De
retour "chez nous", nous profitons du soleil et faisons plus ample
connaissance avec le gardien, Kishna et Razu, ses deux fils. De retour de l'école,
quelques enfants ont également fait le détour jusqu'ici pour "voir"
les trois extra-terrestres qui viennent de débarquer.
A l'heure du dîner, notre ange-gardien -celui du premier jour- et le gardien
se relaient autour d'un feu de bois pour préparer un dal bhat collectif.
Au moment de servir, le sourire retrouvé, Gokarna nous rejoint pour manger.
- Alors, c'était comment la journée? nous questionne-t-il.
- Sympa! On est allé voir ton ancienne école, on a rencontré
tes collègues et les enfants. Et toi? poursuivons-nous poliment.
- Je suis allé voir ma mère...
- Oui,mais concernant la réunion du comité? coupons-nous.
- Ah! Ben en fait, le comité n'a pas pu se réunir: tout le monde
n'était pas là, répond-il , embêté par notre
obsession. Mais ne vous en faites pas, si vous ne faites rien pendant la semaine,
ce n'est pas grave! Vous êtes ici en vacances, aussi, profitez-en! nous
conseille-t-il avec un sourire forcé.
De
notre côté, on ne comprend pas vraiment la pièce qu'il nous
joue. Nous sommes déjà mardi soir, il ne nous reste plus que 4
jours pour poser un petit caillou dans ce grand projet qui nous semblait intéressant
depuis Katmandou. Connaissant ces données, nous pensions vraiment être
attendus ici et optimiser notre temps de présence pour faire quelque
chose. Avec la tournure que prennent les événements, nous réalisons
que notre séjour ici ne risque de servir à rien. A moins que Gokarna
ne nous ait faire venir pour une toute autre raison, mais nous n'arrivons pas
à voir laquelle. Et c'est cela qui nous intrigue le plus.
Posément, nous lui faisons part de ces remarques qui nous semblent tout
à fait légitimes. Pour avoir travaillé en Écosse,
nous savons qu'il est familier avec les façons de penser des occidentaux
que nous sommes. Il ne peut y avoir avec lui de malentendu de nature culturelle.
Aussi, nous ne comprenons pas. Clairement et encore plus fermement cette fois-ci,
nous lui disons:
- Tu nous as fait venir pour aider l'association. Nous sommes là, nous
voulons travailler. On fait quoi?
Le dos au mur, il paraît enfin prendre la mesure des choses et nous assure
que cela se réglera demain matin. Terminant son repas, il nous quitte
en nous promettant de revenir le lendemain.
Quelques minutes plus tard, un jeune homme d'une vingtaine d'années se
présente, accompagné d'un des instituteurs rencontrés cet
après-midi même.
-
Bonsoir, je suis le responsable du comité NAMASTE, on m'a dit que vous
vouliez me rencontrer, je peux vous aider?
Et de recommencer notre litanie alors qu'il n'était visiblement lui non
plus, pas au courant de notre arrivée. Pour simplifier la discussion,
nous lui disons que , comme discuté avec Gokarna, nous pourrions notamment
peindre les murs des salles pour les rendre plus agréables. Mais pour
cela, nous avons besoin de peinture et de pinceaux. A moins qu'il n'y ait des
choses plus urgentes à faire, comme déblayer les abords du terrain,
ou bien autre chose.
- Nous sommes venus ici pour travailler, pour vous aider, nous répétons-nous
avec force.
En clair, nous attendons leurs instructions, nous sommes à leur disposition,
nous ne pouvons pas mieux dire!
Prenant bonne note, il affirme être en mesure de réunir le comité
demain. Lui seul est à même de prendre une décision et faire
des achats au nom de l'association.
- Eh bien les gars, j'ai pas l'impression que c'est gagné notre histoire!
De son côté, Patrick est écuré, le sentiment
de s'être fait embarquer dans une histoire tordue depuis le départ.
Pour ma part, je veux encore y croire, clamant que si ça n'est qu'une
goutte d'eau dans l'océan que nous sommes venus déposer, ce sera
déjà ça!
- Il ne faut pas qu'on se dise qu'on est venu pour Gokarna mais bien pour les
enfants dans le besoin.
Et ces bonnes intentions remotivent un peu l'équipe...
Le lendemain matin, comme prévu, le comité se réunit vers
10h. De notre côté, nous avons fait le métrage de la pièce
que nous avons décidé de peindre. Assistant à la réunion,
en tant que "porte-parole des travailleurs" (!), je réexplique
le pourquoi du comment, traduit en népalais par le responsable du comité.
Et comme par magie, en moins d'une demi-heure, le projet est accepté
et l'argent de la commande débloqué!
La peinture ne sera certes pas " moderne" mais "faite maison",
à la népalaise, les rouleaux (soi-disant introuvables au Népal)
seront remplacés par des pinceaux mais tout va bien! Enfin avons-nous
gagné la première étape!!
- Et nous aurons le matériel quand?
- Nous sommes aujourd'hui mercredi. Nous allons envoyer quelqu'un tout de suite.
Tout sera là demain soir, jeudi.
- Sûr? insistai-je.
- Certain! affirme-t-il avec le sourire.
En
sortant, informant "mon" comité, nous nous satisfaisons du
résultat.
- Et si ça n'est pas là? s'inquiète Patrick, sceptique...
- Ce sera là! affirmai-je pour contrebalancer son pessimisme.
C'est ce moment que choisit Gokarna pour nous dire qu'il sera absent quelques
jours, le temps d'un aller-retour à Katmandou pour régler un "business"...
- Si je n'étais pas là avant votre départ, je vous reverrai
à Katmandou! termine-t-il.
Nous sommes atterrés par ce sens des responsabilités mais ne nous
formalisons pas plus que cela. A quoi bon? Pour nous de toute façon,
son cas est réglé. A part des questions et des reproches, nous
n'avons plus grand-chose à lui dire. Comme nous le savons déjà,
nous ne le reverrons pas de la semaine.
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