens comment, maintenant?
- ... Ben là, ... heu, complètement vidé, KO quoi! réponds-je
comme sortant d'un profond sommeil.
- C'est bon signe! sourit-elle en constatant l'état dans lequel elle
vient de me mettre. Je viens de débloquer tes points d'énergie
qui étaient totalement verrouillés.
- ... Eh bien si tu le dis!!...
Alors
que son vol retour sur l'hexagone est fixé au jour suivant, c'est tout
naturellement que nous quittons ensemble en bus Dahab, ce vendredi 21 Mars.
Destination Le Caire. En accompagnant Béatrice jusqu'à l'aéroport,
nous en profitons pour repérer les lieux et numéro du bus local
qui désert le terminal. Demain soir est en effet un jour très
spécial: nous retrouvons les huit premiers membres de la famille, les
trois autres n'arriveront que la nuit suivante.
Les chambres d'hôtel réservées non sans peine ("Pourquoi
serait-ce simple quand on peut faire compliquer ?..."), nous gagnons un
peu fébriles le Terminal numéro 1 de l'aéroport. A l'affichage
'Arrived' face au numéro de vol d'Egypt-Air, notre cur bat un peu
plus fort. Une demie heure plus tard, les yeux embués par l'émotion,
nous distinguons une partie de la troupe qui nous cherche déjà
du regard:
- Les voilà!...
- Tiens, regarde, c'est Simon devant, et Antoine... et Claudine et Jeanne!
Et déjà nous nous faisons signe de la main. Pancarte géante
en mains, alors que nous ne sommes plus séparés que par une vingtaine
de mètres, je souhaite à ma nièce et filleule que j'aurais
presque eu de la peine à reconnaître, un ' JOYEUX ANNIVERSAIRE
pour tes 16 ans, CORALIE'. Et quelques secondes plus tard, nous tombons dans
les bras les uns des autres, des larmes de joie exprimant les mots que nous
ne pouvons prononcer.
- "Séquence émotion", plaisante Patrice, tout aussi
ému que les autres mais moins expressif.
Coralie qui est devenue une vraie jeune fille ne me quitte pas:
- Ça a été
trop long tu sais! Y'a longtemps qu'j'attendais ce moment...
- C'est un beau cadeau d'anniversaire alors?
- Oh oui, trop beau!!
Et Florise qui recherche également les premiers moment d'attention. Jeanne,
8 ans que l'on trouve également changée, d'avantage encore que
ses frères.
- Et nous, on ne change pas! s'exclame Nelly ma sur aînée
que l'on rassure en lui certifiant que les crèmes antirides ont visiblement
fait beaucoup de progrès!!
Et tous de monter dans le bus local pour rejoindre notre hôtel où
nous discutons encore jusqu'à une heure avancée de la nuit, en
ouvrant les bagages qu'ils n'ont pas manqué de remplir de cadeaux à
notre attention. De la bonne bouffe du pays bien évidemment, mais aussi
des journaux et CD que nous n'attendions pas. Et comme à son habitude,
Simon nous touche droit au cur en nous offrant un galet "qui vient
de Nouvelle Calédonie" peint par ses soins.
Une première journée de découverte touristique du Caire, et nous rejoignons à dix cette fois (!), le Terminal n°2 de l'aéroport où, à 2h00 du matin, nous retrouvons, avec la même émotion très compréhensible, mes parents et Évelyne, ma seconde sur. Jamais encore je n'avais été éloigné si longtemps de mes parents.
Accroché
à mon bras, ma mère ne retient plus son émotion, plus ou
moins secrètement contenue pendant ces longs mois qui nous séparent
de leur visite lors de notre passage en Martinique. Et même si mes quatre
frères et surs habitent à tout au plus une heure de la maison
familiale, "chacun a sa place, et aucun [des enfants] ne remplace un autre"
répète-t-elle ce soir une fois de plus. Mais ces mots ont aujourd'hui
une résonance particulière. Et même si je ne peux pas me
sentir coupable d'avoir la vie que j'ai choisie, je sais que l'annonce d'un
retour prochain au pays serait le plus beau cadeau que je pourrais lui faire.
Voyager c'est aussi faire le difficile choix de quitter les siens, et de les
savoir parfois malheureux de cette absence. Rester pour eux ne saurait satisfaire
cet insatiable besoin de voir ce qui se passe ailleurs.
"Mais l'essentiel, c'est que tu sois heureux!" rajoute-t-elle sincère,
alors qu'elle sait ce que ces mots signifient. En ces instants très forts,
je mesure, si besoin en était, que la distance ne peut distendre les
liens familiaux. Au contraire.
-
Alors, quoi de neuf chez nous?, changé-je de sujet, comme si je revoyais
tout ce petit monde après un mois d'absence...
Dans le taxi-familial qui nous conduit à l'hôtel, nous avons déjà
tous retrouvé nos habitudes. Dix conversations à la fois, des
rires et des exclamations dans tous les sens, on se croirait presque au "Bas
d'lanoë" (nom du village où se situe la maison familiale)!
Et dès notre arrivée, re-belote! Les valises sont pleines de fromage,
vin rouge, cidre maison et autre bouteille de Champagne!
- Avec celles d'hier, on va pouvoir tenir... au moins trois jours, non?
- Et ça, c'est de la part de tout le monde -Christelle (la seule absente
de la famille) et Nicolas y compris-!, nous annonce Nelly.
Et nous dépaquetons deux tee-shirts de Mam Goz, la dernière nouvelle
coqueluche bretonne, histoire de bien nous rappeler d'où nous venons.
Outre le fait qu'ils soient vraiment sympas, ces deux tee-shirts ont l'immense
avantage d'être respectivement beige et blanc cassé, c'est à
dire finalement de la même couleur que nos antiques tee-shirts qui ne
se rappellent visiblement -et malgré nos lavages énergiques!-
qu'ils étaient blancs à l'origine!
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