Étendu
sur plusieurs kilomètres, ce gros village compte plus d'une centaine
de maisons étagées sur plusieurs niveaux. Blanchies à la
chaux et plus luxueuses, les habitations des plus hautes castes sont facilement
reconnaissables.
- C'est ma maison, nous indique-t-il. Ma femme et mes enfants vivent à
Katmandou, mais je garde cette maison ici. Celle-ci est celle de ma mère.
Et c'est là-bas que nous allons, poursuit-il en pointant du doigt un
énorme bâtiment en chantier.
Imposante construction de parpaings, située sur un terrain grossièrement
nivelé au bulldozer -il y aurait
donc une route carrossable...-, Gokarna nous présente alors le projet
NAMASTE.
Si les descriptions antérieures nous avaient fait échafauder des
plans permettant de finaliser un projet, nous retombons sur terre! Certes le
bâtiment existe, le rez-de-chaussée en tout cas, mais le premier
étage -hormis deux pièces dont le gros uvre est terminé-
n'est qu'une vaste plate-forme inachevée. Quant au reste, mis à
part des volets de bois et des portes, rien n'est fini. Ni fenêtres, ni
électricité ni arrivée d'eau, le travail à faire
est considérable pour rendre ce lieu opérationnel. Gokarna nous
l'a présentée comme une maison destinée à accueillir
et scolariser une trentaine d'enfants du village, dans 3 mois! Nous savons déjà
que cela est impossible. En dehors de la dalle de ciment coulée au sol
et les murs intérieurs cimentés, tout ressemble ici à un
chantier abandonné...
Mal à l'aise devant l'air surpris que nous affichons, Gokarna commence
alors une étrange danse de serpent.
- Vous voyez, il y a du travail mais ça va s'arranger! s'empresse-t-il
de nous dire pour briser l'atmosphère.
Ce qui nous surprend le plus, c'est la différence entre la réalité
et ce qu'il nous a vendu. L'il qui en dit long, Patrick nous regarde,
partageant les premiers doutes qui nous habitent.
Nous
reprenant enfin, nous essayons de relativiser les choses. Le standing d'une
structure d'accueil pour enfants de la rue au Népal ne correspond sûrement
pas à ce qui existe dans nos pays.
- Y'a déjà un toit en dur et quatre murs, c'est déjà
beaucoup ici! déclare Patrick, moins surpris que nous
- Fallait peut-être pas qu'on s'attende à voir de la moquette et
des abats-jours, non plus!... poursuivai-je en plaisantant.
Après nous avoir présentés au gardien du lieu -qui ne nous
attendait pas, semble-t-il-, Gokarna nous invite à nous
installer.
- Où vous voulez, dit-il en poussant neuf des dix portes des pièces
composant cet ensemble proche de 350 m². Vous avez le choix, sauf dans
celle-ci, précise-t-il. Un instituteur et sa famille y habitent.
Et nous qui pensions, avec nos préjugés d'occidentaux, que ce
n'était pas vivable!
Un bon coup de balai plus tard dans 'nos' chambres -ça n'avait jamais
été fait!- et nous nous installons dans ce nouveau "chez
nous" de plus de 30 m² chacun.
Pendant ce temps, sur la plate-forme supérieure,
Gokarna discute au soleil avec deux hommes venus aux nouvelles.
- Prenez votre temps, nous dit-il alors que nous montons le rejoindre. Aujourd'hui,
voyez un peu ce que vous pourriez faire. De notre côté, on va réunir
le comité local de l'association pour discuter de tout cela... Si vous
voulez, vous pouvez aller voir l'école, ça peut être intéressant.
Depuis
maintenant trois heures que nous sommes arrivés, nous avons, avec Patrick,
cerné la question. Le chantier NAMASTE entamé il y a deux ans
n'a visiblement pas beaucoup évolué depuis de longs mois. Mis
à part le gardien, dont la fonction se borne à surveiller, personne
ne travaille ici. S'il n'est pas déjà mort, le projet semble bel
et bien bloqué. Pour qui, pourquoi? Nous ne le savons pas encore mais
ce que nous avons du mal à discerner c'est la raison profonde pour laquelle
on nous a fait venir ici...
De retour à des réalités bien concrètes, nous expliquons
rapidement à Gokarna que, compte-tenu de l'avancement du chantier, nous
ne pouvons sérieusement envisager d'apporter notre aide sur des projets
éducatifs concrets auprès des enfants.
- D'ailleurs ils sont où les 30 orphelins?
- ... il y en a, il y en a... répond-il, acculé. Mais de toute
façon, il y a plein d'enfants pauvres ici, se reprend-il...
- On n'en doute pas. Donc voilà ce que nous pensons: comme nous ne sommes
ici que pour une semaine, nous n'allons pas courir plusieurs lièvres
à la fois. On avait parlé de peinture à faire pour recouvrir
les murs, tu te rappelles? Eh bien, c'est ce que nous allons faire, si tu veux
bien.
Un peu surpris par cette entrée en matière assez ferme, il précise:
- Oui, ce serait bien. Mais je ne suis pas le seul à décider,
vous savez. Je ne fais même plus partie du comité de l'association.
- !!!!!!
- Mais il va se réunir aujourd'hui, je leur parle de tout cela...
- Eh bien, c'est pas gagné! rajoutons-nous entre nous.
- Il y a un truc qui cloche là-dedans... On va bien voir!
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