Sans
trop y croire, nous tendons le pouce au passage d'un gros pick-up Toyota occupé
par deux seules personnes.
- Où allez-vous? nous interroge le jeune chauffeur en anglais.
- A Phnom Penh...
- Allez-y, montez! nous invite-t-il en ouvrant la porte arrière de ce
gros véhicule climatisé.
Nous n'en revenons pas! Et pour dissiper tout malentendu futur, nous mettons
tout de suite les choses au point:
- Mais nous ne voulons pas payer plus de 5 dollars.
Consultant son passager, il répond aussitôt:
- Il n'y a pas de problème, montez!
Nous sommes aux anges! Et de l'enfer, nous passons au paradis... Quand nous
apprenons que ces deux jeunes cambodgiens d'une vingtaine d'années sont
missionnaires d'une nouvelle église américaine "Four square
Church", nous ne pouvons nous empêcher de rire.
Convertis il y a quelques années, John et Daniel supervisent maintenant
plusieurs régions où leur église a déjà construit
plusieurs lieux de culte. Sur la piste défoncée que nous parcourons,
nous discutons avec ces hommes sympathiques qui ont sincèrement le sentiment
de venir en aide à leur peuple. Dans un village où nous nous arrêtons,
nous visitons un édifice récemment construit par l'église.
Alors que les habitants vivent dans des conditions de misère, sans eau
courante ni électricité pour la plupart des habitations plus que
rudimentaires, l'église construite à l'entrée du village
tranche par son modernisme très occidental. Une manière sans nul
doute d'attirer de nouveaux clients...
Mais nos deux hommes ne sont pas, en apparence tout du moins, ne sont pas plus
obsédés que ça par la question. Pour eux, l'église
est surtout un moyen de venir en aide aux enfants, de leur apprendre à
lire, de pourvoir à leur éducation. Dans l'église que nous
visitons, une adorable gamine orpheline de 10 ans a même été
prise en charge par leur communauté religieuse qui ne cesse de grandir.
Partagés entre un sentiment plutôt positif et une certaine retenue,
nous ne savons vraiment pas quoi penser de tout ça. De cette nouvelle
église ' chrétienne' américaine qui a vu le jour il n'y
a que quelques années. Aussi, nous aurions envie de les féliciter
pour leur action charitable mais la plus grande prudence s'impose en pareille
situation. Les pires des sectes se présentent souvent sous leurs meilleurs
aspects pour séduire de nouvelles brebis...
De retour sur cette route mémorable, nous voyageons comme des rois à
l'intérieur de ce carrosse climatisé, à l'abri de la poussière.
Autour de nous, la campagne à perte de vue, avec ses rizières
qui attendent la pluie. Sur la route, des vélos et des mobylettes surchargées
nous étonnent toujours et encore. A cinq sur une mobylette, les familles
se déplacent. Des chargements que nous n'oserions transporter de voiture
trouvent ici leur place sur une mobylette! Ici maintenant, ce sont trois cochons
attachés sur le dos dans de surprenantes nasses de bambou qui font le
déplacement sur une petite Honda... pour le plus grand-nombre, le pick-up
s'avère indispensable. Témoin celui-ci à l'arrière
duquel nous comptons pas moins d'une vingtaine de porcs, emprisonnés
dans ce carcan tressé si particulier. Des images, nous en captons des
dizaines, plus étonnantes les unes que les autres. Nous retiendrons par
exemple cette surprenante manière de transporter de l'eau dans la partie
creuse des sections de bambou, fixés librement sur un balancier porté
sur l'épaule, faisant penser aux tuyaux d'un orgue portatif...
Prenant une pause repas dans un restaurant de rue à la hauteur de Kompong
Chnang en compagnie de John et Daniel, nous avons la surprise de retrouver Romain
et Emmanuel, deux jeunes cyclistes français croisés à la
frontière cambodgienne et à Siem Reap. Panachant les 6 mois de
leur parcours asiatique de sections en VTT, c'est pas ce moyen qu'ils relient
la capitale en trois jours. Sous un soleil d'enfer et une poussière envahissante
sur cette piste de terre, ils forcent notre admiration nous qui roulons presque
en Rolls Royce aujourd'hui.
Heureusement pour eux, les 91 kms qui nous séparent maintenant de Phnom
Penh sont asphaltés.
- On se donne rendez-vous à Phnom Penh, alors?
- Pas de problème! Mais pour nous, ce sera pour demain, il fait maintenant
trop chaud pour rouler, nous annonce Emmanuel.
- Bon courage, alors! Et à bientôt!
Et c'est vrai qu'il fait chaud, très chaud. Entre 35 et 40°. Nous
commençons à apprécier de plus en plus la climatisation
de notre Toyota d'adoption...
Frais comme des gardons malgré 6 heures de route, nous atteignons Phnom
Penh en milieu d'après-midi. Me voyant alors sortir le portefeuille pour
régler ce que nous avions convenu, John m'arrête d'un signe de
la main.
- Non, non, c'est bon! refuse-t-il d'un sourire.
Devant mon insistance légitime, il précise:
- Alors juste un dollar ou deux pour payer le repas de ce soir.
Le remerciant comme il se doit, nous quittons John et Daniel nos deux missionnaires,
voyant à travers cette rencontre non pas comme ils nous le disent 'un
signe de Dieu', mais seulement une réponse plus que favorable de la chance
que nous avons su provoquer...
. Yaca.net ®Un tour du monde avec nous - Textes et Photos©2000-2010 - Yaca - Tous droits réservés