Plus que quelques jours maintenant avant le retour en France des parents
de Caroline qui nous accompagnent depuis maintenant près de trois semaines.
Au programme, les tours opérators que nous sommes leur ont tout de même
réservé une petite surprise, à laquelle ils étaient
loin de s'attendre : un séjour dans la jungle.
- Dans la jungle?... Au Népal??... s'étonnent-ils?
Et oui, contrairement à l'image que nous avons communément de
ce pays, le Népal n'est pas uniquement composé de haute montagne.
Au sud du pays, "coincée entre les contreforts himalayens et la
plaine alluviale du Gange", s'étend une étroite bande de
terre qui offre des paysages, une faune et une flore que l'on a, à priori,
du mal à situer dans ce royaume himalayen. Frontalière avec l'Inde,
cette région que l'on appelle le Téraï présente en
effet un tout autre visage du pays. C'est ce dernière que nous nous proposons
de visiter pendant les quelques jours en famille qu'il nous reste.
Après un rapide retour
-obligé- d'une journée à Pokhara, nous reprenons un bus
pour Sauhara, à l'entrée du Parc National de Chitwan. En quelques
heures, nous glissons dans un univers totalement différent, plat et fertile,
chaud et humide: nous sommes bel et bien dans la jungle, la jungle népalaise.
En prenant pension dans un 'resort' où nous sommes les seuls clients
(!), nous prenons rapidement connaissance de la situation. Plus qu'ailleurs
encore au Népal, la crise touristique frappe de plein fouet cette région,
qui, si cela ne suffisait pas, a essuyé cet été des inondations
de moussons comme elle avait rarement connue. Sinistrée deux fois, la
région essaie de faire face. Mais elle manque sérieusement de
moyens financiers et techniques, et nous présente finalement une façade
touristique qui ressemble plus à du
bricolage qu'à du professionnalisme. Une mine d'or très mal exploitée.
D'autant plus mal exploitée que lorsqu'un 'resort' tient un touriste,
on essaye par tous les moyens de lui vendre des prestations qu'ils auront souvent
bien du mal à honorer. Chacun s'improvise alors guide, organise des excursions
safaris dans la jungle, des balades en canoë sur la rivière, sans
vraiment maîtriser tous les paramètres de cette nature sauvage.
Un bon point toutefois, tout ceci est fait avec une vraie gentillesse qui ne
ne donne jamais le sentiment d'être une arnaque Le seul problème,
et il est de taille, nous n'avons pas affaire à de vrais professionnels,
indispensables pour affronter un tel environnement.
Il est vrai que la nature est ici sauvage, témoins la présence
de tigres et de rhinocéros à une corne que tout le monde ici craint
farouchement. Si les tigres ont plutôt tendance à éviter
le contact avec l'homme, les rhinocéros sont ici chez eux et n'hésitent
pas à charger tout intrus qui pénètre sur leur territoire.
Aussi, lorsqu'un rhino rode dans les parages, les locaux affolés courent
dans tous les sens pour le fuir, ce que nous comprenons aisément.
Témoin ces scènes que nous vivons deux soirs de suite alors que
nous nous baladons à quelques centaines de mètres du village,
aux abords de la rivière. Le premier soir, un local visiblement peu rassuré
nous demandera de ne pas nous approcher d'avantage de la rivière où
un rhino à une corne prend son bain. Le lendemain, c'est un couple de
locaux sur le qui-vive nous qui fait de grands signes pour que nous n'allions
pas plus loin. Les cris sourds et puissants provenant de la forêt, située
sur l'autre berge de la rivière, sont ceux de rhinos qui se battent pour
une femelle. Quelques minutes plus tard, une villageoise rentrant son bétail
viendra avertir le couple que nous ne quittons pas qu'il faut partir. Un rhinocéros
vient de traverser la rivière à un endroit où nous ne l'attendions
pas, nous le distinguons maintenant dans la clarté blafarde de la nuit
tombante, à 250 mètres de nous. Pas très rassurés,
nous pressons alors le pas et nous mettons définitivement à l'abri.
Ce qui nous rassure le moins, c'est le manque manifeste de sécurité,
le peu de précautions prises pour tenir la population et les touristes
d'avantage à l'écart du vrai danger que représentent ces
monstres de puissance. Et nous ne sommes pas vraiment étonnés
quand le guide nous annonce la mort accidentelle de 5 à 20 personnes
par an dans le secteur.
C'est pourquoi il nous déconseille vivement d'opter pour une randonnée
-accompagnée par un guide, c'est obligatoire- à pied dans le parc.
- Si vous ne savez pas tous grimper aux arbres en cas de danger, je ne peux
pas vous emmener, nous annonce-t-il rassurant.
Et
il est vrai qu'il y a belle lurette que les parents de Caroline ne se sont pas
entraînés à pareille épreuve... Plusieurs témoignages
de touristes rencontrés nous le confirment d'ailleurs. "Quand le
guide nous a crié affolé qu'un rhinocéros nous chargeait,
c'était le sauve-qui-peut! Il s'est réfugié affolé
dans un arbre, nous avons fait de même, le cur battant à
160. Quand on a vu la bête au pied de nos perchoirs, on a compris ..."
- Y a-t-il alors un autre moyen plus tranquille pour voir les animaux? questionnes-je,
moyennement rassuré par l'encadrement.
Voyant des images de safaris africains défiler dans ma tête, je
poursuis : " Il y a des jeeps?..."
- Non, répond-il désolé. Avec les inondations, il n'y a
plus de pistes praticables, mais vous pouvez aller en éléphant.
L'expérience peut sembler intéressante, imaginiez-nous un peu
tous les quatre en maharadjahs, notre cornac conduisant le convoi! Côté
sécurité, nous serions parés: jamais un tigre ni un rhinocéros
ne s'est jamais attaqué à un pachyderme. Aussi, nous prenons de
plus amples renseignements, concernant notamment le tarif de la prestation.
- L'entrée du parc, c'est 500 roupies par personne. L'éléphant,
ça dépend.
- Ça dépend de quoi? interrogeons-nous.
- Si vous voulez aller à l'intérieur du parc, c'est 1000 roupies
par personne le tour d'une heure et demie.Ca fait donc 1500 roupies fois 4,
soit 6000 roupies.
Nous consultant, l'addition nous semble élevée. Je poursuis alors:
- C'est la seule solution?
- Non, vous pouvez aussi faire un tour d'éléphant en dehors du
Parc. Là, c'est moins cher, ça coûte 500 roupies par personne,
pour une ballade de 2 heures et demies.
- Ce qui fait donc 2000 roupies, c'est pas trop mal ça! interroges-je
l'équipe...
- Non! me coupe-t-il. Il faut ajouter les 500 d'entrée du Parc.
- Mais si on ne va pas dedans!... m'étonné-je.
- ... Ben oui, mais pour l'éléphant, il faut quand même
payer le droit d'entrée du Parc! C'est la règle... termine-t-il
un peu gêné...
De notre côté, on ne comprend pas. Toutefois, je poursuis quand
même :
- Et ce qu'il y a à voir à l'intérieur du Parc est vraiment
différent de l'extérieur?
- Non, répond-il honnête. C'est la même chose. Il n'y a pas
de barrière pour les animaux!
Poussant à fond le raisonnement, je me permets une dernière question:
- Et depuis l'éléphant, on voit plus de choses qu'à pied,
comme on a vu hier soir?...
- Non, pas vraiment. Si vous avez de la chance, vous verrez peut être
un tigre, mais c'est rare. Mais des rhinocéros, on en voit presque à
chaque fois, ça, conclut-il, moyennement convainquant.
Après une rapide réflexion, notre avis est rapidement fait. Si
nous ne projetions pas de poursuivre notre périple en Afrique l'année
prochaine, nous nous laisserions peut être convaincre, mais là,
nous ne sommes pas convaincu que le jeu en vaille la chandelle.
- Hé bien comme ça, vous reviendrez nous rejoindre dans un grand
parc africain, propose rayonnante, Caroline à ses parents.
- Chiche! reprennent-ils, déjà emballés par ce projet de
voyage futur.
- Hé, ma belle-mère n'est pas encore partie que tu parles déjà
de la faire revenir!!!, glissé-je en fausse aparté à Caroline,
uniquement pour faire rager ma belle-mère préférée
qui démarre au quart de tour...
- Si tu veux pas nous voir, on ne viendra pas! reprend-elle pour tester son
gendre préféré (je suis le seul!!) indigne.
- Mais non, j'disais ça pour déconner! terminé-je en trinquant
à l'honneur de ma belle-mère préférée!
Un peu déçu
par Chitwan duquel nous attendions sans doute trop - un endroit paradisiaque
à l'avant goût de safari africain...-, nous écourtons finalement
cette escale, regrettant même un peu de ne l'avoir annulée au profit
d'un trek annapurnien allongé de quelques jours supplémentaires.
Nous saurons la prochaine fois...
Regagnant
alors Kathmandou un peu plus tôt que prévu, nous mettons à
profit les trois jours qui restent pour flâner une fois encore dans cette
capitale qui nous a séduits et dans laquelle nous nous sentons vraiment
bien. Et puis les parents de Caroline ont quelques achats à faire pour
toute la famille et les proches ceux qui rêveraient d'être à
leur place...
Le 27 Novembre, 5h00 du matin.
Quatres semaines en compagnie des parents de Caroline viennent de s'écouler.
Beaucoup trop vite comme toujours en pareil cas quand tout se passe bien, mais
l'heure du retour au pays vient de sonner. Dans la perspective d'une réadaptation
plus rapide en France (!!), c'est en taxi que nous gagnons ce matin l'aéroport
de Kathmandou. -La vraie raison de ce choix est que le service de bus ne démarre
qu'à 6h00!-. Un peu tristes de chaque côté, nous nous séparons
devant l'entrée de l'aéroport, qui, par mesure de sécurité,
n'accepte plus dans son hall les non détenteurs de titres de transport.
- Alors comme ça, on vous revois l'année prochaine! claironnes-je
en plaisantant pour tuer ces derniers instants où personne ne sait plus
trop que dire pour tuer un silence inhabituel.
- Pourquoi pas! reprend ma belle-mère qui connaît l'oiseau.
Le temps d'une dernière embrassade, d'un dernier "Bon voyage et
bonjour à tout le monde!", et nous les laissons à leur voyage
retour, marchant déjà d'un pas alerte vers l'arrêt de bus.
Pour nous le voyage se poursuit....
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