En franchissant la porte du Boeing 747 de la Lan Chile, nos sentiments sont
partagés entre une irrésistible envie d'y être déjà et la tristesse de quitter
l'Amérique du sud où nous nous sommes sentis si bien… Il est 18h30 comme nous
décollons pour 6h15 de vol, destination de la mythique Île de Pâques. Ah, l'île
de Pâques ! … Combien de fois en ai-je rêvé auparavant en feuilletant des livres
qui lui sont consacrés ! Outre le fait qu 'elle soit la terre habitée la plus
éloignée de toute autre terre - l'île de Pitcairn se situe à 1950 kms à l'est
et les côtes chiliennes à 3750 kms à l'Ouest - , le mystère de la civilisation
pascuane dont les moaïs - ces incroyables statues géantes de pierre, dressées
dos à la mer - sont le symbole, exercent sur moi une véritable fascination.
Écarter cette destination de notre tour du monde était tout bonnement
inconcevable. Le rêve aurait été amputé d'un de ces plus extraordinaires joyaux….
Depuis le fauteuil n° 22F de ce vol de la Lan Chile je relis pour la énième
fois de la documentation récupérée à l'aéroport.
" L'Île de Pâques constitue le seul exemple de l'Histoire
universelle où une poignée d'hommes dépourvus de tout,
complètement coupés du reste du monde, est parvenu à concevoir
une véritable culture".
Caroline, elle, s'est déjà assoupie à mes côtés, rêvant peut-être déjà du mystère
de l'homme-oiseau. Dans ma tête, je tente de me repasser les images si souvent
visionnées de cette île que les Pascuans avaient baptisée 'Te Pito o te Henua',
le nombril du monde. Un peu nerveux, cette 'rencontre' qui aura maintenant lieu
dans moins de 2 heures, me procure l'étrange sensation d'un rendez-vous amoureux…
(Caroline dort toujours, je peux me laisser aller, non ? Et si ça se trouve,
à l'heure qu'il est, elle est dans les bras de l'homme-oiseau, alors !). Et
si la réalité n'était pas à la hauteur du rêve ? 'Le meilleur moment est quand
on monte l'escalier' disait un humoriste (Sacha Guitry ?), et je monte les dernières
marches…
Il est 21h15. Caroline, qui vient de sortir des bras de Morphée, n'a besoin
que d'un regard pour traduire mon état d'esprit. Tandis que l'hôtesse nous invite
à boucler nos ceintures, l'appareil entame son approche vers ce petit bout de
rêve de 23 kms de long, perdu en plein Pacifique. 5000, 3000, 1000, 500 mètres
d'altitude indique l'altimètre sur l'écran télé…
A travers ces hublots, nous distinguons maintenant nettement les lumières de
la piste qui, notons-le au passage, est une des plus longues du monde puisqu'elle
constitue une des pistes de secours de la navette spatiale américaine. Du reste
de l'île nous ne distinguons rien : pas une lumière, pas une ville, pas une
voiture. Comme drapée sous un épais tissus opaque, l'île
ne semble pas vouloir se dévoiler...
Il est 21h30 heure locale en ce 14 Juin 2001, nous venons d'atterrir à Rapa
Nui, plus connue sous le nom de L'Île de Pâques.