Alors
que nous n'avons toujours pas de 'programme' établi et que nous faisons
durer le plaisir à Kathmandou, nous commençons à apprécier
les avantages que procure un séjour de durée presque anormalement
longue dans un même lieu. Si notre regard sur la ville est déjà
plus affuté, celui des locaux à notre égard n'est plus
tout à fait celui qu'ils portent sur un touriste de passage. Nous commençons
à avoir nos habitudes, des restos et gargotes favorites où on
nous reconnaît, quelques connaissances locales avec qui nous aimons prendre
le temps de discuter... En un mot, nous ne sommes déjà plus que
des touristes, mais déjà un peu des êtres humains, ce que
nous apprécions vraiment. Que ce soit Soubir le vendeur d'antiquités
tibétaines au regard vert à faire tomber les filles, ou encore
Enzila la vendeuse de pop-corn ou Rita la petite vendeuse de porte-monnaies
en tissu, nous commençons
à avoir ici presque des amis. Ils nous font découvrir la vie népalaise,
nous leur racontons un peu notre pays, l'échange est fort intéressant.
C'est en prenant notre thé au lait matinal dans 'notre' petite gargote
donnant sur Dubar Square que l'idée nous traverse l'esprit:
- Hé, tu crois pas que ce serait un endroit intéressant pour faire
venir mes parents? lance Caroline, les yeux qui pétillent déjà
à l'idée de les revoir après 21 mois de séparation...
- J'y pensais! ... C'est vrai que ce serait vraiment génial que de faire
partager ce que nous vivons ici à des proches. Imagine un peu tes parents
dans ce cadre, là, au milieu de ce décor de moyen-âge, parmi
cette foule colorée... Ils auraient l'impression d'atterrir dans un reportage
télé!!
- Et puis ils aiment marcher. On pourrait faire un trek pas trop dur avec eux...
-
Ils verraient le toit du monde!...
Et de continuer ainsi à énumérer tous les points positifs,
déjà excités à l'idée de faire partager ce
que nous vivons autrement que par notre site.
- Et tu crois qu'ils viendraient si on les invitait? poursuivai-je
- Pourquoi pas! Maintenant qu'ils sont tous deux en retraite, ils n'ont que
ça à faire s'ils veulent! reprend Caroline déjà
peinée à l'idée qu'ils pourraient refuser. On leur envoie
un mail?
Et c'est ainsi que quelques minutes après avoir exprimé l'idée,
nous surfons déjà sur le net, cherchant les vols Paris-Kathmandou
les moins chers...
- J'mets quoi comme date de départ?
- J'sais pas moi... réfléchit Caroline. Dans 15 jours ou trois
semaines, ils auront le temps de tout régler, billets, visas, etc?...
- Oui, à l'aise! Maintenant, faut qu'ils soient prêts à
partir psychologiquement...
Une fourchette de prix pour les vols, les noms des compagnies assurant la liaison,
une vague liste de conseils et des tas d'arguments visant à les convaincre
de venir nous rejoindre sur l'écran, nous envoyons un mail, et attendons
déjà la réponse!...
Elle arrivera une semaine plus tard, alors que nous n'y croyions plus, persuadés
qu'après réflexion, leur arguments 'contre' avaient emporté.Mais
la bonne surprise est alors double lorsque nous lisons, bien heureux : "Nous
avons trouvé un vol qui partirait de Roissy le 30 octobre et retour le
27 novembre, avec un arrêt au Qatar .Il faudrait nous dire si cela vous
convient aussi .Nous sommes allés voir le docteur pour les vaccins et nous avons
rendez vous mercredi matin..."
- Hé bien ça s'active du côté de Dinard! constatai-je
en remarquant que nous avions oublié de leur parler des vaccins...
Emue, Caroline a les larmes aux yeux. Elle va revoir ses parents que nous n'avons
pas vu depuis notre séjour en République Dominicaine, voici 21
mois... Pour détendre l'atmosphère, je poursuis :
-
Moi qui croyais échapper à ma belle-mère en partant au
bout du monde!... La prochaine fois, on va sur la lune!!
Deux petites semaines nous
séparent de cette arrivée surprise. Alors que les visites pendant
le voyage nous ont jusqu'alors un peu pressés dans notre programme, cette
fois-ci nous sommes en avance au rendez-vous! Comme il est difficile d'organiser
un trek dans ce laps de temps, nous en profitons pour mettre à jour le
site, ce qui nécessite encore quelque journées de travail. Et
poursuivre notre petite vie peinarde à Kathmandou, sous le soleil et
la chaleur de la mi-octobre...
C'est à ce moment que nous faisons
la connaissance de Patrick, un Belge en voyage ici pour deux mois. En sa compagnie,
nous faisons plus ample connaissance de la ville, passons du temps à
ne rien faire d'autre que discuter, ensemble, et avec des connaissances de passage,
un vrai plaisir que nous nous autorisons trop peu, toujours -et encore!- poussés
par le besoin de 'faire quelque chose' de notre culture occidentale. Mais il
est difficile de reformater des esprits âgés (!) comme les nôtres.
C'est trop tard!! Témoin cette 'perte de temps' inimaginable après
laquelle nous rageons quand il s'agira d'obtenir des visas de l'Inde, notre
prochaine
destination. Trois demies journées perdues de paperasses et d'inorganisation
nous mettent à l'heure du sous-continent indien, et nous rappelle, si
besoin en était, que nous ne fonctionnons vraiment pas comme eux...
Dans un restaurant de Freak Street, en rencontrant Sandra, une suissesse vivant
en Inde depuis quelques années, nous en avons, si besoin en était,
la confirmation. Basée six mois en Suisse pour gagner sa vie, elle réside
en Inde le reste de l'année pour jouir de la vie. Sans le formuler, le
message est peut être le suivant: réussir sa vie, c'est prendre
le meilleur des choses là où elles se trouvent. Et pour donner
de l'eau à notre moulin, nous ajouterions : "Et comme la perfection
n'est pas de ce monde, seul le voyage permet de s'en approcher!". Après
plusieurs heures de discussions dans un bistrot népalais, si c'est pas
de la pensée philosophique ça, on ne s'y connaît plus!
- Hé patron, la même chose!...
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