C'est
ensuite à pied que nous gagnons 'Freak Street' où nous prenons
pension à 'Paradise Ghest House', un petit hôtel rescapé
de l'ère baba-cool. Mis à part quelques coups de pinceaux, l'hôtel
n'a subit que peut de rénovation depuis cette époque, ce qui explique
le confort spartiate -mais suffisant pour nous- de notre nouvelle adresse avec
WC-douches sur le palier... Et le prix étonnamment bas (125 NRp, soit
1,7 €) en fait sans doute une des chambres les moins chères du monde,
ce qui est loin de nous déplaire! Séduits par ce que nous venons
de voir de la ville, nous redescendons rapidement pour respirer un peu l'air
-terriblement pollué!- de la ville.
Après la Chine et Hong Kong, le changement est brutal. Ici pas de buildings
ni de boulevards larges de plusieurs centaines de mètres, mais plutôt un enchevêtrement
de petites ruelles à peine asphaltée, criblées de trous,
que bordent des maisons qui dépassent rarement les deux ou trois étages.
Dans les rues, règne une confusion qui nous rappelle un peu l'Inde. Très
peu de voitures, des rickshaws -ces étonnants triporteurs jaunes et noirs
qui transportent passagers et marchandises-, des motos de 100 cc -où
peuvent prendre place 3, 4, voire 5 personnes (!)-, des vélos -très
chinois à nos yeux mais on nous les dit indiens!-, et bien sûr
des dizaines de piétons se doublent, se croisent et se bousculent dans
un capharnaüm incroyable, le tout -j'allais oublier!-, dans un concert
continu de klaxons qui nous fait sourire. A quoi bon klaxonner en effet quand
on est pris dans ce bouchon permanent qui avance à moins de 10 km/h?
Le flot vous emmène, c'est tout! Mais
non, chacun semble marquer sa présence de manière sonore, de crainte
peut être de n'être pris au sérieux. Car ici, et nous nous
en rendons déjà compte, l'avertisseur est un des organes essentiels
du véhicule. Les phares, les freins, des portes qui ferment, ça
c'est secondaire. Mais le klaxon, c'est le coeur du véhicule, la pièce
maitresse autour de laquelle on monte le reste! Sans klaxon en état de
fonctionnement, votre voiture, moto ou rickshaw ne vaut plus rien! On peut conduire
une poubelle -ce qui semble d'ailleurs être la mode ici...-, mais une
poubelle avec un klaxon qui marche SVP!
Sans tarder, nous nous faisons à cette ambiance sonore, et comme les
locaux, nous n'y feront même plus attention. L'essentiel est ailleurs.
Si ce premier contact avec le Népal nous rappelle l'Inde pour de multiples
raisons, une différence essentielle se dessine déjà.
Ici, nous ne ressentons nullemment cette tension et cette pression que nous
avions parfois eu du mal a supporter chez sa voisine. A la place, des sourires
de bienvenue et une attention bienveillante : nous sommes déjà
sous le charme! La beauté des saris féminins -et de celles qui les revêtent-
et le charme des hommes -c'est Caroline qui me le souffle!- ne donnent que plus
de valeur au tableau dans lequel nous venons de nous poser.
Et c'est ainsi que, sans rien faire d'autre que flâner dans les rues pour
nous imprégner de cette atmosphère enchanteresse, nous allons
nous laisser porter dix jours durant, sans programme ni but précis :
Kathmandou vient de nous envouter!
Il est vrai que cette capitale possède,
outre cette ambiance indéfinissable, des tonnes d'atouts pour séduire
les occidentaux que nous sommes, à commencer par son architecture exceptionnelle.
Classée Patrimoine de l' Humanité, Kathmandou -et sa vallée-
recèle en effet des joyaux de monuments de bois scuplté pour l'essentiel,
qui lui
vaudrait certainement la place de Miss Univers -ça n'existe pas encore
pour les villes ça?!- si elle se situait dans un pays occidental. Malheureusement,
nous sommes ici au tiers monde, et le peu d'argent qui reste après prélèvement
des notables corrompus comme il est difficile de l'imaginer, suffit à
peine à entretenir les trois ou quatres monuments les plus visités.
Et des splendeurs de bois sculpté, c'est par milliers qu'ils se comptent
ici! Depuis la naissance de la ville en 949, Kathmandou a accumulé un
patrimoine architectural dont il est difficile d'imaginer la richesse et l'importance.
C'est bien simple, il y en a partout! Dans le dédale labyrinthique des
ruelles qui transportent instantanément dans une ambiance moyenâgeuse,
à chaque maison, une porte, une fenêtre, les poutres apparentes
sont déjà une oeuvre d'art digne d'un musée. Et je ne parle
même pas des centaines de temples, édifices religieux et autres
lieux de dévotion qui fleurissent à chaque coin de rue, tellement
nombreux qu'il paraît tout bonnement impossible d'en faire la liste exhaustive.
Jamais au monde encore nous n'avons vu une telle profusion. Après la
Chine, c'est sûr, ça fait un choc!!
Transportés dans un autre univers, nous ne lassons pas de traîner
ainsi, émerveillés et désappointés à la fois
par autant de chefs-d'oeuvres en péril. Dans ce décor de musée,
ça vit, ça grouille. Dans les échoppes de quelques mètres
carrés, les marchands de tout et de rien font leur petit business qui
leur assurera le dal bhat - LE plat national, composé de riz , lentilles
et légumes fortement épicés- quotidien de la famille.Dans
la rue, des vendeurs portant boutique sur leur vélo haranguent les passants.
Fruits, légumes, viande, poisson, chaussettes, ustensiles de cuisine
et accessoires de toilette, épices, gâteaux, etc...., tout est
bon pour survivre jusqu'au lendemain. A même le sol, des couturiers et
tailleurs actionnent les pédales de leur machine à coudre, des
barbiers et coiffeurs travaillent sur le bord d'un hypothétique trottoir...
L'économie de la débrouille est en pleine activité.
Dans les rues et les endroits fréquentés par les étrangers,
des vendeurs 'spécialisés dans le touriste' accostent inlassablement
leurs proies potentielles dans un anglais plus ou moins approximatif.: "
Bouddha statues?, Tiger Baulm?, You need a guide?, ou
à demie voix : 'haschisch'.", chacun y va de son refrain... Et il
est vrai que le prix touriste est incomparablement plus attrayant pour le vendeur
que le cours népalais, ce qui n'est pas sans créer d' innombrabres
vocations. Même les (pseudos) saddhous, les hommes saints -tu parles!-
de la religion indoue se sont mis au business! Pour information, rappelons qu'un
saddhou est, "celui qui a renoncé au plaisir matériel pour
la prière". Le sourire de circonstance et l'amabilité commerciale,
ils tapinent et bénissent les touristes en les marquant de la tika (la
marque indoue sur le front), posent pour une photo, moyennant roupies sonnantes
et trébuchantes... "Cheating baba", (baba tricheur) comme les
appellent les locaux qui ne reconnaissent en eux aucune sainteteté. :
'Y'a décidément plus de religion!...
Tout cet aspect touristique a beaucoup
évolué ces dernières années, c'est notamment la
raison pour laquelle les 'purs et durs' qui ont fréquenté le coin
dans les années 70, ne reconnaissent plus rien de l'esprit qui animait
alors la cité. La Mecque des baba-cool a certes beaucoup changé depuis
sa 'découverte' par les hippies, mais pour nous qui étions trop jeunes
pour faire alors partie du voyage, Kathmandou reste très très séduisante. Les
rassemblements et fêtes improvisées dans la rue, au son de la guitare
et sous des nuages de marijuana s'envolant des shiloms ne sont, il est vrai,
plus de mise, les libertés de l'Epoque rangées au rang des souvenirs
que les anciens qui l'ont fait, racontent nostalgiques.
Trente
années se sont écoulées, Freak street n'est plus LE centre
de Kathmandou, LE lieu incontournable où les hippies du monde entier
élisaient domicile et partageaient le calumet de la paix... Pour désenclaver
le quartier en effet, Thamel, le nouvel eldorado touristique de la capitale
a été érigé à
partir de rien il y a quelques années. Artificiel au possible, ce parc
pour touristes n'est qu'une succession de boutiques, d'hôtels, restaurants
et autres agences où on trouve tout ce qu'on peut trouver ailleurs en
ville, mais au prix 'touriste'! Une ville dans la ville en somme. Là-bas,
on est à Kathmandou sans y être, la concentration d'occidentaux
dépasse de loin celle des locaux, même la langue de rigueur est
l'anglais. Vous l'aurez compris, pas vraiment notre planète en somme...
En grossissant, Thamel a littéralement phagocyté Freak Street
qui, vidée des babas qui ne trouvent plus la ville assez cool, dépassée
par le standing du nouveau quartier, n'attirent plus grand monde. A notre grand
bonheur du reste, heureux de séjourner dans un quartier plus vraiment
touristique, baignant dans une ambiance très locale, au coeur de la vie
népalaise. Bon d'accord, l'eau 'chaude' de la douche ne dépasse
parfois guère les 15°C, et le réveil matinal des locaux qui
se raclent bruyamment la gorge dès 5h30 le matin et emplissent bruyamment
les rues à partir de 6h00, nous font parfois grimacer, mais bon... Disons
que ça fait partie du 'charme local'!...
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